Tell Me Is Gonna Be Okay [CLOS]

&_TELL ME IS GONNA BE OKAY

Un sentiment pouvait-il réellement être aussi intense ? Mieux encore, est-ce que la peur pouvait s’alliée aussi sournoisement au chagrin et à la colère ? Et à l’impuissance. Car il était trop tard désormais pour réagir, son père était mort. Et désormais il ne pourrait plus rien y changer. Autant aurait-il agit sous l’impulsion du moment que cela n’aurait rien changer. Il aurait simplement fini ses jours aux mêmes instants que son géniteur. Lucas venait de quitter l’Hôpital Harborview et s’était fait raccompagné par Gabrielle. Une amie qu’il avait appelé dans la soirée après avoir fuit les lieux du massacre.

Là il était chez lui, seul. Définitivement seul. Son père ne passerait plus le seuil de la porte, sourire aux lèvres. Il aurait tellement aimé qu’on lui dise que ce n’était qu’une caméra cachée… Le jeune homme se sentait mal. Et pas seulement mentalement. Il sentait ses membres tremblés anormalement et sa tête était fiévreuse. Surement le contre coup. Lucas traversa la pièce et s’assit lourdement dans le fauteuil et laissa sa nuque se poser contre le siège. Il se sentait en nage. Ses vêtements eux-mêmes venait se coller contre sa peau telle une seconde peau. Il avait beau être malade, cela ne l’empêchait pas de songer à ses misères. Qu’allait-il bien pouvoir dire au sujet de la disparition de son père ? Ne le prendrait-on pas pour un fou s’il allait dire que son géniteur s’était fais mettre en kit par une créature surnaturelle ? Il ne tenais pas spécialement à finir les deux prochaines années en une maison d’asiles avec un rendez-vous avec un psychiatre tout les jeudis matin. Sans façon. Alors qu’allait-il faire bon dieu ! Il était seul. Irrémédiablement seul. Et aucun appui. Sa mère était loin, en Californie, elle l’avait mis à la porte. Ici, il n’avait personne. À peine un semblant de vie sociale. Quelques amis qui ne le connaissaient pas encore bien. Il eut une pensée pour Gabrielle qui ce soir l’avait bien soutenu. C’était à moitié rassurant de savoir qu’il pouvait au moins compter sur elle dans les coups durs. Mais à part elle, aucun adulte n’était à même de le prendre en charge. Il était majeur désormais. Mais il n’était pas encore prêt à faire un grand pas comme celui-ci. Sa panique s’était calmée. Remplacée par une source de colère et d’indignation. Il ne connaissait décidément pas d’entité plus cruelle que la vie. N’avait-il pas mérité de vivre plus de temps avec son père ? Il venait tout juste de le rencontrer bon sang ! Il se redressa dans son siège un gout amer sur la langue. Oui c’était injuste. Un sentiment de rébellion se glissa dans son cœur, telle la morsure d’une vipère libérant un poison. Une rage immense pris place en lui et il eut tout de suite besoin de se lever et de quitter cet endroit qui lui rappelait trop celui dont il avait besoin.

