Follow me if you can [PV Edward]

Alice entrouvrit la porte de sa chambre et lança un regard suspicieux de chaque côté du couloir. Était-il là? Pouvait-elle y aller? Était-il absent? Ou bien se cachait-il? Soupçonneuse, Alice sortit à pas de loup de sa chambre mais ne fit que quelques pas avant de humer l'air. Elle cherchait à savoir qui était présent ou non dans la maison Cullen. Furtive, elle s'avança dans la maison et y croisa l'odeur diffuse d'Emmett, celle plus entêtante de Rosalie, celle provocante de Bella mais pas celle de son autre frère. Edward n'était pas là! Un petit sourire machiavélique apparut au coin des lèves d'Alice. L'occasion était plus que parfaite, et Alice sut que c'était le moment où jamais, d'ordinaire Bella et Edward ne se séparaient guère. Elle fila sans plus faire attention au bruit que ses pas faisaient – c'est-à-dire un son infime – et prit la direction de la chambre de Bella. Elle toqua à la porte, juste assez fort pour que les oreilles humaines de sa belle-sœur puissent l'entendre. Lorsqu'on lui intima d'entrer, elle poussa la porte.
« Edward n'est vraiment pas là? »
Alice répondit au regard intrigué de Bella par un sourire faussement angélique. Celle-ci lui répondit que non.
« Bon, très bien. Dans ce cas, j'ai quelque chose à te demander Bella chérie... » dit-elle en venant s'asseoir près d'elle.

Ce qu'Alice appréciait à l'université, c'est qu'il n'y avait pas de sonnerie annonçant la fin des cours et par conséquent, pas le début non plus. Elle prit son temps pour sortir de la voiture et passer l'entrée de Dartmouth, alors que des centaines d'élèves prenaient déjà la direction des amphithéâtres. Elle vit Edward et Bella s'éloigner dans le large couloir. Avec un petit sourire dissimulant mal son excitation, elle s'approcha d'une rangée de casier qu'elle longea, tout en reniflant discrètement l'air ambiant. L'odeur d'Eward et de Bella l'interpella et Alice entreprit d'ouvrir le casier concerné. Une voix dit dans un murmure à peine audible:
« Le casier de Ed, c'est celui d'à côté si c'est ce que tu cherches. »
Alice ne retrouva pas, mais dit tout aussi bas.
« Merci Jazz »
« Je peux savoir ce que tu fais? Le pire, c'est que non seulement ça se voit que tu t'amuses, mais je sens que c'est le cas... »
Alice ne répondit pas immédiatement, et glissa un papier plié en deux en guise de marque page dans un des livres qu'elle savait appartenant à son frère, puis referma la porte du casier. Elle vit volte-face, se retrouvant toute proche de Jasper.
« D'ailleurs, ça tombe bien que tu me poses la question, mon chéri, je vais avoir besoin de toi... Interdiction de dire non! »
Tous deux se demandèrent, perdu à leurs pensées, si il y avait quelque chose que Jasper pouvait refuser à Alice. Et tous deux connaissaient l'évidence: jamais il ne pourrait lui dire non. Ainsi, Alice commença à expliquer avec enthousiasme son plan à Jasper...

La journée n’allait rien avoir d’ordinaire et pourtant elle avait commencé comme toutes les autres : d’une manière assez banale. Cela ne perturbait pas spécialement Edward qui, depuis une bonne centaine d’années, avait l’habitude de voir les jours se suivre et se ressembler.
Et puis surtout, depuis qu’il avait Bella dans sa vie d’éternel, tout pouvait bien être ordinaire, banal ou répétitif, la vie n’avait plus le même goût. Dorénavant, elle était délicieuse, quoi qu’il se passe, car il n’était plus seul, il avait son âme sœur.

Ces derniers temps toutefois avaient été difficiles pour le couple et pour le jeune homme. La famille du couple avait subi des épreuves qui avaient laissé des traces même si désormais les évènements étaient loin derrière eux. Edward en particulier n’en était pas sorti indemne, touché par ce qui en était ressorti et toujours incapable de se pardonner ce qu’il avait découvert de lui dans ces moments-là. Son manque d’attention envers le mal-être de l’une de ses sœurs et le fait que Bella refuse de faire connaitre son esprit à son époux le tracassaient à défaut de le mettre en colère et il éprouvait à l’égard de sa propre personne une haine et un dégoût qu’il n’était pas sûr de voir disparaitre un jour.
Il se sentait responsable du fait que les choses aient été si loin pour Rosalie, alors qu’il était le seul à pouvoir faire quelque chose avant que cela ne dégénère. Il n’avait rien fait et s’en voulait pour cela, pour peu Rosalie serait morte de sa bêtise.
Et il se sentait indigne de l’amour de Bella et de la confiance qu’elle semblait mettre en lui. Dans son for intérieur, il se savait plein de doutes, d’égoïsme, de peurs et de jalousie qu’il n’était pas sûr de pouvoir contenir éternellement. Il se sentait monstrueux de ressentir tout cela par rapport à son épouse alors qu’il devrait avoir confiance en elle et croire qu’elle l’aimait vraiment.

Ainsi, bien que la journée soit ordinaire en apparence, elle était teintée de tourments qui accablaient l’esprit d’Edward comme chaque jour depuis plusieurs semaines maintenant, et qui l’éloignaient de plus en plus de ses proches bien que physiquement il soit à leurs côtés.

Il avait accompagné ce matin-là son épouse à son cours juste avant de rejoindre le sien, s’obligeant à ne pas céder à l’envie de la rejoindre à chaque seconde. Bella et lui avaient pris des orientations différentes par goût mais également pour ne pas être constamment l’un sur l’autre, bien que l’un comme l’autre l’aurait en fait désiré. Mais Edward avait peur d’étouffer son épouse en sachant à chaque seconde ce qu’elle faisait et ce que pensaient les gens qu’elle côtoyait. Cela ne l’empêchait pas pour autant de scruter les esprits des gens dans le couloir ou dans l’amphi pour savoir si Bella allait bien mais il se gardait bien de le lui dire et la laissait libre de suivre son année d’université comme bon lui semblait. Il voulait que cette année soit une année riche en expériences diverses pour celle qu’il aimait avant de devoir honorer sa promesse et de la transformer.

Ce matin-là, donc, Bella et Edward s’étaient séparés et, en lui disant au revoir, son épouse l’avait averti qu’elle allait passer l’après-midi avec des amis pour travailler sur un projet qu’ils avaient en commun pour l’un des cours.
C’est donc sans surprise qu’Edward arriva seul devant son casier de la faculté, prenant juste quelques livres avant de rentrer à la maison, l’âme en peine de savoir son épouse loin de lui.
Il ne prit pas garde au petit papier qui dépassait d’un des livres et rentra à la villa des Cullen. Arrivé à bon port, il céda aux assauts de son frère Emmett et joua avec lui à la console de jeu.
Le papier qu’Alice avait glissé dans l’un des livres resta donc bien au chaud dans la chambre d’Edward jusqu’à ce que, le soir venu, inquiet, il y remonte pour y faire les cents pas en essayant de ne pas s’inquiéter de l’absence de Bella.

Marchant de long en large, il essaya en vain de réviser un peu et trouva alors le petit papier d’Alice. Il crut d’abord à un mot doux de son épouse puis, dépliant la feuille, il reconnut l’écriture de sa sœur. Intrigué, il se demanda ce qu’elle voulait bien dire avec les quelques mots à peine qu’elle avait laissés…

« Rejoins-moi là où tout a commencé » disait le bout de papier.

De quoi voulait-elle parler ? Alice avait-elle encore eu une folie passagère ? C’était bien son genre, les petits énigmes, histoire de s’amuser un peu et de jouer avec les nerfs de son frère. Elle n’avait pas son pareil pour mettre un peu de joie dans l’esprit de chacun quand elle voyait qu’il n’allait pas bien et ses visions avaient dû lui montrer ce qui traversait de plus en plus souvent l’esprit d’Edward ces derniers temps : quitter les Cullen.
Seulement aujourd’hui, Edward n’avait pas envie de jouer, il était inquiet pour Bella.

Bella… et si le petit mot d’Alice était lié à l’absence de son épouse ? S’il devait arriver quelque chose de grave à Bella, Alice l’aurait su. Elle aurait prévenu son frère à coup sûr. Edward devait donc se rassurer et se dire que son épouse était en sûreté. Et il ne serait pas étonnant, en y réfléchissant bien, qu’Alice et Bella ensemble aient décidé de faire quelque chose pour remonter le moral de leur frère et mari, bien qu’elles soient loin, en réalité, de savoir où il en était moralement.

A bien y réfléchir, Bella ne lui aurait pas menti et il écarta donc l’hypothèse que la nouvelle idée de sa sœur soit liée à l’absence de Bella. Pour autant, il savait que ce bout de papier avait atterri dans son casier aujourd’hui puisqu’il y avait déposé ce livre le matin même.

Mais que voulait-elle dire par « là où tout a commencé » ? De quoi parlait-elle ? Devait-il se mettre du point de vue de sa sœur et aller là où elle avait été transformée ou se mettre de son propre point de vue et retourner là où lui-même était devenu vampire.
Si tel était le cas, Alice s’était trompée car pour Edward, la vie n’avait commencé qu’à Forks, lorsqu’il avait rencontré Bella… et si c’était précisément là qu’il devait se rendre ? Mais à quoi donc jouait Alice ?

Soudain certain que c’est à Forks qu’il devait se rendre, l’endroit où Alice avait été transformée n’ayant pas vraiment d’importance pour elle, il se leva précipitamment. Curieux, il voulait en savoir plus et parcourir cette distance ne lui demanderait pas énormément de temps.
Pour autant, il envoya un texto à Bella, alors que depuis plusieurs heures il se forçait à ne pas le faire, mais cette fois pour la prévenir qu’il serait absent et ne rentrerait que le lendemain.

Il sortit alors de sa chambre par la fenêtre et se mit à courir, ne laissant qu’une vague trace de couleur à son passage tant sa vitesse rendait son image floue.
Il arriva à Forks quelques temps plus tard et se rendit sur les lieux de leur ancienne villa. Il ne s’était pas trompé, Alice l’y attendait. Il s’approcha d’elle et scruta immédiatement son esprit à la recherche d’un complément d’information mais la vampire avait l’expérience des intrusions de son frère et parvenait assez bien à flouter ses pensées vers d’autres horizons.

Alice, que se passe-t-il ? Pourquoi me faire venir ici ? Et pourquoi… « là où tout a commencé » ? demanda-t-il, frustré de ne pas en savoir plus via son don et légèrement sur la défensive, s’attendant à tout de la part de sa sœur.
Comme s’il avait envie de rire pour l’instant… alors qu’il s’inquiétait - sans raison pourtant et comme souvent - pour Bella.

Elle saisit un stylo et une petit feuille de papier. Elle y jeta quelques mots. Était-ce réellement une bonne idée? Elle doutait, pourtant, elle savait au fond d'elle-même que c'était le cas. Elle le sentait se perdre dans les tréfonds de sa tristesse, s'éloigner un peu plus chaque jour de ceux qui sont, et resteront pourtant, son seul et unique univers. Pas une journée ne passait sans qu'Alice vît ces images, ces visions de cauchemars qui lui brisaient le cœur, Edward abandonnant femme, frères, sœurs et parents; elle revoyait encore ses yeux lors de cette première vision, l'ambre d'ordinaire lumineux de ses iris étaient ternis, son regard éteint. Alice ne savait qu'il culpabilisait, autant dire que cela en avait toujours était ainsi, mais si il y avait une chose dont elle était bien certaine, c'était que Edward avait perdu de vu l'essentiel. Pourquoi il devait être heureux. Ses doigts fins se refermèrent sur le carré de papier plié. Puis elle quitta sa chambre sur la pointe des pieds.