Le jeune homme chercha la poignée de la porte à tâtons, tel l’aurait fait un homme ayant abusé de la boisson, ce qui n’était bien sur pas son cas. Il eut une pensée pour la voiture qui était restée dans la forêt , sur le terrain. Sa gorge se serra et il eut un haut le corps. Faudrait-il qu’il aille la chercher ? Dans cette condition il tomberait immanquablement sur le cadavre de son père. Ou du moins ce qu’il en restait. En serait-t-il capable ? Il tituba à l’extérieure, et eut la désagréable impression que l’air hivernal ne lui faisait aucun effet. Au contraire. Il se sentait toujours aussi bouillonnant, telle une fournaise interne. Il estima qu’il ne devrait pas prendre son propre véhicule, n’étant pas vraiment en état de conduire. Il n’arrivait pas à déterminer comment il arrivait à rester raisonnable dans son état. Il avait un besoin énorme de se défouler, et à la fois de réprimer toute sa colère naissante. Cogner tout ce qui bougeait. Le jeune homme se mit à courir, et se fut comme un flash de sa course remontant à quelques heures plus tôt. Il accéléra. Il ne se rendit pas réellement compte que le chemin qu’il empruntait était celui de la forêt. Il y avait une force qui le poussait la bas. La lune ronde et étincelante se baignait dans l’océan noir d’encre du ciel. Il était surement tard. Mais il s’en fichait comme de l’an quarante. Il devait y aller. Il entra comme une flèche dans le bois. Il ne retrouva pas le chemin qu’il avait parcouru quelques heures plus tôt. A dire vrai, il ne le cherchait pas. Il se contentait de courir là où ses pieds l’emmenaient. Parvenu à un endroit, où il s’était perdu entièrement, physiquement et mentalement , il eut soudainement l’impression de devenir fou de douleur. Et cela n’était pas entièrement dû non plus à la mort de son père. Des langues de flammes caressaient son échine, invisible. Un tonnerre résonnait dans sa tête. Un bruit silencieux à lui exploser les oreilles. Il trébucha sur une vieille souche et tomba au sol. Son corps fut agité de nombreux soubresauts incontrôlables. Il ne comprenait pas. Ne parvenait pas à réfléchir. Il avait l’impression de s’enflammer. Un grognement de douleur s’échappa de sa gorge alors qu’il rejetait sa tête en arrière en se crispant. Le jeune homme s’attrapa la tête entre ses deux mains et tenta désespérément d’adopter une position fœtale pour calmer ses spasmes aussi incompréhensibles qu’incontrôlables. Le temps lui parut à la fois d’une lenteur accablante. Et rapide. Il n’avait plus vraiment cette notion. Il aurait pu être rester la une minute, une heure, une journée, il n’en n’aurait pas fait la différence. Les langues de feu dans son dos étaient une torture. N’était-il pas en train de sombrer dans la folie ? C’était la seule explication rationnelle à l’évènement. Un contrecoup ne pouvait être aussi sévère. Peut-être devrait-il trouver un médecin. Les doigts du jeune homme s’enfoncèrent dans la terre en retenant une nouvelle fois ses crispations, et un semblable gémissement de douleur étouffé s’échappa de ses lèvres. C’était impossible. Un cauchemar. Il allait se réveiller tranquillement dans pas moins d’une minute et réaliser que cette journée ne c’était jamais déroulée. Il ferma les yeux fermement décidé à sortir de l’inconscience. Mais malheureusement il était bel et bien conscient, ne souhaitant pas l’admettre. Il entendit soudainement un bruit étrange, des pas feutrés . Il n’osa pas relever la tête. Peut-être étais-ce ces créatures qui venaient pour l’achever ? Que la mort semblait soudainement accueillante…

La nuit était tombée, avec son usuelle rapidité en cette période d'hiver, sur la forêt d'Hanover. Sora n'en était nullement gênée et se déplaçait avec sa fluidité et sa rapidité naturelle sous forme animale. L'odeur de la mort l'avait conduit un peu trop près d'une route passante à son goût, mais lorsqu'elle arriva à localiser la provenance de cette odeur entêtante, mêlée à celle des ennemis éternels de son espèce, elle eut confirmation de ce qu'elle craignait. Un corps gisait sur l'herbe rendue craquante par le gel. Elle fut néanmoins largement surprise : là où elle s'attendait à trouver un corps humain vidé de son sang, celui de l'un de ses frères était déchiqueté, éparpillé sur le sol froid d'une clairière. Elle resta un instant, longuement choqué, mais ses pensées ne s'étaient pas arrêtées pour autant et Paco, avec qui elle faisait sa ronde ce soir là, ne manqua pas de comprendre la situation.

* L'un des nôtres ?! *

Sortie de sa stupéfaction, elle renifla délicatement la tête décapitée. Maintenant que Paco le lui demandait... elle n'avait jamais vu ce loup, et jamais senti son odeur. Il n'était pas de leur meute. Elle transmit cette constatation à son ami. Elle ne pouvait pas nier être légèrement soulagée de ne pas faire face au corps sans vie de l'un des leurs, mais ce spectacle restait cependant largement outrageant. On pouvait certes se demander ce que ce loup d'une autre meute faisait dans les parages, mais qu'il ait été tué sur le territoire des Winnipesaukee en faisait une véritable déclaration de guerre. Tandis que Paco se dirigeait vers elle à toute vitesse pour pouvoir également inspecter les lieux, Sora fit le tour de la clairière, emplissant ses naseaux et sa mémoire olfactive des indices qu'elle pouvait récupéré. Même diffuse, l'odeur des sang-froids avait de quoi lui donner un haut-le-coeur. Elle s'obligea néanmoins à mémoriser leurs spécificités afin de pouvoir les identifier au besoin. Ceux qui avaient fait cela seraient traqué comme il se doit. En s'approchant d'une voiture restée là (probablement celle du loup), elle fut étonnée de renifler une autre odeur, celle d'un humain, bien qu'elle fut... légèrement particulière. Il fallait espérer que personne n'avait assisté au spectacle de ce massacre...

Lorsque Paco arriva sur les lieux, ils s'assirent face à face et discutèrent rapidement des mesures à prendre. Sora repartit alors au coeur de la forêt pour trouver une piste et aller réveiller Enzo. Il voudrait être mis au courant le plus rapidement possible. Mais en chemin, elle s'arrêta, leva le museau et renifla doucement l'air glacé vespéral. Cette odeur... ne venait-elle pas de la sentir ? L'humain... humain définitivement... particulier. Curieuse, elle fit un détour et se glissa entre les buissons, suivant la piste que lui transmettait le vent. Elle arriva bientôt à destination et, subrepticement, glissa la tête entre deux arbres pour observer la scène. Un humain se tordait par terre, sans veste ni blessure apparente. Sora n'avait pas assisté à beaucoup de transformations en direct, mais elle connaissaitt les symptômes par cœur, et l'odeur changeante de cet individu était un assez bon indicateur en soit.

* Paco, je crois que j'ai trouvé le louveteau de l'étranger... *
* Tu peux t'en occuper ? * demanda-t-il avec un brin d'inquiétude. Il était occupé à rassembler les morceaux du cadavre pour l'évacuer plus facilement.

Sora remua la queue, pas vraiment convaincue d'être la plus à même de gérer une telle situation, mais elle assura quand même à son frère qu'elle pourrait s'en charger. Ce serait trop long d'échanger leurs places. Le gamin, bien qu'il semble résister à sa transformation (ce qui était brave mais pas bien malin, ça faisait encore plus mal), serait bientôt officiellement l'un des leurs... bien que, pas de la même meute. Ça allait être coton pour communiquer ça encore. Elle sortit finalement des buissons, avançant lentement vers le corps tordu de douleur. Sous forme humaine, elle lui aurait conseillé d'arrêter de résister et de se laisser aller, mais il était hors de question qu'elle se retransforme rien que pour cela. Elle faisait une tête de plus que lui sous cette forme mais, nullement menaçante, elle s'assit calmement près de lui. Elle le fixait d'un regard calme, attendant qu'il prenne forme animale pour l'aider et surtout le calmer et le contrôler. S'il avait vraiment assisté à la mort de son père, il devait y avoir une telle colère en lui qu'il pourrait faire des dégâts. Bien heureusement, contrairement à la propre transformation de Sora, ils étaient en pleine forêt, sans un humain dans les parages.

Reconnaissant la douleur et la peur sur son visage, elle compatit, se souvenant de sa propre douleur à l'époque. Lentement, elle approcha son museau de sa joue. Son souffle chaud caressait sa peau, et elle le toucha gentiment pour lui faire comprendre qu'il ne craignait rien et qu'elle restait avec lui.

De nombreuses feuilles, humides, s’étaient accrochées sans retenue à la chevelure corbeau de Lucas, tandis que ce dernier résistait à son incendie interne. Ses vêtements s’entachait, au fur et à mesure qu’il se cambrait dans les vestiges de la dernière pluie de flocons. Les tendons de son cou étaient crispés à l’extrême, et une veine battait son pleins au niveau de sa tempe. Malgré le fait qu’il se trouva en plein hiver, dans l’un des État le plus humide du continent Nord Américain, il ne ressentait nullement la morsure du froid, ni l’inconfort que l’humidité aurait pu lui causait. À vrai dire, il n’avait plus conscience de grand-chose. Mise à part qu’il luttait contre un ennemi invisible et qu’il perdait du terrain à chaque minute qui s’écoulait. Il ne faisait que retarder l’échéance. Il croyait que ses souffrances n’auraient pu être pire qu’au début de son entrée dans la forêt. Il était inconcevable que se put être pire. Il se trompait lourdement. La douleur semblait augmentée de manière graduée, étape par étape, dans un crescendo extrêmement ressenti. Il sentit un goût salé envahir sa bouche et, il mit bien du temps à comprendre que des larmes ruisselaient le long de ses joues, et plus encore, à les identifier comme les siennes. Il n’avait pas honte d’elles. N’importe qui aurait craqué à sa place. C’était bien trop à assumer d’un seul coup. Il sortait à peine de sa maudite adolescence avec une mère poltronne, il retrouvait son père et le perdait de nouveau après seulement trois mois de fréquentation, il se retrouvait complètement seul, démuni de toute force dans un lieu où personne ne le connaissait, et n’avait guère les moyens de retourner en Californie. Il mourait de peur, à l’idée que ces créatures le retrouve, et qu’il ne puisse se défendre. Il était irrévocablement enragé contre elles également, et contre la vie en elle-même, bien cruelle de lui avoir donné des espoirs, pour aussitôt les lui retiré. Le chagrin lui pesait, et cette douleur semblait attisé chacun de ses sentiments venimeux.