Bella et Jasper seraient d'une précieuse aide, comme toujours. La vampire se rappela avec un sourire amusé de cette période où Edward refusait qu'elle adressât la parole à Bella, eux-mêmes ne se connaissaient pas encore. Elle se souvint de la tristesse qu'avait provoqué en elle cette interdiction; malgré le fait qu'elles ne se furent jamais adressé la parole, Alice éprouvait déjà à l'époque cette amitié qui unissait aujourd'hui les deux belles-sœurs. Elle chassa de son esprit ces pensées nostalgiques et vit Jasper tourner au coin d'un couloir de Dartmouth. Alice sourit et fit demi-tour, quittant l'université.

Elle arriva quelques minutes plus tard chez elle. Carlisle était parti travailler, et Esmé vaquait à ses occupations. Edward ne quitterait les cours que dans quelques heures, elle avait bien le temps de se préparer à la suite des évènements. Alice prit son téléphone portable, et envoya un texto à Bella pour lui informer de l'arrivée de Jasper dans leurs plans et quel serait son rôle. Un sourire excité apparut sur ses lèvres, si ça ne marchait pas, rien ne pourrait le ramener parmi eux. La vampire entra dans son vaste dressing et y prit un petit sac à dos qui se cachait dans un recoin obscur et y mit quelques affaires – de quoi faire quelques jours hors de la maison – puis se dirigea vers la chambre de Bella et d'Edward; mais croisa Esmé en chemin.
« Tu pars Alice? »
« Oh » commença-t-elle avec un ton désinvolte « pas bien longtemps, je te rassure! Je préfère ne rien te dire, je prépare une petite surprise pour Ed... Et tu sais à quel point il est impossible qu'il ne sache rien »
finit-elle avec un sourire malicieux.
Esmé lui rendit son sourire et elles échangèrent un regard plein de sous-entendus. Alice se rendit donc dans ladite chambre et fit de même que dans la sienne: elle prit un petit sac, mit quelques vêtements appartenant à Edward dedans. Elle rejoignit le salon et se figea devant une fenêtre. Avant de partir, elle voulait s'assurer que tout se passerait pour le mieux pour tout le monde, aussi passa-t-elle les heures suivantes les yeux dans le vague et assaillit par de probables évènements futurs.

La route jusqu'à Forks fut assez longue; après tout, Alice avait dû traverser tout le pays, mais les quelques heures qu'elle avait mis pour y parvenir restaient un délai fort raisonnable. Elle tourna quelques temps dans Forks, fit d'abord un tour dans la forêt, s'arrêta saluer le chef Swan et donner quelques nouvelles, et enfin retourna à la maison des Cullen. Tout était exactement pareil, chaque chose à sa place, comme lorsqu'ils étaient partis. A la différence près que les étagères avaient été vidées; et le piano n'était plus là mais était à présent à Hanover. Alice sortit dans le jardin et sauta habilement sur la cime d'un arbre et patienta en regardant le soleil se coucher.

Ce n'est que quelques temps plus tard qu'elle entendit au loin quelqu'un arriver – un vampire très rapide à ne pas en douter. Alice sourit, elle était heureuse qu'il soit venu la rejoindre. Edward arriva quelques secondes plus tard; elle était déjà descendue de l'arbre, s'évertuant d'ores et déjà à penser à quelque chose qui n'ait rien à voir avec ce qui les avaient menés à Forks. Très clairement inquiet, Edward la questionna aussitôt:
« Alice, que se passe-t-il ? Pourquoi me faire venir ici ? Et pourquoi… « là où tout a commencé » ? »
Elle lui adressa un sourire apaisant.
« Il ne se passe rien de grave, rassure-toi. J'ai juste un petit jeu à te proposer... Un jeu qui te remettra en tête ce que tu sembles oublier. Et il y a une récompense à la clé, cela va de soi! » dit-elle en riant. « Alors, tu es partant? »
Alice regarda la moue peu convaincu d'Edward.
« Bon, ok... »
D'un nouveau bond, elle retourna se percher sur la plus haute branche d'un des arbres proches. Elle fit un léger signe de tête à Edward, resté en bas, lui intimant de la suivre. Tous deux s'assirent, faisant face au soleil qui disparaissait derrière la cime des arbres.
« Tu te souviens quand on a emménagé à Forks? Je me souviens encore de la tête que tu faisais... On ne peut pas dire que sourire était ta grande spécialité à l'époque. Finalement, ces quelques années ici n'étaient pas si mal... Je me suis bien amusée au final! Même si ça n'a pas toujours été rose »
Alice repensa au Edward à son arrivée ici, un être presque froid, mélancolique, solitaire. Quel bonheur cela avait été de le voir sourire enfin! De le voir sourire aux côtés de Bella... Elle se tourna vers Edward et l'espace d'une seconde, le revit comme à son arrivée ici.

Edward avait fait le chemin jusqu’à Forks d’une seule traite, inquiet des plans de sa sœur, inquiet comme toujours qu’il soit arrivé quelque chose à ceux qu’il aimait. Jamais il ne supporterait une nouvelle fois une telle chose. L’épisode avec sa sœur avait été si dur et si difficile à gérer qu’une nouvelle tragédie de la sorte finirait sans doute par l’achever. Par les achever tous, en vérité.
Toutefois, le plan d’Alice avait au moins un mérite : celui de l’avoir fait sortir de sa torpeur pour se rappeler à quel point il aimait les gens qui l’entouraient. Bella, son épouse, et puis tous ses frères et sœurs, ainsi que leurs parents. Mais pour combien de temps ? Edward n’était pas dupe, il savait pertinemment qu’une fois rassuré, il s’assombrirait à nouveau et plongerait dans ses idées noires. Il se félicitait chaque jour d’être le seul à pouvoir lire dans les pensées des autres, décidé à ne pas laisser entrevoir l’ombre qui l’envahissait chaque jour un peu plus de l’intérieur.

Toutefois, il s’était concentré sur son but durant tout le voyage, cherchant dans tous les sens possibles ce que mijotait Alice ou ce qui avait bien pu se passer. Le chemin avait été long et il en avait eu du temps pour penser, malgré cela, il ne parvenait pas à savoir ce que lui cachait sa sœur. Mais elle ne pourrait le tromper éternellement, il lirait dans son esprit et serait vite fixé. Elle n’allait pas le duper très longtemps et ne le ferait pas chanter, il avait d’autres chats à fouetter - broyer du noir, par exemple, ou s’inquiéter.

Ainsi, après quelques réflexions, il avait choisi de retourner là où sa propre vie avait enfin commencé, là où il avait rencontré Bella. Là, également, où il avait osé la quitter. Sans doute la plus mauvaise idée qui soit, pourtant au jour d’aujourd’hui, il pensait toujours que ce serait là la meilleure solution pour la jeune humaine qu’elle était. Elle avait encore tant de choses à vivre. Tant de choses à voir. Vivre aux côtés d’Edward rendrait sa vie beaucoup plus terne, dotée de beaucoup moins de couleurs, et il ne désirait pas cela pour elle. Et puis, il pensait de plus en plus qu’elle ne pourrait l’aimer éternellement. Lors de l’évènement avec Rosalie, elle s’était montrée tellement distante à son égard. Par la suite, elle lui avait fait part de ses doutes, ayant peur qu’il ne la trouve plus à son goût, mais faisant naître des craintes chez lui. Il avait su la rassurer. Ce n’était pas son état d’humaine qu’il aimait, c’était sa personnalité. Mais pouvait-elle en dire autant à son sujet avec certitude ? Tout en lui était fait pour lui plaire. Quand elle serait son égale, le verrait-elle avec les mêmes yeux ou deviendrait-il subitement banal ?

Tant de choses qui se frayaient un chemin dans l’esprit d’Edward et l’assenaient de multiples doutes et craintes. Voilà maintenant qu’Alice s’y mettait et il se demandait bien ce qu’elle lui préparait pour essayer de le remettre d’aplomb, doutant pourtant cette fois qu’elle y arrivât, sans doute loin de se douter à quel point son frère s’en voulait d’avoir pris la vie de Bella égoïstement.

Quoi qu’il en soit, il arriva donc à Forks, inquiet mais pas du tout épuisé par le long voyage qu’il venait de faire très rapidement. Il savait que s’il devait se rendre à Forks, c’est dans leur ancienne maison qu’il trouverait sa sœur, aussi s’y rendit-il directement. Il trouva effectivement Alice dans le jardin et n’attendit pas pour scruter son esprit. Rien. Elle s’évertuait à penser à des choses stupides dont il n’avait que faire. Agacé, il lui demanda ce qui se passait et pourquoi elle le faisait revenir « là où tout avait commencé », selon elle.
Elle le « rassura » - était-il possible que ce mot s’applique à Edward ? - et lui parla d’un jeu qu’elle souhaitait lui proposer. Elle parla de choses qu’il avait tendance à oublier et il fronça les sourcils de plus belle, cherchant par tous les moyens à savoir de quoi elle parlait en insistant sur les pensées de sa sœur qui, très forte à ce jeu-là manifestement, ne lui donnait aucun indice.
Elle évoqua une récompense et lui demanda s’il était partant. Il la regarda, dubitatif et il n’en fallut pas plus à la vampire aux allures de lutin pour comprendre que ce n’est pas de cette façon qu’Edward se laisserait embobiner. De toute façon, elle le connaissait trop bien pour croire qu’il ne lui en faudrait pas plus.

Démissionnant de sa tentative de persuasion fort peu poussée, elle soupira et retourna dans l’arbre duquel elle venait de descendre quelques secondes auparavant. Elle lui adressa un signe de tête et lui demanda en pensées de la suivre et Edward la rejoignit. Tous deux assis sur la branche d’un grand arbre, ils regardaient à présent le soleil disparaitre lentement pour laisser place à la nuit noire et étoilée.
Il la regarda, l’observant attentivement tandis qu’elle reprenait la parole. Elle lui demanda s’il se souvenait quand ils avaient emménagé à Forks. Evidemment, Edward en avait un très net souvenir, pas à cause de Bella qu’il ne connaissait pas encore à ce moment-là mais parce que ce souvenir était devenu plus net lorsqu’il avait pris toute sa signification : c’est à Forks qu’il avait fait connaissance avec sa vie de vampire, la partie douce de sa vie de vampire, la plus difficile à gérer également, mais la plus belle.

Alice se moqua gentiment de lui, annonçant qu’elle se rappelait nettement de la tête peu enthousiaste d’Edward à l’époque, le taquinant sur le fait que sourire n’avait pas été son point fort. Puis elle lui fit remarquer que ces quelques années ici avaient été chouettes même si elles n’avaient pas toujours été faciles. Edward afficha une moue inquisitrice et continua d’observer sa sœur en silence.
Il intercepta ses pensées et se revit alors, à l’époque où ils débarquaient à Forks. Edward était alors un solitaire renfermé et… malheureux. Et puis il vit le bonheur de sa sœur quand une certaine humaine avait fait partie de leur famille. Etonné de lui-même, Edward constata comme il avait pu être différent de ce qu’il avait toujours été lorsqu’il avait rencontré Bella et c’en fut presque un choc pour lui de se voir avec les yeux de sa sœur. Une certaine lucidité transparaissait dans ses pensées et il avait l’impression de se voir de la manière la plus objective qui soit comme il ne lui avait jamais été donné de le faire. Il constata comme Bella le rendait heureux malgré lui.