Enfermé dans sa bulle de souffrance, il mit plusieurs secondes à repérer un son qui approchait de lui. Quelques secondes supplémentaires à comprendre que le son en question était des pas, feutré, et qui ne lui évoquait en rien un humain. S’aurait été bien plus bruyant, surtout qu’il concevait mal l’idée que l’être en question l’est repéré. Il se mit à craindre que ce fut une de ces créatures surnaturelles et sanguinaires qui venait le chercher pour l’éliminer une bonne fois pour toute, et sans oser relever les yeux, il se rétracta sur lui-même en position fœtale, tentant du même fait de calmer ses douleurs ardentes. Il sentit un museau humides se frotter dans son cou, et ce contact le fit sursauter. Tremblant de tout ses membres de manière maladive, Lucas releva ses yeux bruns vers la forme qui s’était approchée de lui. Une immense créature se tenait là. Il était tellement … blessé, bien que ce ne fut guère visible, qu’il ne put esquisser un mouvement de recul. Et même s’il avait été en état de le faire, il n’était pas sur qu’il l’aurait exécuter. Étrangement, cette animal, qui lui rappelait un loup, mais bien plus énorme, lui paraissait d’un apaisement profond. Il n’était plus seul. La forme ne lui faisait ressentir aucune peur, bien qu’elle aurait put le mettre en kit d’un simple claquement de mâchoire. La créature s’était assise non loin de lui, et semblait attendre qu’un évènement se produise. Ce qui était encore plus étrange. Lucas ne s’en étonnait pas vraiment, après toutes les visions qu’il avait eu aujourd’hui, celle d’un immense loup qui semblait l’aider n’était pas la pire surprise qu’il est eut à affronter ce jour. Le jeune homme, toujours agité de spasmes incontrôlables avait été si distrait par cette apparition inespérée, que les vagues de flammes en avait profiter pour balayer ses défenses, sans qu’il n’eut le temps de les reconstruire. Un nouveau cri de douleur s’échappa des lèvres de Lucas, qui s’étouffa rapidement dans sa gorge, comme s’il avait été étranglé. Comme si quelque chose l’empêchait désormais de respirer, qui l’étouffait. Lucas se redressa tant bien que mal, les bras croiser sur sa poitrine, serrant cette dernière avec l’énergie du désespoir, penché en avant. Puis soudainement, son dos se cambra, sa tête se rejeta en arrière et il y eut un bruit de déchirure très net.

Les vêtements de Lucas reposait désormais sur le sol boueux, en pièce, tandis qu’un loup au pelage gris se tenait à la place qui fut celle du jeune humain quelques secondes plus tôt. C’était une bête très belle, il fallait le dire. Un magnifique spécimen. Sa robe était grise claire, et s’assombrissait au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la colonne vertébrale. Tout le long de cette dernière était brune.

L’esprit du garçon se retrouva enfermé dans ce corps étranger et il crut devenir fou, sous l’amas de toutes ces nouvelles sensations qui l’assaillait. Il sentait sous ses coussinets, la puissance de la terre sur laquelle il se trouvait. Son nouveau sens olfactif, bien plus développé que celui qu’il possédait sous sa forme précédente, repérait des odeurs qu’il ne parvenait pas à identifier. Ou du moins pas toutes. Son audition lui transmis le clapotis d’une eau qui s’écoulait, sans qu’il ne sache réellement de quelques sources d’eau elle pouvait provenir. Et sa vision n’était pas descriptible. Il avait face à lui pleins de petits détails qui jusqu’alors lui avait échapper. C’était à la fois merveilleux et effrayant. Le loup-Lucas gémit tandis que son pelage s’aplatissait. Son regard se planta droit dans ceux de la femelle. Il sentait que s’en était une. Il ne savait pas vraiment comment, c’était comme un instinct venu sur le moment. Il essaya de lui transmettre toute sa détresse à travers ses prunelles, et il ne fut pas conscient de laisser paraître les premières plantations de sa folie. (Ces plants qui ne se développeront certainement jamais s’il était encadré). Il ne comprenait pas comment elle avait fait pour le découvrir, lui allonger là. Surement ses sens. Il ne concevait pas l’idée d’être dans la peau d’un loup, mais aussi fort l’aurait-il voulu, il n’aurait sut reprendre cette forme qui était la sienne, jusqu’à maintenant. L’animal s’ébroua, chassant l’humidité de son pelage. Il ne savait pas non plus comment s’exprimer désormais. Impossible de prononcer des mots. Il lui jeta un nouveau regard, l’air de dire qu’il était complètement désorienté. Les flammes qui jusqu’alors l’avaient malmener, avaient battu en retraite. Toutefois, il les sentaient encore proches, prête à entamer un nouveau duel à tout moment.