Toutefois, c’est en se refermant un peu plus qu’il s’adressa à sa sœur, la plaie à l’intérieur de lui-même se déchirant totalement en constatant comme les choses pouvaient être difficiles. Bella le rendait plus heureux que jamais, et pourtant il souffrait d’avoir besoin d’elle. Les choses n’étaient pas aussi simples qu’Alice voulait le lui montrer…

Tu ne vois que l’extérieur Alice. Tu sais bien que Bella mérite mieux. Qu’au fond d’elle, elle mérite beaucoup mieux que cela. Elle le sait. Elle l’a prouvé quand Rose…

Il s’interrompit, incapable de prononcer les évènements à voix haute.

Que mijotes-tu ? Pourquoi sommes-nous ici ? Je n’ai pas besoin d’un retour aux sources, si c’est ce que tu comptes faire ! lui dit-il sur un ton froid bien qu’une pointe d’affection perçât dans ses paroles, Edward étant bien incapable d’en vouloir à sa sœur d’essayer de le refaire vivre.

[Les paroles entre crochets sont celles d'Alice à Edward, issues d'une traduction de Midnigth Sun, faisant référence au moment où Edward était perdu après sa première rencontre avec Bella; elles sont donc plus à prendre comme des échos qu'à des paroles qu'Alice se remémore]

Alors qu'Alice savait Edward en route pour Forks, elle songea à nouveau à ses visions. Celles qui avaient tant fait trembler son frère; celles où l'on pouvait voir Bella – une Bella au visage de marbre et aux yeux rouges - et Alice, enlacées par leur amitié; et celle où Bella était morte, vidée de son sang dans les bras d'Eward. Un sourire heureux se dessina sur les lèvres de la vampire; cette dernière vision n'existait plus depuis longtemps déjà, elle savait que Bella ne mourrait pas de la main d'Edward – sous ses dents plutôt – plus maintenant, alors qu'il savait si bien se contrôler; ne subsister que celle où sa si jeune belle-sœur était devenue un vampire. Et Alice savait que cette vision était aussi certaine que celle qui l'avait poussé à rencontrer Jasper. Mais elle se gardait bien de songer souvent à cela, Edward ne supporterait sûrement pas cela. Ainsi, Alice – qui était devenue très douée pour penser à autre chose qu'à l'essentiel – n'y réfléchissait que très rarement.

[ «Tu t'en vas encore » ]

Alice sentait – et voyait – qu'il s'éloignait tous les jours un peu plus. C'était plus qu'elle ne pouvait tolérer. Jamais elle n'accepterait qu'un des membres de sa famille ne les quitte – que ce soit physiquement ou mentalement – qu'il se détache, s'éloigne des autres.

[ « Je veux que tu restes » ]

Edward arriva, Alice espérait qu'elle n'eût pas besoin de lui en dire davantage pour qu'il la suivît dans son entreprise. Et c'est sans surprises qu'il la regarda d'un regard peu convaincu. Aussi retourna-t-elle dans l'arbre qu'elle avait quitté quelques secondes plus tôt. Puis, elle se rappela avec une certaine nostalgie de leurs années à Forks – un tournant décisif pour tous les Cullen – comment elle l'avait vu changer, elle était heureuse de ce qui en avait résulté. Ce fut au tour d'Edward ne prendre la parole. Il dit à Alice qu'elle ne voyait pas au-delà des apparences et que Bella méritait mieux que ce qu'il avait à lui offrir.
Alice se figea, pensive. Mais il rajouta:
«Que mijotes-tu ? Pourquoi sommes-nous ici ? Je n’ai pas besoin d’un retour aux sources, si c’est ce que tu comptes faire! »
Les coins de la bouche d'Alice s'affaissèrent, assez attristée par le ton d'Edward. Si les vampires auraient pu pleurer, son frère aurait sans doute pu sentir une larme au fond de sa voix:
« Edward... J'évite d'y penser d'habitude – du moins, quand tu es là. Je te vois, tu sais. Je vois ces deux futurs. L'un où tu vis heureux auprès de ta famille et de ta femme... »
Elle porta une main au visage d'Edward, et dessina du bout du doigt un sourire factice sur sa joue blanche, comme pour illustrer la joie qu'elle voyait en lui dans sa vision.
« ...et l'autre où tu nous quitte, mais c'est moins net »
Sa main retomba sur sa cuisse et elle se détourna une nouvelle fois vers le soleil couchant.
Alice tenta de refouler la profonde tristesse que tout cela lui inspirait; mais c'était plus fort qu'elle, comme à chaque fois qu'elle songea à cela, elle eut l'impression que son cœur se brisait – mourrait une nouvelle fois.

[ « Tu vas me manquer » ]

Mais cela ne se passerait pas, Alice était bien décidé à influencer le destin – quoiqu'il lui en coûte. Elle reprit un air enjoué:
« Allez! ça ne peut pas te faire de mal de penser un peu à autre chose! Et puis je t'ai prévu une surprise à la fin de notre périple... »
Pour éviter de dévoiler ce que c'était, Alice imagina un œuf de Pâques entourait d'un ruban. Edward trouverait sûrement cela étrange, mais le but était qu'il ne devinât pas ce qui l'attendait. Elle se tourna vers le tronc de l'arbre sur lequel elle avait calé les deux sacs à dos qu'elle avait emporté. Elle en prit un et le tendit à son frère:
« J'y ai mis quelques affaires dedans, de quoi passer deux ou trois jours dehors »
Puis elle bascula en arrière et, glissant de la branche où elle était assise, tomba dans le vide. Elle atterrit gracieusement sur ses pieds, une dizaine de mètres plus bas.

Edward remarqua le visage pourtant d’habitude si jovial de sa sœur s’affaisser quelque peu lorsqu’il lui parla. Il n’y allait pas avec le dos de la cuillère, il le savait, mais ces temps-ci, il avait un peu plus de mal à se contrôler, à contrôler sa morosité et à ne pas contaminer les autres par la même occasion. Il se faisait l’effet d’un ruisseau à malheurs qui viendrait chatouiller les pieds de quiconque l’approchait, le contaminant de son malheur qu’il songeait inguérissable. Il était loin de se douter de ce que lui préparait Alice et à vrai dire, même s’il avait pu lire ce qu’elle mijotait dans son esprit, cela ne lui aurait pas mis de baume au cœur. Il n’avait aucune envie de rire, il voulait juste se morfondre et attendre que l’inévitable se produise, que le malheur absolu s’abatte sur lui, et alors, enfin, il pourrait se laisser mourir, totalement, n’ayant plus besoin de faire semblant pour protéger Bella et ne pas la faire culpabiliser. C’était bien la seule chose à laquelle il aspirait en ce moment et il ne pouvait s’en vouloir qu’à lui-même si cela avait été assez évident pour que sa sœur s’en rende compte.

Il faut dire qu’Alice observait beaucoup les gens, en plus de voir leur avenir, et elle avait toujours eu cette capacité à lire en chacun comme dans un livre ouvert. Elle était rarement dupe et Edward aurait dû se douter depuis le début qu’elle réaliserait vers quel chemin il se dirigeait. Il aurait dû être plus prudent mais voilà, pour l’instant, il n’avait même plus la force de sauver les apparences avec certaines personnes bien trop perspicaces. Alice en faisait partie et il s’était avoué vaincu dès le départ, sachant que l’énergie à déployer pour qu’elle ne se douta de rien était bien au-delà de ce qu’il possédait encore.

Alice était attristée par la question presque accusatrice de son frère et elle entrevit alors les deux futurs qui s’offraient à lui. Il le vit, lui aussi, et cela lui fit un choc. Comme lorsqu’il s’était vu dans les souvenirs d’Alice. Sauf que dans ce cas-ci, le futur heureux, il n’y croyait plus. Ce n’était pas un fait avéré, c’était juste une utopie, un rêve bien trop beau pour être vrai…

Sa sœur lui parla de ce rêve, touchant son visage pour y dessiner un sourire qui n’existait plus depuis quelques mois. Et puis elle évoqua un futur beaucoup plus réel, que pourtant elle teintait de flou. Un futur où il les quitterait tous. En fait, là où Alice se trompait, c’était sur la façon dont il allait les quitter, très certainement. Elle ne pouvait le voir, car il n’était encore sûr de rien, mais si Bella finissait par le quitter comme il l’imaginait, il ne partirait pas en quittant Hanover ou sa maison. Il les quitterait de manière bien plus définitive que cela.

Edward ne put s’empêcher de ressentir la tristesse que sa sœur ressentait à l’évocation de ce futur bien plus réaliste. Elle laissa tomber sa main et observa à nouveau le soleil qui se couchait.
Edward fixa lui aussi l’horizon, humant les odeurs particulières que la nuit tombante offrait. Rien ne valait l’odeur suprême que pouvait lui offrir Bella à chaque fois qu’elle était à ses côtés. Cela lui manquerait, plus que jamais. Elle lui manquerait terriblement, mais pas pour longtemps. Il espérait seulement qu’elle serait heureuse.
Edward tourna légèrement le visage vers sa sœur et l’observa en silence. Alice avait toujours été là pour lui. La plupart du temps, elle l’avait soutenu, sauf quand il s’agissait de Bella. Elle se mettait plus souvent de son côté à elle que du sien. Mais il ne lui en avait jamais voulu. Elle avait un bon fond et il lui faisait une entière confiance. Raison pour laquelle, bien qu’il soit inquiet, il ne pouvait en vouloir à sa sœur de tout faire pour le sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait.

Le sortant de ses pensées où il mélangeait allègrement les deux futurs entraperçus par Alice un peu plus tôt, imaginant un monde sans souci, sans famille, avec Bella uniquement, ou un monde où Bella n’aurait jamais existé - et il trouvait alors ce monde si terne qu’il préférait ne pas imaginer ce qu’il serait advenu de lui s’il était toujours resté dans ce grisé atroce et totalement sans goût - Alice reprit la parole. Reprenant son engouement naturel, elle lui dit que cela ne lui ferait pas de mal de se changer les idées et sur ce point elle n’avait pas tort. Elle mentionna à nouveau une surprise et, intrigué, Edward scrutait avec minutie ses pensées.

Mais Alice s’était longuement entrainée afin de ne pas penser à ce qu’elle désirait lui cacher et, depuis la première séparation avec Bella, il savait qu’elle y parvenait parfaitement. Tout ce qu’il aperçut, ce fut un gros œuf de Pâques surmonté d’un ruban, image ridicule qui finit par arracher un rire plus franc à Edward. Il se détendit quelque peu et regarda à nouveau sa sœur dans les yeux.
La jeune femme se tourna alors et prit deux sacs, en tendant un à son frère. Elle lui expliqua qu’elle lui avait pris quelques affaires afin de passer deux ou trois jours dehors. Elle ne lui laissa pas le temps de rétorquer qu’il ne partait nulle part et descendit de l’arbre en atterrissant avec souplesse et élégance sur le sol moelleux de leur jardin de Forks.

Edward leva les yeux au ciel et soupira. Puis il imita sa sœur et tomba au sol sur ses deux pieds, comme s’il venait de sauter une marche d’escalier, la grâce en plus.

Tu es une incorrigible optimiste, Alice ! dit-il en lui donnant une petite accolade contre l’épaule de la sienne, presque amusé. Très bien, je te fais confiance. Je te suis reconnaissant de vouloir m’aider mais je dois te prévenir que tu risques peu d’y parvenir. Soit, essayons, je sais que cela te fait plaisir.

Il décocha un sourire à sa sœur et sortit son portable de sa poche, composant déjà un numéro qu’il connaissait par cœur.

Mais avant que nous ne partions, je veux prévenir Bella. Elle va m’en vouloir de l’abandonner ainsi quelques jours, je vais lui dire que nous chassons dans une contrée éloignée.