[hj: Je te propose si tu as des difficultées pour répondre (ce qui serait complètement compréhensible parce que sans réels dialogues...) que du fait que Lucas 's'attache' en quelques sortes à Sora, et par extension à la meute, leurs pensées soient partagées]

Sora n'avait rien de sadique et voir se tordre de douleur un jeune loup lors de sa première transformation était loin d'être un plaisir. Mais ils étaient tous passés par là et elle savait qu'il irait bien, au final, elle était là pour s'en assurer. La douleur faisait partie de la vie des loups à partir du moment où ils se transformaient pour la première voie : chaque métamorphose, chaque combat entrainait son lot de souffrance. Mais nulle n'était comparable à celle de la première transformation, souvent précédée d'un choc émotionnel rendant les choses d'autant plus marquantes. Et Sora pouvait d'autant compatir à la douleur de ce louveteau qu'ils avaient subis des traumatismes relativement similaires. Perdre son père aux mains des vampires... cela avait de quoi vous motiver dans votre mission et vos chasses. Mais rien ne vous rendrait ce que vous aviez perdu, même habitée par le désir brûlant de la vengeance, Sora gardait la tête sur les épaules. Sans Enzo, elle aurait même perdu sa tante, l'aurait tué de ses propres crocs. Ce jeune homme dont elle ignorait tout n'aurait tout du moins pas à supporter cette pensée qui hantait Sora dès qu'elle se mettait en colère en présence de sa tante (ce qui était bien heureusement très rare), risquant de perdre le contrôle.

Le futur loup ne semblant pas terrifié par sa présence comme on aurait pu le croire, probablement n'était-il plus en état de s'étonner de quoi que ce soit. La louve au fin pelage gris le lécha gentiment, écartant la sueur marquant son front de ses yeux en un geste doux et maternel qui ne lui était pas coutumier. Ses instincts ressortaient. Prendre soin de ses frères et soeurs de la meute lorsqu'ils étaient affaiblis, c'était une évidence. Lorsqu'il cria, perçant les tympans sensibles de Sora, elle se recula, devinant que la transformation s'amorçait. Elle eut une pensée distraite pour les vêtements qui se déchirèrent sous la pression de sa nouvelle masse corporelle. Il faudrait qu'elle lui trouve de nouveaux vêtements à sa taille.

* Touche pas aux miens. *
* Egoïste. *
* Comment il s'en sort ? *
* Y a-t-il une méthode pour "bien s'en sortir" ? Dis-moi plutôt comment je vais faire pour communiquer avec lui. *
* Il faut que vous créiez un lien réciproque. Pour qu'il soit considéré membre de la meute, il faut que l'un des membres l'accepte en tant que tel et que lui même désire en faire partie. Le lien est officialisé et complet lorsque l'Alpha reconnait le nouveau membre comme l'un des siens. * répondit Paco de son ton encyclopédique.
* Ok... Et, comment on fait ça ? * répliqua Sora en observant attentivement le nouveau loup qui prenait ses marques.
* Ouvre ton esprit et concentre-toi sur ton désir de lui parler, qu'il soit l'un des notres... *

Sceptique mais docile, Sora décida de tenter l'expérience. Elle avait confiance en son frère aîné, encyclopédie sur pattes, et après tout qui ne tente rien, n'a rien... Et il était évident que pour calmer la situation, ils auraient besoin de communiquer. Le pauvre chou lui lançait d'hors et déjà un regard de chien battu qui n'avait vraiment pas sa place chez un aussi noble animal que le loup, qui plus est quand ce loup fait deux mètres de taille. Assise sur son arrière train, la louve le fixait calmement, sa queue se baladant de droite à gauche, tandis qu'elle essayait de suivre les instructions de Paco. Ce n'était vraiment pas facile étant donné qu'elle avait largement l'impression d'être ridicule sachant que son frère pouvait deviner ses pensées. Néanmoins, fixant le jeune loup comme si elle essayait de le transpercer du regard, elle réussit lentement à se concentrer, faisant abstraction de tout le reste. Elle sut qu'elle avait réussi lorsqu'elle se prit un flot de pensées confuses et paniquées en plein cerveau. L'arrivée d'un nouveau membre dans la meute était toujours désagréable, les jeunes loups n'étant pas habitués à faire l'effort de contrôler leurs pensées, mais alors là c'était bien pire. Les pensées de Paco eurent même du mal à se faire entendre par dessus ce vacarme, mais il ne faisait aucun doute que le vieux loup râlait. Il détestait être assailli de pensées.