Il n’attendit pas l’assentiment de sa sœur, les tonalités retentissaient déjà. Il conversa avec Bella quelques instants, et lui assena son mensonge sans vraiment de scrupules. Il ne faisait rien de mal après tout, et puis il n’y était pour rien, pas vrai ?
Bella ne sembla pas surprise et lui accorda cette faveur sans rechigner, ce qu’Edward trouva suspicieux. Il n’en dit rien cependant et raccrocha, regardant sa sœur, attendant la suite des évènements.

Bien évidemment, Bella n’aurait pu être surprise puisqu’elle était dans la combine, bien loin de se trouver à Hanover, avec les Cullen comme le pensait son époux. Néanmoins elle n’était pas seule… Alice n’était pas folle à ce point-là, si elle tenait un tant soit peu à la vie et si elle ne voulait que celle-ci ne s’écourte pas de la main de son frère !

Mais quand donc se déciderait-il à être heureux? Il avait une famille qui l'aimait, il était mariée à une femme qui lui était dévouée corps et âme, avait un contrôle de lui-même qui égale presque celui de Carlisle, et même le sang de Bella était bien plus résistible que tout ce dont il avait pu un jour espérer. Mais Alice sentait le doute planer dans le fond de son cœur, il aurait aimé la tromper, qu'elle ne vît que les illusions qu'il s'efforçait de dresser entre lui et les autres, et bien qu'elle ne connût pas Edward aussi bien qu'elle connaissait Jasper, elle voyait bien qu'un mal le rongeait. Elle voyait bien ces regards plein de bonheur et de douleur mélangés qu'il posait sur Bella. Que craignait-il? Qu'elle ne le quitte? Absurde. Alice savait que ses visions étaient changeantes, mais elle savait aussi que les grandes lignes du destin lui apparaissaient toujours et jamais, vraiment jamais, elle n'avait le futur d'un Edward qui dusse vivre sans Bella. Quoi que crût son frère, Alice était intimement persuadée qu'une telle situation n'existerait jamais. Vraiment jamais.

Il était vrai qu'Edward ne mâchait pas ses mots en ce moment, mais Alice n'avait que trop conscience de l'amour qu'il lui portait pour en tenir rigueur plus de quelques secondes, il s'en voudrait infiniment de lui faire de la peine – fusse-t-il possible d'en faire à Alice bien sûr.
Lorsqu'elle lui parla des deux visions récurrentes qui la pourchassaient depuis quelques temps déjà, la mine d'Edward parut dépitée quand elle parla de celle, très nette, où elle le voyait heureux avec les autres Cullen; et elle comprit à son regard que le deuxième futur, pourtant bien plus flou, lui paraissait d'une réalité bien plus concevable, bien plus évidente. Mais il était hors de question à Alice de le laisser glisser dans cette direction. Et pour ça, elle était plus déterminée que jamais.
Puis elle tenta de le convaincre une nouvelle fois, lui disant qu'une petite balade ne lui ferait pas de mal, et lorsqu'elle songea à Bella sous forme d'œuf de Pâques, un sincère sourire amusé apparut sur les lèvres d'Edward, et cela lui fit très plaisir, elle éclata de rire. Elle imagina une seconde son frère en train de chercher une coquille en chocolat dans leur jardin et gloussa.

Une fois tout deux au pied de l'arbre, Edward dit en lui décrochant un amical coup d'épaule qu'elle était une incorrigible optimiste, qu'il acceptait * Enfin! * de la suivre et qu'il était touché qu'elle souhaitât lui remonter le moral. Elle enchaîna:
« Et toi un incorrigible pessimiste, mais tout le monde à la maison s'accorde à dire que ce n'est qu'un pâle euphémisme pour parler de toi » dit-elle avec un sourire découvrant toutes ses dents.
Edward avait dit un jour que protéger Bella était un véritable défi lancé au destin... Mais que devait dire Alice, face à la morosité de son frère qui elle était une véritable insulte à sa gaité de vivre?

Puis, revenant sur les précédentes paroles de son frère, lui disant qu'il l'accompagnerait, Alice s'enthousiasma:
« Génial! » dit-elle en sautant sur le dos d'Edward « tu verras, le plus magnifique des œufs t'attend au bout du chemin! »
Elle mit ses mains sur les épaules d'Edward et le souleva à bout de bras. Puis baissant la tête, elle regarda son frère de là-haut, et il dut lui-même lever la tête pour la regarder. Alice reprit avec une moue enfantine:
« Puisque c'est moi qui décide du chemin, tu dois me suivre où que j'aille! »
Elle sauta à terre.
* En route * dit-elle avant d'entamer sa course.

Ils contournèrent la ville, passèrent par la forêt et rejoignirent progressivement le domaine des Quileutes. Ils devraient se faire discret si ils ne voulaient pas s'attirer les foudres des hommes loups. Mais Alice avait un sens infaillible pour les sentir arriver; non seulement ils brouillaient ses visions mais en plus, ils lui procuraient des maux de tête effroyables. Alors qu'elle courrait en tête, elle se mordilla la lèvre inférieure; elle était sûre qu'Edward se fâcherait pour l'avoir mené cet endroit, mais il était fort important qu'il s'y retrouve enfin. Alice espéra qu'il ne reconnût pas immédiatement l'endroit, du moins, pas avant qu'ils y arrivent.
La falaise fut bientôt en vue et il ne fallut que quelques secondes aux deux vampires pour s'en approcher à une distance suffisante pour qu'ils puissent sauter dessus. Sans aucun bruit ni effort, Alice atterrit dessus, grimpa jusqu'au sommet pour s'assoir finalement sur le bord, les jambes dans le vide. La vue était vertigineuse, la chute monumentale.

En menant Edward ici, Alice souhaita qu'il se souvînt de la folie qui, engendrée par rien d'autre que l'amour au final, avait poussé Bella à « sauter » le pas. Elle voulut qu'il se remémorât à quel point elle l'aimait.

Edward savait sa sœur déterminée à le faire changer d’avis, d’humeur, voire même de personnalité, histoire qu’il lui ressemble un peu plus. Intérieurement, cela le faisait presque rire, en fusse-t-il encore capable, du moins. Il percevait chez elle un optimisme débordant et une envie irrépressible de le voir sourire encore et d’être heureux. Edward ne savait pas exactement pourquoi il réagissait ainsi. La théâtralité avait toujours été dans son caractère, mais depuis qu’il connaissait Bella, elle était comme exacerbée. Il se sentait si fragile, avec elle ou plutôt, lorsqu’elle était loin de lui.
Depuis qu’il la connaissait, il avait quelque chose à perdre et la crainte que cela n’arrive n’avait en réalité fait que s’accroître avec le temps qui passa. Edward était ainsi fragilisé, vulnérable pour quiconque connaissait son point faible. Lui, le premier le connaissait extrêmement bien et c’était en réalité lui, son pire ennemi. Car s’il avait une tendance théâtrale, ce n’était rien comparé à la tendance pessimiste et inquiète qui le gérait depuis toujours. Edward était un angoissé de nature et depuis qu’il avait quelque chose, quelqu’un même, à protéger, les choses étaient presque devenues infernales pour lui.

Il aurait aimé avoir l’optimisme de sa sœur, son détachement, non, sa façon d’aborder les choses avec calme et sérénité. C’était une façon de faire qu’Edward était incapable d’adopter. Dès que quelque chose le tourmentait, il était difficile de le cacher à ceux qui le connaissaient bien. Et quand bien même il y parvenait, cela ne durait pas longtemps car Edward se renfermait et broyait du noir à n’en plus voir que la lumière tant il aurait tout absorbé.

Tout ce qu’il savait, c’est qu’il ne parvenait pas à déterminer pourquoi Bella resterait avec un gars - vampire de surcroît - comme lui, qui lui pourrissait l’existence par ses craintes justement, qui n’avait pas grand-chose à offrir et qui devait sans cesse se contrôler en sa présence. Que pouvait-elle réellement retirer de cette relation ?
En réalité, l’épisode avec Rose n’avait été qu’un déclencheur des choses sous-jacentes qui inquiétaient Edward depuis longtemps déjà - depuis toujours, d’ailleurs.
Enfin, il avait promis à Alice, et finalement ce n’était peut-être pas une mauvaise idée, après tout. Il faisait confiance à sa sœur et même si parfois il trouvait qu’elle en faisait trop, c’était toujours plaisant, avec elle. Alice avait le don de transmettre sa bonne humeur et en sa présence, ce jour-là, Edward parvint à se sentir plus léger, plus serein. Il savait que ce n’était que pour un temps, mais tant pis, il fallait en profiter.

Lorsqu’il la traita d’optimiste, elle ne tarda pas à répliquer qu’il était d’un réel pessimisme, lui, se moquant de lui en ajoutant que tout le monde à la maison savait que « pessimiste » était un faible mot pour le décrire. Edward ne put s’empêcher de rire à nouveau - deux fois dans la même soirée, Alice avait vraiment un don - et offrit un visage vengeur à sa sœur.

Tu ne perds rien pour attendre, Alice Cullen ! répliqua-t-il tandis qu’elle lui sauta dessus en décochant un « génial » des plus sincères.
Elle lui promit le plus magnifique des œufs au bout du chemin, il imagina la tête de Bella entourée d’un ruban rose et pouffa comme un gamin. Elle émit alors ses conditions, disant qu’il devait la suivre où qu’elle aille. Il plissa les yeux, sceptique.

Suis-je vraiment obligé de suivre une lenteur affligeante comme la tienne ? dit-il avec un brin d’innocence, moqueur.
Alice ne releva pas sur le moment et se mit en route, Edward sur ses talons.

Ils quittèrent la villa, et passèrent par la forêt pour rejoindre la réserve Quileute. L’enthousiasme retrouvé d’Edward s’évanouit aussitôt. Cet endroit lui rappelait bien trop de choses douloureuses dont il n’avait pas vraiment envie de se souvenir. Et puis, bien que partis, ils n’étaient pas censés se trouver sur les terres des loups.

Alice, qu’est-ce que… ?

Mais elle ne stoppa pas sa course et il la suivit sans broncher, du moins à voix haute. Intérieurement, il bouillonnait.
Sa sœur poursuivit sa course jusqu’à une falaise qu’Edward ne reconnut pas tout de suite. Elle alla s’installer au rebord et Edward la suivit, s’y installant aussi, l’œil néanmoins accusateur.

Bon sang Alice, sais-tu où nous sommes ? Tu cherches à mener une petite guerre pour me distraire ? demanda-t-il sceptique.

Mais Alice se contenta de se remémorer de la folie qui avait habité Bella lorsque, de cette même falaise, elle avait sauté dans l’eau. Cette image, Edward ne la connaissait que trop bien. Elle l’avait hanté des semaines durant lorsqu’il était revenu à Forks aux côtés de Bella, persuadé bien qu’elle lui dise le contraire, qu’elle avait, quelque part, cherché à en finir ou tout du moins, qu’elle ne s’était pas inquiétée que ça finisse. Et cela par sa faute, bien évidemment. En songeant à cela, il se demanda comment il avait pu vouloir partir une seconde fois, alors que Bella avait voulu mourir à cause de lui, ou plutôt à cause de son absence. Elle avait bien trop besoin de …

Soudain, il stoppa net ses pensées. « Besoin de lui » ? S’il avait eu un cœur, ce dernier se serait mis à battre plus fort, plus vite. Alice réussissait par un joli tour de passe-passe à lui faire découvrir qu’il se mentait à lui-même depuis bien trop longtemps. Bien entendu, il en fallait plus que cela pour convaincre Edward, mais tout de même. Ce lieu… il était significatif. Il lui rappela l’essentiel. Il lui rappela qu’elle avait failli - voulu - mourir pour lui.

Alice… finit-il par murmurer, après un moment de silence.

Ses poings étaient serrés, ses jointures saillantes, sa mâchoire également. Il n’était pas en colère. Du moins pas contre Alice. Contre lui-même. Pour changer.
Mais comment avait-il pu en arriver là ? Il ne s’en souvenait même presque plus ! Submergé par l’émotion, il ne put en dire plus tout de suite. Mais des questions le tourmentaient, lui brûlaient les lèvres.

Comment… ?

Comment pouvait-elle savoir ? Comment pouvait-elle être si sûre, elle, quand lui, le premier concerné, doutait tant ? Pourquoi en était-il arrivé là ?
La réponse était bien simple : elle était sa vie, celle que jusque là il n’avait jamais vécue, et aujourd’hui il avait quelque chose à perdre. Il fallait simplement qu’il apprenne à vivre avec.

Alors qu'Edward venait de la rejoindre au bas de l'arbre où ils s'étaient perchés, il rit à la réplique d'Alice sur le pessimisme légendaire de son frère. Cela faisait longtemps qu'elle ne l'avait plus entendu rire, et un sourire heureux s'épanouit sur les lèvres de la petite vampire. Amusé, Edward lui dit qu'elle ne perdait rien pour attendre tant dis qu'elle sautait sur son dos.
« Nous verrons bien, saleté de frère! » répliqua-t-elle à son tour.
Elle le prévint ensuite que puisqu'il s'était engagé à venir avec elle, il devrait l'accompagner, quelque soit la destination. Il parut septique, mais elle ne laissa rien paraître puis il ajouta, moqueur:
« Suis-je vraiment obligé de suivre une lenteur affligeante comme la tienne? »
Elle pouffa et se mit en route. C'est vrai qu'il était plus rapide qu'elle mais aujourd'hui, il devrait s'y faire. Un sourire aux lèvres, ils s'enfoncèrent dans les bois de Forks.

Alors qu'ils pénétraient sur les terres où ils étaient exclus, Edward l'interpela, sa voix de nouveau devenue grave. Elle ne s'arrêta pas pour autant et une fois qu'ils fussent arrivés en haut, il lâcha:
« Bon sang Alice, sais-tu où nous sommes ? Tu cherches à mener une petite guerre pour me distraire? »
La vampire cacha son sourire, c'est vrai que se battre contre les loups auraient pu être amusant, mais ils n'étaient pas sûrs d'en sortir indemnes, cependant. Puis ses pensées dévirent vers les raisons de leur escapade...

Alice escomptait vivement que son intuition fusse bonne et que mener Edward sur le territoire Quileute – au sommet même de cette falaise qui avait pour lui une histoire si particulière – lui rappellerait cet essentiel qu'il semblait à présent oublier. La brunette laissa son frère à ses pensées, qui semblaient assez chaotiques. Il l'appela dans un murmure, mais elle savait que ce n'était pas le moment de répondre. Puis, quelques minutes plus tard, il continua:
« Comment...? »
Comment elle avait su qu'il doutait? Cela en avait toujours été ainsi, il avait toujours été convaincu qu'il était une mauvaise chose pour Bella, mais avait-il conscience que sans lui, sa femme n'aura jamais ressenti le centième du bonheur qu'elle éprouvait quand elle était dans ses bras? Ce n'était pas une chose qu'Alice avait un jour vu dans une vision – la vie alternative que sa belle-sœur aurait eu; une Belle mariée à un autre, moins heureuse qu'elle ne l'était avec Edward – mais elle le savait, c'est tout, et c'était simplement ainsi; cette certitude était dans l'esprit d'Alice une vérité inébranlable.
Edward sembla s'apaiser – légèrement – comme si ces pensées devenaient plus légères.
Alice jeta un coup d'oeil entre ses pieds qui se balançaient dans le vide.
« Quelle vue! La chute doit être vertigineuse pour un humain... Je n'ose même pas imaginer à quel point elle était désespérée pour faire cela »
Elle disait pas ça pour que resurgît sa culpabilité, il s'y était déjà trop cantonné, mais Alice voulait qu'il voit que la séparation était impossible pour eux. Encore plus maintenant qu'ils vivaient ensembles et qu'ils étaient mariés.
D'une voix plus douce, elle murmura:
« Je sais que tu pensais bien faire en t'éloignant d'elle, je ne remettrais pas cela en question, mais il est évident que vous séparez n'amène que le malheur – pour vous deux. La voix que vous avez choisi est difficile, mais en tant que vampire, rien ne peut être facile, et surtout pas l'amour pour un humain; il faut juste apprendre à faire avec j'imagine. Mais franchement, ce que vous vous apportez mutuellement, et l'homme que tu es devenu grâce à elle, vaut bien tout ce que vous avez traverser, et je le pense vraiment, ce n'est pas une phrase en l'air pour te rassurer. Vous avez été piégés l'un par l'autre dès le premier regard, rien ne pourra jamais effacer cela. Je sais bien que je ne serais jamais à ta place mais... ton combat n'est pas vain »
Le silence retomba, seulement brisé par la houle de la mer venant se briser sur la plage. Rien ne semblait avoir changé à Forks, ciel et mer se confondaient à l'horizon, en un éternel camaïeu de gris.

Un courant d'air maritime porta jusqu'à elle les senteurs alentours.
« Pouah! » dit-elle en portant une main sur son nez « ça sent le chien, c'est une horreur. Je ne me souvenais pas qu'ils sentaient aussi mauvais! Je suis bien contente que l'on n'ait plus à se les supporter »
Alice se tourna vers la forêt et, les sens en éveil, scruta les bois.
« Je crois que la meute Quileute se ramène, il vaudrait mieux aller faire un tour... »
Dans un silence très distinctif de sa race, Alice se glissa sur le haut de la falaise, et entreprit de descendre, effleurant à peine ses prises. En une seconde à peine, elle fut près de l'eau et reprit sa course, frôlant les vagues de ses pieds; et avant même que les loups ne passent le seuil de la forêt, Edward et Alice étaient déjà loin, en route pour l'aéroport de Seattle, ce qu'Edward ignorait encore.

Ainsi, depuis leur ancienne villa, ils s’étaient tous deux enfoncés dans la forêt de Forks, là où tout avait basculé pour Edward, et rejoignirent la Push, le lieu interdit, bien que les loups de cette région soient plutôt favorables aux vampires Cullen. Mieux valait tout de même ne pas trop tenter le sort.
A ses questions, elle ne répondit que silencieusement, songeant que Bella était heureuse et que sans lui, son existence d’humaine aurait été bien plus terne. Il fut surpris qu’elle lui laisse comprendre que ce n’était pas une vision qu’elle avait eu un jour mais bien une certitude qui lui était propre. Alice mettait de cette façon toute sa confiance dans le couple qu’il formait avec l’humaine. Etonnant. Stupéfiant. Edward savait fort bien combien Alice pouvait apprécier Bella, mais il s’était toujours demandé, inconsciemment, ce qu’elle pensait réellement de leur couple, d’une humaine avec un vampire, d’un amour qui ressemblait à celui des buveurs de sang et dans lequel, pourtant, une humaine subsistait. Quel futur leur voyait-elle ? En dehors de toute vision, elle semblait avoir des certitudes qui n’essuyaient pas le moindre doute. C’était… réconfortant.

Elle n’avait répondu à aucune de ses questions directement et un silence de plomb, propre aux vampires, s’était installé entre eux. Il n’était pas gênant, Alice songeant à une multitude de choses tandis qu’Edward essayait de trouver des réponses, aussi bien dans son propre esprit que dans celui d’Alice. Puis, soudain, elle le rompit, remarquant comme la hauteur était vertigineuse, ici, surtout pour un humain. Elle commenta ensuite, imaginant combien Bella devait être désespérée pour sauter cela sans même avoir peur de la mort qui s’ensuivrait inévitablement - en dehors de toute considération pour des loups-garous « gentils » rodant dans les parages, prêts à la… sauver. Tout cela était ridicule.
Mais Edward ne s’arrêta pas là-dessus. Les images qui défilaient dans l’esprit de sa sœur, les idées même, cette souffrance qu’il avait infligée à Bella, ranimèrent une plaie qui ne serait sans doute jamais refermée. Il s’en voudrait pour l’éternité de l’avoir abandonnée… alors pourquoi y resongeait-il à présent ? Il était idiot ! Et Alice faisait tout pour le lui démontrer.
En attendant, les pensées de sa sœur étaient insupportables pour Edward.

Alice s’il te plait, aurais-tu l’obligeance de cesser ? Je n’ai jamais oublié tout cela, inutile de me les remémorer avec autant de…

Il resta à court de mots, le cœur serré s’il l’avait pu, en proie à une souffrance intense et indescriptible. Sourcils froncés, il posa son regard sur l’eau, en bas, sans vraiment y prêter attention, ailleurs, fermé.
Elle reprit la parole après avoir voulu lui démontrer ses intentions - bonnes, somme toutes, mais qui pour l’instant le faisaient souffrir. Elle lui rappela qu’elle ne lui reprochait pas son départ, car elle savait qu’il avait voulu la protéger, et c’était vrai. En partant, il s’était imaginé qu’elle referait rapidement sa vie, qu’elle finirait par l’oublier et vivrait heureuse. La facilité avec laquelle elle l’avait cru quand il lui avait dit ne plus s’intéresser à elle l’avait déconcerté, mais il avait escompté que ça jouerait en faveur de Bella, que ce serait plus facile pour elle de songer qu’il ne l’aimait plus… Il s’était lamentablement trompé, évidemment. Et il se trompait toujours.

Alice continua de commenter, disant que la séparation n’amenait que la souffrance, pour eux deux, que certes leur situation était difficile, mais qu’ils s’apportaient mutuellement tant de choses que cela surpassait facilement les difficultés rencontrées. Elle était sincère, il n’avait pas besoin de l’entendre dire pour la croire. Rien ne pourrait effacer la rencontre entre Edward et Bella et l’amour qui les unissait. C’était tellement facile à croire, quand cela sortait de la bouche d’Alice. Dans la réalité, les choses étaient plus compliquées, il en avait l’impression. Pourtant, il savait qu’elle avait raison.
Son combat n’était pas vain, disait-elle. Il voulait la croire. Bella serait-elle assez forte pour le supporter le restant de son existence ? L’aimerait-elle jusqu’au bout, malgré celui qu’il était ? Il voulait le croire, il voulait croire sa sœur… Cela ne serait pas facile, mais il le voulait.

Le silence retomba. Le vent siffla à leurs oreilles, c’est vrai, rien n’avait changé ici. Malgré tout ce qu’ils y avaient vécu, Forks était toujours la même.
Le vent amena avec lui une forte odeur de loups-garous et Alice porta sa main à son nez tandis qu’Edward le plissait. Elle dit tout haut ce qu’il avait pensé tout bas, ça puait ! Un mince sourire brisa son visage de marbre, il regarda sa sœur. Elle avait toujours le chic pour amener les choses d’une telle façon qu’elles vous semblaient inéluctables et tout à fait naturelles. Rien ne clochait jamais dans l’attitude d’Alice.
Soudain, elle se leva, signifiant qu’ils devaient partir. Lui aussi avait senti les loups approcher, et bien qu’il ne les craigne pas, il ne tenait pas à une confrontation.
Ils se remirent rapidement en route, Edward suivant toujours sa sœur. Il ne savait pas où elle l’emmenait, il ne savait même pas si le jeu était terminé.

Où va-t-on maintenant ? demanda-t-il tout en courant aux côtés de sa sœur, parlant comme s’il était en train de marcher tranquillement le long d’une plage, le souffle tout à fait régulier et léger. Nous rentrons ? C’était les loups, la surprise ? ironisa-t-il avec une moue d’enfant sur le visage. J’imagine fort bien un clébard avec un nœud d’œuf de Pâques sur la tête, merci Alice ! s’esclaffa-t-il alors en riant franchement.