* Du calme... * s'efforça-t-elle à penser avec la plus grande douceur dont elle pouvait être capable. * Tu n'es pas seul. Je suis là. Je suis Sora. Et l'homme qui râle dans un coin de ton esprit... c'est Paco, notre frère de meute. Nous pouvons t'aider. Mais tu dois calmer tes pensées, nous communiquons par ce biais : tout ce que nous pensons est partagé par la meute. * Elle se redressa et fit quelques pas vers lui, glissant son museau sous celui du loup blanc de la façon joueuse et amicale des loups. * Quel est ton nom ? * lui demanda-t-elle, non seulement pour savoir à qui elle s'adressait, mais pour l'aider à contrôler ses pensées en mettant en avant ce qu'il voulait transmettre et repousser le reste dans un coin de son esprit.

Sa masse corporelle avait soudainement augmenter et un bruit très net de déchirure se fit entendre au milieu de la forêt. Il avait été homme, et désormais, il était loup. Les informations colportées par ses sens à l’efficacité améliorée d’une bonne dizaine le déroutèrent. D’autant la femelle louve qui se trouvait devant lui et le fixait avec intensité. Il ne comprenait pas tout ce qui lui arrivait et, cela il devait l’avouer, un sentiment étranger s’insinuait en lui, dissipant la rage et la détresse qui jusqu’alors l’avait habité. Il était loup. Il savait qu’il ne pouvait nullement nier cette vérité. C’était comme de découvrir une partie de soi même dont l’on ignorait l’existence. Lucas se sentait comme … entier, bien que perdu. Le jeune louveteau posa son regard sur la femelle et une mine curieuse se peignit sur les traits du canidé. Il s’approcha doucement, sentant la force de la terre sous ses coussinets et, s’assit sur son postérieur, les oreilles se dressant parfois, lorsqu’un bruit était perçut par sa parfaite audition.

Il eut l’impression qu’un chemin se traçait jusqu’à ses pensées. C’était quelque chose de très complexe à décrire. Comme s’il était un vieil ouvrage et que quelqu’un aurait souffler sur les pages pour en chasser la poussière et pouvoir y lire les inscriptions. Soudainement, un contact devint clair… et tout aussi soudainement, il fut assaillit par autres choses que des informations sensorielles. Des voix ! Dans sa tête ! Un gémissement s’échappa de sa gorge, et Luke s’aplatit au sol, les oreilles couchées sur la tête. Il se sentait de nouveau, paniqué par le changement. Comme il l’avait été lorsque cette nouvelle forme lui avait été offerte. Il ne s’appelait pas Jeanne D’Arc non plus ! Ce n’était pas naturel d’entendre des voix autre que la sienne dans sa tête ! C’est une voix féminine d’une extrême douceur qui interrompit le flots de pensées affolées du jeune loup. Il se concentra sur elle. Il s’y accrocha littéralement, comme un homme à la mer s’accrocherait à une bouée.

* Du calme... Tu n'es pas seul. Je suis là. Je suis Sora. Et l'homme qui râle dans un coin de ton esprit... c'est Paco, notre frère de meute. Nous pouvons t'aider. Mais tu dois calmer tes pensées, nous communiquons par ce biais : tout ce que nous pensons est partagé par la meute. *

Le jeune louveteau était légèrement surpris. Il avait certes remarqué, que cette louve n’était pas ordinaire. Mais il ne s’attendait pas à ce qu’elle fut comme lui ! Et encore moins à ce qu’il y ait toute une meute ! Lucas se redressa sur ses pattes. Il n’était pas seul, c’est vrai. Elle était là, bien qu’elle ne le connaisse pas. Elle était restée avec lui, alors qu’elle ne lui devait rien. Et désormais, elle l’aidait à comprendre, en quelques sortes. Il entendait d’autres voix, derrière celles de la louve. Il se rendit compte que bon nombre d’entre elles étaient masculines, râleuses. Il ne perçut en y réfléchissant, pas d’autres voix de femme ce qui l’étonna assez. Il se contraignit au calme, en une manie tout à fait humaine consistant à respirer calmement. Il du maitriser la tempête de ses pensées et il y parvint au bout de quelques minutes, jusqu’à ce que les râleurs finissent par ne plus râler. Lucas s’approcha de Sora avec curiosité. Guidé par des instincts totalement inédits, le louveteau approcha son museau de la louve et renifla son odeur. Une odeur boisée, naturelle , de sève. Agréable. Il l’enregistra en lui avant de s’écarter légèrement. La louve lui demanda son nom. Il était difficile de s’habituer à un contact mental si proche. Il avait l’impression d’être mis à nu et c’était très désagréable. Il avait remarquer, que la condition dans laquelle il se trouvait ne l’était pas vraiment. Il essaya de trier ce qu’il réceptionnait en son esprit. Les pensées de la meute. Que c’était étrange ! Il comprit que la vie privée ne pouvait coexister avec ce mode de vie. Lucas essaya de ne pas dériver, se concentrant sur la question de la louve et répondit de la manière qui lui semblait devoir répondre : * Je m’appelle Lucas. Peux-tu me dire ce qui m’arrive ? Je ne comprend plus rien. C’est complètement délirant. * . Aurait-il parler qu’il aurait été sur que sa voix serait partie dans les aigus. Le souvenir de son père lui était totalement sorti de la tête, et lorsqu’il repéra une image fugitive dans un esprit que comportait la meute il eut un haut-le-cœur. Ou plutôt un haut-le-cœur mental. Le cadavre de son père, complètement désarticuler, difficilement reconnaissable. Il s’élança entre les troncs d’arbres, oubliant la présence des autres. Il entendait le bruit de la course de la louve derrière lui, et il savait qu’elle n’aurait eut aucun mal à le doubler, si s’avait été nécessaire. Rapidement - bien plus rapidement qu’il n’aurait cru y arriver - après avoir sentit la piste de sa propre odeur, presque effacée; il arriva. La clairière était dans le même état dans laquelle il l’avait délaissée. Lucas s’approcha à grande vitesse et ses griffes se plantèrent dans la terre lorsqu’il stoppa sa course soudainement. Son museau plongea sur le corps de son père et il sentit les effluves du sang lui nouer la gorge et lui donner la nausée. Une autre odeur salissait le corps de son géniteur. Ecœurante. * Quelle est cette odeur ?! * pensa-t-il le chagrin et la rage retombant net et impitoyablement sur ses épaules * Quelles sont ces créatures ?!! Ces ordures ! Je vais les tuer ! Je vais les tuer ! * L’odeur s’enregistra dans son esprit, comme précédemment et la rage fit bouillir son sang à des degrés impensables. Les brulures lui léchèrent de nouveau le dos et ce n’est plus un gémissement qui quitta sa gorge mais un grognement de fureur…

Le nouveau loup semblait s'adapter relativement bien à son nouveau corps. Cela ne signifiait pas qu'il gérait forcément très bien la situation émotionellement parlant mais sa coordination et ses mimiques montraient bien qu'il était à l'aise sous forme animale. Ses instincts étaient au rendez-vous. Ce qui incitait d'autant plus Sora à le surveiller de part qu'il ne parte "en vrille". Aussi attendrissant qu'il soit dans ce moment d'incertitude et de découverte de son environnement, un nouveau transformé bouillonnait d'une colère que l'on ne pouvait pas balayer d'un revers de la main (patte).

Une fois n'est pas coutume, elle attendit patiemment qu'il regagne le contrôle de ses pensées et de son self-contrôle. Elle le laissa relever son odeur sans ciller, habituée à ces rituels de familiarisation. Elle ne savait pas trop quoi faire de lui et les choses auraient été bien plus simples si Enzo était sous forme animale ce soir là, mais elle avait au moins l'appui de Paco, sage et connaisseur. Elle procéderait donc au plus urgent et cela commençait par s'assurer que... Lucas, puisque c'était son nom, ne fasse pas de bêtises. Zut, à dire comme cela elle se retrouvait en position de baby-sitter, le plus horrible job au monde de son humble point de vue.

*Lucas... tu es un Protecteur, un Loup-Garou comme nous appelle les Blancs.* commença-t-elle un peu maladroitement pour tenter de répondre à la vaste question qu'il lui avait posé. C'était plus un travail pour Paco ça, elle devrait lui refiler l'explication tiens... Mais alors qu'elle pensait justement à cela, le vieux loup se trouvait près du cadavre rencontré plus tôt et la vision fut transférée par leur lien. Les pensées de Lucas l'avait trahi avant même qu'il bouge d'un poil et Sora se retint de rouler des yeux (expression peu animale) en s'élançant à sa suite. *Idiot !* lança-t-elle à Paco qui eut le bon goût de se montrer contrit.