Les pensées et les paroles d'Alice avait touché son frère, elle le voyait et pouvait le sentir. Un sourire heureux s'épanouit sur les lèvres de la petite brune. Enfin. Enfin Edward comprenait. Certes l'histoire d'amour qu'il partageait avec Bella n'était pas de tout repos; certes, c'était parfois difficile pour eux, mais pour Alice, leur combat était le plus beau de tous, alors pourquoi ne pas se battre, puisque leur amour serait éternel? Elle-même donnerait tout ce qu'elle avait - et même ce qu'elle n'avait pas si cela était nécessaire - pour Jasper car rien n'était plus important que lui. Et si il le fallait, elle franchirait chacun des obstacles qu'il y aurait entre elle et Jasper, peu importe le temps, peu importe ce qu'elle devrait endurer. Elle ferait tout, oui, absolument tout.
Edward se souvenait enfin que Bella avait besoin de lui, qu'ils ne pouvaient pas vivre l'un sans l'autre...
Alice était vraiment contente que son entreprise eut fonctionné. Edward se serait-il rendu compte qu'il s'égarait si elle n'était pas intervenue? Belle aurait bien fini par lui faire ouvrir les yeux mais... peut-être était-ce mieux que ce soit elle qui l'ait fait. Le silence s'installa de nouveau, porteur d'une douce révélation aujourd'hui.

Bientôt, une odeur épouvantable parvint à Alice et elle décréta qu'il était temps d'aller ailleurs. Même si les Cullen ne vivaient plus à Forks, ils leur étaient toujours interdit de franchir la frontière; mais la petite vampire avait estimé son frère plus important que le traité qui unissait sa famille à ces chiens immatures. Ainsi Alice et Edward quittèrent rapidement le territoire Quileute. Inutile de s'attarder plus ici. Edward s'impatienta, lui demanda quelle était leur destination à présent et si les loups étaient « sa » surprise. Cristallin, le rire d'Alice retentit dans la forêt:
« Je sais que tu aurais été ravi de botter les fesses d'un de ces chiens puants, mais non ce n' était pas ça ma surprise, j'ai de biens meilleurs goûts que ça, enfin! » cancana-t-elle en poussant Edward d'un coup d'épaule et en passant devant lui – place qui ne resterait pas la sienne bien longtemps. « Nous prenons la direction de Seattle »
Elle se tut, consciente que son frère saurait qu'elle ne comptait pas en dire plus. Les kilomètres défilèrent tant dis qu'elle songea à une conversation qu'elle eût un jour eu avec Bella. Alice se tourna légèrement vers son frère et dit à voix basse, plus pour ne pas perturbait le silence alentour que pour faire passer cela pour une confidence:
« Tu sais, elle a toujours su, toujours senti que tu étais différent, que tu avais un secret. Que tu n'étais pas comme elle. Mais elle t'a toujours aimé ainsi: vampire »
Inutile de mentionner de qui elle parlait. La petite vampire regagna le silence quelques secondes, puis reprit:
« Je ne peux pas vous envier votre relation car Jasper me rend infiniment heureuse, mais si j'étais à la place de Bella... et bien, je ferais exactement le même choix qu'elle. Elle ne veut pas « devenir » un monstre, ce n'est pas la puissance qui l'intéresse, ni la vie éternelle, et tu sais cela aussi bien que moi. Elle veut juste profiter pleinement du plus légitime de ses droits: celui d'être avec toi, à jamais, sans ta retenue, sans ta souffrance de devoir lui résister sans cesse »
Si les premières phrases étaient belles et biens une confession de Bella, la dernière était cependant une opinion personnelle d'Alice.
Emportés par leur course folle, ils seraient à Seattle sous peu.

Il y a deux personnes auxquelles Alice s'évertuait à ne pas penser: Jasper et Bella. Et après des années de pratique, elle était devenue plutôt douée pour cacher ses pensées à son frère; d'ailleurs, elle ne les cachait pas vraiment, puisque cela était à proprement parler impossible, mais elle parvenait fort bien à songer à des choses passablement ennuyeuses et loin de ce qui la préoccupait réellement. Jusque là, Edward ne semblait se douter de rien. Cela lui arracha un petit sourire en coin, car, la vampire se l'avouait aisément, elle était plutôt fière d'elle sur ce coup-là. Son frère s'était montré conciliant jusque là et s'était engagé à la suivre où bon déciderait-elle d'aller... Mais pour combien de temps? Car il était certain que la prochaine destination ne lui plairait pas; l'accompagnerait-il tout de même? Elle lui ferait du chantage si cela était nécessaire, il lui avait promis et son éducation devrait jouer en la faveur d'Alice: jamais Edward ne décevrait ni ne trahirait une femme si il pouvait l'éviter. Un petit sourire sadique apparut sur ses lèvres alors qu'elle songeait à l'éducation plus que gentleman d'Edward; ce dernier devait avoir clairement entendue cette pensée, mais bien heureusement, sans son contexte elle n'était guère signifiante.

Bientôt, la ville se profila à l'horizon et ils prirent des chemins détournés pour se rapprocher du centre-ville. Très vite, ils durent cesser de courir et Alice héla un taxi qui passait non loin de là.
« A l'aéroport s'il-vous-plaît »
Le chauffeur fut si éblouit par la beauté de ses deux passagers – surtout celle d'Alice – qu'il en oublia de leur demander sa course. Cela amusa la brunette qui n'omit pas de lui payer son dû, ni de lui laisser un généreux pour-boire. Les deux vampires entrèrent enfin dans l'aéroport bruyant et surpeuplé. « Étrangement » , un cercle se dessina rapidement autour d'eux, créer par l'écart que les humains maintenaient inconsciemment entre eux et les vampires.
* Je crois que nous leur faisons de l'effet! * pensa-t-elle en donnant un coup de coude dans celui d'Edward.
« Nous allons rater notre avion pour New York, dépêchons-nous! » s'exclama-t-elle avant de se faufiler – danser plutôt – parmi la foule jusqu'au guichet d'enregistrement.
Alice aurait très pu s'abstenir de le dire tout haut, mais elle était sans trop habituée à avoir l'air humaine; les mortels auraient trouvé cela curieux que les deux Cullen se mettent à courir sans avoir émis la raison à voix haute. Le comportement des humains étaient souvent fort illogique, et très souvent bruyant, alors que les vampires étaient des êtres silencieux de nature.

Quelques temps plus tard, ils arrivèrent à New York, jusque là, Edward ne semblait pas avoir deviner quelle était la dernière étape de leur « chasse au trésor ». Alice inspira profondément:
* Notre prochain avion part pour Rome * déclara-t-elle.
Son frère ne réagit pas, elle se figea face au silence qui s'était établit entre eux.
« Edward? »

La question n'était pas vraiment de savoir si Edward ferait tout ce qui était en son pouvoir pour Bella. Cela il l'avait maintes et maintes fois prouvé déjà. Il avait chaque fois ce qu'il pensait le meilleur pour celle qu'il aimait et avait été là à partir du moment où il savait qu'elle avait besoin de lui. Mais c'était bien là le problème. Aujourd'hui, il n'avait plus la sensation qu'elle avait besoin de lui. Elle s'était tournée vers d'autres, lui avait fait l'affront de s'inquiéter d'abord pour sa sœur et tout cela lui avait fait réaliser qu'il n'était peut-être pas ce qu'il y avait de mieux pour Bella. Au fond, il n'avait peut-être pas eu si tort que cela lorsqu'il avait quitté Bella une première fois. Sur le moment elle l'avait mal vécu et peut-être qu'à cette période-là, elle avait besoin de lui. Mais peut-être également qu'aujourd'hui, ce n'était plus le cas ? Peut-être Bella voyait-elle enfin qui il était vraiment.
Sans compter que lorsqu'elle serait vampire, il n'aurait vraiment plus aucun intérêt. D'abord parce qu'elle serait obsédée par sa soif - et de cela, il ne pouvait lui en vouloir -, ensuite parce que elle allait voir avec des yeux bien plus subtiles et allait donc découvrir qu'il n'avait pas grand intérêt comparé aux autres. Jusqu'alors, avec ses yeux d'humaine, Bella avait vu en lui un héro, un Don Juan, un Apollon. Mais qu'en serait-il lorsqu'elle le verrait avec des yeux « normaux » ?

Bref, toutes ces questions tournaient dans la tête du vampire depuis un moment et il ne pouvait s'empêcher d'être tourmenté en permanence, de penser qu'elle allait trouver mieux que lui et qu'elle finirait par l'abandonner... il avait déjà l'impression qu'elle avait commencé.
Toutefois, le parcours qu'Alice lui faisait faire aujourd'hui lui rappelait qu'elle avait voulu mourir pour lui. Elle avait toujours nié avoir voulu se suicider et en cela il la croyait, mais il savait aussi qu'une fois dans l'eau, elle avait abandonné. Il ne savait pas très bien s'il aurait pu lui pardonner de mourir, si elle était morte ce jour-là. Parce qu'il ne lui aurait pas pardonné d'abandonner. Elle lui avait promis de ne rien faire de téméraire ou de stupide et avait failli à sa parole. Et elle avait laissé tomber. Elle était prête à tout arrêter s'il n'était pas à ses côtés. Cette phrase résonna dans l'esprit d'Edward pendant un moment. Elle lui remit du baume au cœur et il pensa que peut-être, il se trompait, que peut-être, aujourd'hui encore, elle ne pouvait se passer de lui. Après tout, elle était encore humaine et n'avait pas encore les yeux lui permettant de voir l'affligeante vérité. Il avait peut-être encore une chance de lui montrer qu'il pouvait être quelqu'un de bien, même aux yeux d'un vampire.

Quoi qu'il en soit, ils quittèrent Forks et le territoire Quileute pour ne pas rompre ce fameux traité établi il y a longtemps, et surtout parce que l'odeur devenait insupportable. Edward se demanda si la surprise était les chiens, et ne put s'empêcher de le faire remarquer à sa sœur qui rit de bon cœur avec lui. Elle répliqua qu'il aurait sans doute adorer mettre une correction à un loup mais qu'elle avait bien meilleur goût que cela en matière de surprise... ce dont Edward ne doutait pas une seconde... il craignait affreusement la vraie surprise de sa sœur.
Elle le poussa et lui annonça qu'ils prenaient la direction de Seattle. Edward ouvrit la bouche pour en savoir plus mais les pensées d'Alice l'arrêtèrent. La chipie n'avait pas la moindre intention de lui en dire davantage.
Tandis qu'ils couraient, les pensées d'Alice défilèrent dans l'esprit de son frère et il assista à une conversation entre sa sœur et son épouse. Elle lui avoua que Bella avait toujours su qu'il était différent d'elle et que pourtant, elle l'avait toujours aimé ainsi. C'était vrai, Bella n'avait jamais craint qu'il soit ce qu'il était, elle ne s'en était jamais plainte. Mais elle n'avait jamais été vampire non plus et personne ne pourrait prévoir ce qu'elle ressentirait alors. Là était la pire crainte d'Edward. Qu'il préférait garder pour lui pour l'instant, bien qu'il en ait déjà évoqué un brin avec son épouse.

Alice poursuivit. Elle expliqua à son frère qu'elle ne pouvait envier la relation que Bella et Edward entretenait car elle aimait plus que tout son époux, mais que si elle avait été à la place de l'humaine, elle aurait fait exactement la même chose. Elle lui dit que Bella ne voulait pas devenir un monstre, que ce n'était pas être vampire qui l'intéressait, mais bien le fait de pouvoir jouir de son époux pour l'éternité, et cela en lui enlevant la souffrance qu'elle lui faisait subir sans cesse par le simple fait d'être une humaine.
Edward voulut répliquer qu'il ne craignait pas qu'elle devienne un monstre, bien que l'idée qu'elle perde son âme ne lui plaisait guère, mais qu'il craignait simplement de devenir banal aux yeux de celle qu'il aimait. Seulement, cette pensée était égoïste et sans doute puérile. Il n'oserait jamais en parler à quiconque, pas même à cette sœur en qui il avait pleine confiance. Le silence s'installa tandis qu'Edward ne répondait rien et ils arrivèrent vite à Seattle, tandis que les pensées d'Alice vagabondaient à son sujet, sur son éducation et d'autres préoccupations primaires qui ne donnaient aucun indice à Edward, sans pour autant satisfaire sa curiosité. Mais il ne dit rien, trop bien éduqué comme elle le pensait pour la harceler de questions alors qu'il avait promis de la suivre... ce qu'il n'allait pas tarder à regretter, il en était persuadé.

Ils arrivèrent dans la ville et durent cesser de courire. Alice héla un taxi et lui intima de les emmeners à l'aéroport. Edward aurait sursauté s'il avait été humain, et il se tourna violemment - pour un vampire - vers sa sœur.

L'aéroport ? Où va-t-on ? Parfois, je me demande vraiment si l'amour que j'éprouve pour toi est sincère, tu sais... dit-il en plaisantant à demi.

Mais elle ne prit pas la peine de réagir et ils arrivèrent à l'aéroport. Les humains ne purent s'empêcher de se méfier d'eux et Alice plaisanta en pensées tandis que celles d'Edward se perdaient au loin. Il était quelque peu mécontent qu'elle l'emmène loin sans le lui dire. Il avait menti à Bella et ne voulait pas que le mensonge devienne trop important.
Elle parla de New York, et se dépêcha, disant qu'ils allaient rater leur vol. Edward hésita une fraction de seconde puis se rappela sa promesse et la pensée d'Alice un instant plus tôt. Il obtempéra et la suivit, et le vol les emmena à New York.
Arrivés là-bas, elle lui déclara qu'ils partaient pour Rome. Il se figea.

Alice se tourna vers lui et trouva son frère totalement immobile. Il cligna des yeux pour avoir l'air humain, mais sa posture figée était bien trop vampirique pour être humaine.
Il regardait sa sœur et ses sourcils se froncèrent. Il lui en voulait à présent, et cela devait franchement se voir !

Comment ça, Rome ? demanda-t-il sans se soucier des humains autour qui auraient pu se demander comment il savait cela sans que sa sœur n'ait rien dit. Ne crois-tu pas que c'est la dernière des destinations dont j'ai envie de me souvenir ? Cette partie de mon existence me hante tous les jours Alice ! s'exclama-t-il tandis que cette fois, un expression de réelle souffrance se dessinait sur les traits du vampire, tant l'évocation de l'épisode « Italie » lui était douloureux. Car c'était bien parce qu'il avait voulu mourir auprès des Volturi, parce qu'il s'était rendu auprès d'eux, qu'aujourd'hui ils avaient connaissance de Bella et voulaient qu'elle soit transformée. Tout cela était bien sa faute et il ne s'était pas encore pardonné - pour la simple raison que cela n'arriverait jamais...

Lorsqu'Alice annonça à Edward quelle était leur destination, elle crut un instant qu'elle aurait droit à une de ses célèbres colères en plein milieu de l'aéroport. Elle se tourna ensuite vers lui: il s'est littéralement transformée en statut – sa vraie nature en réalité.
« Oh mon Dieu, Edward, si je ne savais pas que j'étais ta sœur adorée, je jurerais que tu as envie de me tuer » dit Alice avec un réel air inquiet.
Puis il finit par ouvrir la bouche:
« Ne crois-tu pas que c'est la dernière des destinations dont j'ai envie de me souvenir ? Cette partie de mon existence me hante tous les jours Alice ! »
Elle s'emporta l'espace d'une seconde:
« Eh bien justement! Affronte tes démons! »
Puis Alice retrouva son calme, elle ne voulait pas se disputer avec son frère – quoiqu'il lui était difficile de pas pardonner à Alice en général – d'autant plus que son reproche était totalement justifié. Elle se rapprocha de lui et posa sa main sur son épaule:
« Tu es une personne formidable Edward, mais tu vis dans le passé, alors que ton avenir, c'est elle. Il faut que tu te confrontes à tout cela pour enfin en tirer les leçons que tu aurais déjà dû retenir la dernière fois. Nous ne nous approcherons pas de Volterra, c'est trop dangereux et j'en ai bien conscience. Seulement, je sais aussi que tu as besoin d'aller là-bas, pour te souvenir de ce que tu oublies un peu plus chaque jour: pourquoi Bella et toi devaient être ensemble. Vous n'avez plus le choix, pour exister vous devez être ensemble. »

Alice regarda intensément son frère; puis elle continua à voix basse, pour être sûre de n'être entendue:
« Je ne comprends pas vraiment ce que tu crains avec sa transformation – ça tient aussi du fait que je n'ai jamais vraiment été... humaine peut-on dire - mais, elle sera la même qu'aujourd'hui - avec des yeux rouges et la peau blanche certes. Mais c'est Bella, Edward, elle n'est pas comme tous les humains! Elle ne pourra pas être un vampire banal, comme le deviendrait n'importe quel autre être humain. Et puis, même si je doute qu'elle cesse de t'aimer un jour en tant qu'humaine, une fois vampire, cet amour ne s'éteindra jamais. Tu le sais aussi bien que moi, nous sommes figés dans nos apparences, nos goûts et... nos sentiments. Le changement chez un vampire ne peut être que fort et éternel. Comme ce que tu ressens pour elle, je suis sûre que tu te dis que c'est éternel. Comme si quelque chose de plus fort que ce qu'elle ressent pour toi pouvait changer, vraiment! »
Alice croyait vraiment ses paroles, c'était l'évidence; une évidence du même genre que sa relation avec Jasper. La petite vampire trouvait que les doutes d'Edward sur l'amour de Bella était tout simplement... incroyables! Comment pouvait-il penser cela? Elle reporta ensuite son attention sur la grande horloge qui surplombait le hall.
« Il faut nous dépêcher. Tu as promis Ed, et je sais ce que je fais. Tu me suis? Et puis... ton œuf de Pâques t'attend toujours tu sais! »

Ce que le temps pouvait paraître longtemps pendant un vol... Surtout un vol aussi long à devoir penser à tout sauf à ce qui attendait Edward à la fin du parcours. Alice regretta que les vampires eussent l'esprit aussi vaste dans les moments où elle devait cacher des pensées particulières à son frère. Il n'y avait guère d'occupations intéressantes à bord d'un avion, ou du moins, qui pouvaient sustenter toute l'attention d'un vampire. Pour être – presque – certaine qu'aucune pensées ne vagabonde, la vampire aurait dû lire, écouter la télé, écouter la radio et avoir une conversation et le tout en même temps. Alice s'égara tout en regardant le film qui était diffusé; elle pensait à Jasper, mais les souvenirs qu'elle aurait souhaité se remémorer avec lui n'étaient pas de ceux dont Edward aimait connaître la teneur.

Alors qu'ils descendaient de l'avion, Alice put constater que Rome était un peu recouverte par la neige – mais aucun flocon ne tombait lorsqu'ils atterrirent. Nombreux furent les italiens qui les dévisagèrent; eux vampires, d'une beauté aussi neigeuse qu'extraordinaire. Alice héla un taxi qui les conduisit vers un hôtel en bordure de ville. Une fois en possession de leur chambre et à l'abri des oreilles indiscrètes Alice décida de mettre son frère au courant des prochains évènements:
« Je voudrais que nous allions près de Volterra à pied cette nuit. Ce sera plus rapide, plus discret, ça nous dégourdira les jambes, et si nous avons l'occasion, peut-être croiserons du petit gibier, mais j'en doute. En attendant, je vais me rafraîchir un peu. »
La petite vampire prit une douche bien méritée – même si en tant que vampire elle ne transpirait pas – après ces quelques jours à courir et à voyager. Elle changea de tenue: des vêtements sombres dont elle avait choisi le même assortiment pour Edward.
Les deux Cullens ne se parlèrent pas beaucoup durant les heures qui suivirent, et enfin, la nuit arriva. Elle informa le service d'étage qu'elle ne souhaitait être dérangée sous aucun prétexte, histoire que leur chambre vide ne soit pas découverte.
« Passons pas la fenêtre » proposa-t-elle.

Bientôt, Volterra fut en vue; la petite brune avisa un groupe d'arbre assez hauts et en prit la direction. En quelques secondes, ils parcoururent les centaines de mètres pour les rejoindre et Alice sauta sur le plus haut et l'escalada en quelques gestes gracieux et silencieux. Elle s'assit sur une des branches. La vue sur Volterra était magnifique, les deux vampires étaient restés dans la vallée.
« Je sais que tu te souviens pourquoi tu es venu ici. Bella qui était « morte », toi qui venait pour mourir... Un Roméo et Juliette moderne. Il y a quand même une issue plus heureuse que ça; et heureusement, c'est ce qui est arrivé. Ne gâche pas cette chance que vous avez eu de vous retrouver, tu ne dois plus douter. Je ne peux pas affirmer ce que tu penses et parfois c'est vraiment dommage, j'aurai pu t'aider bien mieux que cela. »
Le silence s'installa et dura quelques minutes.
« Dis-moi ce que tu crains vraiment Edward. »

Lorsqu'Edward se stoppa net au milieu de l'aéroport à l'annonce de leur destination, sa sœur prit un air réellement inquiet, disant qu'elle avait vraiment l'impression qu'il voulait la tuer sur place. Elle ne plaisantait pas, il devait vraiment avoir un air inquiétant sur le visage. Puis il parla, lui rappelant qu'il n'avait aucune envie de se souvenir de ces moments douloureux de son existence, insistant sur le fait qu'il les combattait déjà tous les jours. Contre toute attente, cependant, Alice s'emporta, ce qui n'arrivait pas souvent, lui répliquant que c'était l'occasion de combattre ses démons. Edward fronça les sourcils, piqué au vif. Comme s'il n'affrontait pas ses démons. Comme s'il ne faisait pas tout pour réparer les erreurs commises. Il passait sa vie à cela !

La jeune vampire se rapprocha alors de son frère et posa une main sur son épaule. Elle se mit à lui faire un discours qui le toucha plus qu'il n'en laissa paraître. Elle avait raison, il vivait dans le passé, ou plutôt dans son passé, celui de ses nombreuses erreurs, commises depuis qu'il connaissait Bella. Comme si, depuis qu'elle était entrée dans sa vie, il ne cessait de se tromper et de faire les mauvais choix. C'était peut-être cela, être amoureux. Elle lui expliqua alors qu'elle voulait l'emmener à Volterra ou du moins tout près, pour lui rappeler ce qu'il n'avait pas affronté la dernière fois, pour lui prouver qu'ils ne pouvaient vivre l'un sans l'autre, Bella et lui.

Elle le regarda un instant puis poursuivit, toujours plus bas. Elle lui avoua ne pas comprendre ce qui le retenait avec la transformation de Bella et il se braqua instantanément. Tout ce qui concernait cette transformation le crispait et il refusait d'en parler lorsqu'on essayait de le convaincre qu'il fallait le faire. Il était absolument contre et n'était pas prêt de changer d'avis. Alice argua que même en vampire, malgré les yeux rouges et la peau diaphane, elle resterait Bella - et il avait l'impression de s'entendre lorsqu'il avait dû rassurer Bella sur ses craintes qu'il ne l'aime plus une fois transformée.
Tout à coup, Alice lui dit qu'elle n'était pas comme tous les humains, qu'elle ne serait pas un vampire banal comme le deviendrait n'importe quel autre humain. Edward posa alors son regard sur sa sœur. Son cœur se serrait serré s'il était encore possible de le faire. Elle pointait justement sur les doutes d'Edward, sans même le savoir.
Ensuite, Alice argua que l'amour d'un vampire était figé. Là encore, Edward avait quelques arguments, mais il la laissa finir. Elle termina sur l'amour éternel auquel elle croyait, puis finit par lui dire qu'ils devaient se dépêcher. Elle lui rappela qu'il avait promis et il en fut tenu à la suivre, incapable de ne pas tenir une promesse, surtout quand il s'agissait d'Alice.

Il ne répondit donc pas au discours de sa sœur dans l'immédiat et bientôt, ils se retrouvèrent dans l'avion qui les menait en Italie. La petite vampire tenta tant bien que mal de cacher ses pensées à son frère, du moins celles concernant ce qui l'attendait là-bas. Elle y parvenait plutôt bien, mais quand elle songea à son mari, Edward soupira, alors qu'il avait fermé les yeux pour feinter un somme.

Je t'en prie Alice, concentre-toi ! Si tu es capable de me cacher une chose comme ce qui m'attend, tu devrais être tout aussi capable de ne pas dévoiler ce que je n'ai vraiment aucune envie de voir !

Un mince sourire en coin se dessina sur ses lèvres mais il ne prit pas la peine d'ouvrir les yeux, sachant déjà la tête que faisait Alice.

Une fois à Rome, ils allèrent jusqu'à un hôtel où une chambre les attendait. La jeune femme le mit au courant de la suite des évènements, le prévenant qu'ils iraient jusque Volterra cette nuit-là, non dans la ville même mais aux abords, et qu'ils en profiteraient pour chasser un peu s'ils avaient la chance de trouver du gibier sur leur chemin. Mais elle voulait d'abord se rafraichir et laissa Edward seul quelques instants. Quand elle revint, elle lui donna des vêtements qu'elle avait préparés pour lui, sombre, qui lui rappelaient affreusement ceux des Volturi.
Elle lui indiqua de passer par la fenêtre et ils coururent jusqu'à la ville. Ils allèrent bientôt se réfugier dans des arbres près de la ville, offrant une vue magnifique. Edward rejoignit sa sœur qui avait grimpé rapidement et gracieusement.

Très vite, elle se remit à parler, disant qu'elle savait qu'il se souvenait du pourquoi de sa venue ici, mais qu'il ne devait pas oublier de profiter de cette deuxième chance avec Bella. Elle aurait aimé lire dans ses pensées pour l'aider au mieux, il sourit. Le silence s'installa, il n'était pas prêt à parler.
Pourtant, lorsque sa sœur lui demanda ce qu'il craignait, ce fut comme l'ouverture d'un robinet... larmes en moins.

Edward soupira profondément. Son dos se courba, et il plongea son visage dans sa main, se cachant les yeux, comme s'il pleurait, bien qu'il en soit incapable.

Cette transformation Alice... je... je ne peux pas ! Tu ne comprends pas !

Soupirant une nouvelle fois, il se redressa et regarda sa sœur. Il savait qu'il pouvait lui faire confiance. C'était peut-être l'occasion de se décharger un peu. Peut-être qu'elle finirait par le comprendre...

C'est exactement ça : elle ne deviendra pas un vampire banal... comme n'importe lequel d'entre nous. Je suis banal, Alice ! Et elle s'en rendra compte lorsqu'elle verra... mieux.

Il ne savait comment lui expliquer ce dont il était persuadé.

Elle est humaine pour l'instant et je suis un vampire... fait pour la charmer, l'envoûter, lui plaire... fait pour la tromper. Lorsqu'elle aura le regard d'un vampire, elle ne sera plus trompée... et elle verra ce que je suis réellement. Seulement moi, seulement un banal vampire qui ne l'intéressera plus. Parce qu'elle voudra mieux que cela. Parce qu'elle mérite mieux que cela.
Quant à l'amour figé d'un vampire... il est bien celui d'un vampire. Sa transformation risque de transformer son amour d'humaine en une banale amitié ou au mieux, une simple attirance.

Edward regarda sa sœur et fronça les sourcils.

Sans parler du fait que je lui prendrais son âme. Je lui ai déjà pris son cœur d'humaine... je ne peux lui voler son âme.

Il s'interrompit et à nouveau son visage s'affaissa, il regarda vers le sol, le dos courbé, abattu.

Je ne peux vivre sans elle, mais lorsqu'elle sera vampire, elle risque bien de vouloir vivre sans moi. Je ne fais que m'y habituer à l'avance... elle a déjà commencé.

Alice avait réellement cru l'espace d'un instant qu'Edward ne la suivrait pas dans l'avion qui partait pour l'Italie. Mais les mots de la petite vampire semblèrent faire leur effet, mais elle ne put lire dans les yeux de son frère l'effet qu'ils avaient vraiment produit sur lui. Edward se laissa convaincre par la sincérité d'Alice; et elle croyait fermement . Le vol fut long, et parsemé de pensées malvenues. Edward s'en indigna et cela fit sourire Alice avant qu'elle ne redevienne plus sérieuse.
* J'aimerai bien, mais ça fait longtemps que je n'ai pas vu Jasper, il me manque. *
Par longtemps, il fallait bien comprendre quelques dizaines d'heures, tout au plus... Comme quoi les heures d'un vampire pouvaient être longues sans leur être aimé.
* C'est dur pour toi d'être loin de Bella, c'est pareil avec Jazz *
Même si ça ne faisait qu'une journée qu'ils étaient parti de Hanover, Alice ressentait l'absence de Jasper avec déchirement, comme quand deux amoureux se quittent pour quelques jours aux premiers jours de leur histoire.

Leur arrivée à Rome fut la bienvenue et malgré les réticences d'Edward, il la suivit jusqu'aux abords de Volterra. Et là commença la discussion qui les avait mené ici. Et effectivement, Alice ne pouvait pas comprendre. Elle ne se souvenait pas ce que c'était d'être humaine, aussi ne pouvait-elle regretter ce temps où elle était encore vivante. Mais Edward, lui, savait... Alice arrivait à saisir les raisons qui empêchaient son frère de transformer Bella, bien qu'elle continuait à les trouver irraisonnées. Mais lorsqu'Edward confia à Alice son doute réel, à savoir qu'une fois vampire il serait banal aux yeux de Bella, Alice en resta muette de stupéfaction. C'était donc ça? Ça qui l'empêchait, le rebuter à la transformer? Elle le laissa néanmoins finir puis parla:
« Oh! Ed... Je n'aurais jamais imaginé que tu pensais ça. Heureusement pour toi, il n'y a pas que le physique là dedans » ajouta la petite vampire en riant doucement. « Je suis absolument certaine qu'elle t'aime plus pour tes qualités – et tes défauts – que pour ton apparence. »
Alice fixa Volterra qui se dessinait à l'horizon.
« Tu sais, tu te tortures trop avec des « si ». Et si elle devenait comme ça, et si ça se passait comme ça, et si cela... J'imagine que même si tu partageais tes doutes, Bella ne changerait pas d'avis et voudrait que tu la transformes – toi et quelqu'un d'autre d'ailleurs. Je sais que ça ne va pas t'aider mais, inutile de te torturer avec ça. Que tu te rendes malheureux ou non, les choses seront les mêmes. »
Ils restèrent silencieux quelques temps, jusqu'à ce que les premières lueurs de l'aube apparaissent. Ils n'avaient que deux ou trois centaines de kilomètres à parcourir pour retourner à Rome, c'était l'histoire de peu de temps.
« Rentrons vite à l'hôtel, tu mérites ta récompense... »
Sans attendre, Alice se laissa tomber à terre, une dizaine de mètres plus bas et reprit la direction de la capitale italienne.

La chambre qu'Alice et Edward avait loué quelques heures plus tôt était plongé dans la pénombre, mais elle savait qu'il était là. Son frère « l'entendrait » lui. La petite vampire passa agilement l'encadrement de la fenêtre et se jeta directement dans les bras de Jasper, heureuse de le retrouver. Sans s'attarder, elle s'en détacha et se tourna vers la jeune humaine qui accompagnait son mari et dirigea son regard vers Edward.
« Je me suis dit que ce serait cruel de t'en séparer plus longtemps » dit-elle avec un sourire.

Alice s'était justifiée de pensées inconvenantes en disant qu'il lui était aussi difficile d'être séparée de Jasper qu'il était difficile pour Edward d'être séparé de Bella. Il avait répliqué qu'il ne pensait pas forcément aux mêmes choses qu'Alice, et que lui, personne ne lisait dans son esprit. Le voyage avait été long mais plutôt silencieux, Edward se demandant où cela le mènerait, et Alice songeant à Jasper.

Ils arrivèrent donc à Volterra malgré les réticences d'Edward et Alice voulut savoir ce qui le tourmentait. Il lui avoua alors, et pour la première fois, qu'il doutait être encore à la hauteur lorsque Bella ferait partie des leurs. Non que cela était la raison principal de son refus de la transformer, mais il fallait bien avouer que cela jouait.
Alice sembla stupéfaite, et le réprimanda gentiment. Elle le consola en riant en disant qu'il n'y avait pas que le physique, et que quoi qu'il en soit, Bella ne l'aimait pas que pour son apparence mais également pour toutes ses qualités et tous ses défauts – bien qu'Edward douta fortement que Bella « aime » ses défauts !
Elle continua sur sa lancée, disant à son frère qu'il se torturait trop avec des si, et qu'elle était persuadée que Bella voudrait être transformée, même en connaissant les doutes de son mari. Edward n'en doutait pas une seconde, rien n'avait plus d'importance pour Bella que d'être transformée en ce moment. Elle était prête à tout pour cela, il le savait. Et il le ferait. Mais il n'était pas prêt. Et ne la considérait pas prête non plus.
Alice avait bien tenté de remettre son frère sur les rails mais cela n'avait eu que peu d'incidence, finalement, même s'il se sentait mieux. Il appréciait qu'Alice ne le juge pas et essaye de le comprendre. Toutefois, elle n'avait pas tout compris.

Je ne crains pas qu'elle n'aime plus mon physique. J'ai simplement peur qu'elle se lasse. Ce n'est cependant pas cela qui me retient réellement de la transformer. Je ne suis pas assez égoïste pour cela. Je veux qu'elle vive sa vie d'humaine tant qu'il en est temps. Je ne veux pas qu'elle perde son âme en ayant oublié de vivre certaines choses. Et quoi qu'il en soit, une transformation sera toujours un échec, pour moi. Rien ne vaut une bonne âme dans un corps humain. Je le ferai, je le lui ai promis. Et je l'aimerai exactement de la même manière. Mais je regretterai son humanité jusqu'à la fin de mon existence, lui avait-il expliqué.

Ils étaient ensuite restés silencieux, puis Alice lui avait dit qu'ils allaient rentrer à l'hôtel, qu'il méritait sa récompense. Amusé, il la suivit.
Avant qu'ils n'atteignent la chambre, Edward avait entendu son frère. Il savait donc que Jasper était là et comprenait l'empressement de sa sœur. Il n'eut connaissance de la présence de son épouse, cependant, que lorsqu'il eut accès à sa succulente saveur. Alice se jeta dans les bras de Jasper, puis se tourna vers son frère, et lui dit qu'elle trouvait cruel de l'en séparer plus longuement. Edward sourit, retrouvant Bella à qui il avait menti mais qui, il en était sûr, maintenant, ne lui en voudrait pas...

Une nouvelle étape démarrait pour le couple, qui n'était pas au bout de ses surprises.

- Sujet Terminé -

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