Il était probablement inutile d'espérer arrêter le louveteau et le calmer tant qu'il n'aurait pas vu par lui-même la scène. Sora resta donc en retrait, le suivant quelques foulées en arrière jusqu'à la clairière illuminée par la lune décroissante. Paco s'écarta également du corps sans vie (dont il avait soigneusement ramassée et assemblé les morceaux jusqu'alors) pour laisser au fils du mort assez d'espace. Il rejoignit Sora qui attendait en retrait, attentive. Comme elle s'y attendait, Lucas ne manqua pas de repérer également l'odeur des sang-froids et sa réaction ne se fit pas attendre, violente, enragée. Ses émotions se propageaient via leurs liens comme une trainée de poudre, élevant le propre tempérament de Sora, que toute cette situation complexe agaçait. Lorsqu'il commença à hurler de fureur sans aucune discrétion, elle intervient. Dans un éclair, elle se propulsa et le percuta, l'écrasant de tout son poid à terre, et enserrant entre ses mâchoires puissantes la fourrure épaisse du louveteau et la peau sensible du col avec. Ce n'était pas une prise méchante ou dangereuse, mais assez pressante et insistante pour faire comprendre par des instincts de base qui dominait.

*Ca suffit !* tonna-t-elle, écrasant tous les esprits des loups transformés de sa volonté. *Je répondrais à tes questions quand tu te seras calmé ! Tu ne mesures pas ce dont tu es capable Lucas, mais si tu ne te contrôles pas, tu peux faire autant de mal que ceux qui ont tué ton père ! C'est ce que tu veux ?! Tuer des humains innocents parce que tu n'as pas sû te contrôler ?!* Tous les membres de la meute savaient combien ce sujet était délicat pour Sora, qui avait elle-même failli tuer sa propre tante pendant sa première transformation, et d'une manière ou d'une autre ce souvenir ne manqua pas de se réveiller en chacun d'entre eux, soulignant pour Lucas si cela n'avait pas suffi combien elle était sérieuse.

Une fois sûre qu'il l'avait bien comprise, elle relâcha sa prise et se redressa. Retournant auprès de Paco, elle le laissa se relever sans jamais le quitter des yeux. Elle restait tendue, prête à intervenir de nouveau si la rage reprenait le dessus. D'une pensée, elle intima à son frère de meute d'entamer les explications. Paco s'exécuta sans attendre. Une Sora en colère avait de quoi marquer n'importe qui.

*Il existe des légendes chez les tribus indiennes, qui expliquent tout cela. Elles sont racontées de génération en génération, afin de préparer ceux qui ont le gêne à cet évènement. Puisque tu ne l'as apparemment jamais entendu, écoute bien, et tu comprendras.* commença-t-il. Il raconta la légende telle qu'elle était transmise de parents à enfants dans chaque famille de tribu indienne. Lorsqu'il eut fini, Sora compléta : * Tu es, tout comme ton père avant toi, un Protecteur. Nous nous interposons entre les Sang-froids et leurs victimes humaines pour protéger la population. C'est notre mission, notre raison d'exister. Et ton père a été tué pour cela. Avant que tu ne t'emportes à nouveau, tu ne pourras les tuer seul, alors ne m'oblige pas à t'assommer.*

La louve lui apprit qu’il était un Protecteur. Toutefois, l’information ne parvint pas vraiment jusqu’au cerveau du louveteau. Il venait de capter une image, dont il se serait bien passer. Une image qui n’appartenait pas à son propre esprit, mais à celui d’un membre de la ‘meute’, comme le lui avait si bien expliquer Sora. Cette vision, pire que sanglante, un carnage fait sans état d’âme, représentait son père, en … kit, si on pu le dire ainsi. Le sang du louveteau ne fit qu’un tour, bouillonnant. Lucas s’élança à travers les troncs d’arbres, sans ne plus accorder la moindre attention à la louve, obsédé à l’idée de retrouver le corps de son père. De sentir l’odeur qui l’imprégnait.

Le trajet ne fut guère long. En réalité, Lucas n’avait pas réellement conscience, de la vitesse à laquelle il progressait à travers le bois. Alors que de nombreuses minutes plus tôt, il n’avait put retrouvé le chemin de la camionnette, à cet instant, il lui sembla que la voie était lumineuse et indiscutable. L’environnement dans lequel il se trouvait lui donnait toutes les informations nécessaires, pour rejoindre le cadavre. Des odeurs, des vestiges de traces de pas, surement les siens, ayant à peine soulevé la poussière du sol et ayant été presque effacés par la dernière pluie. Le jeune loup arriva rapidement à la clairière, qu’il reconnut aussitôt qu’il pausa la patte en son cercle. Un loup se trouvait déjà là et bien qu’il ne fut pas expert des langages corporels canins, il lui sembla que ce loup était à la fois mal à l’aise et désolé. Ce n’est qu’en ‘ reconnaissant ‘ son esprit, que Lucas l’identifia comme étant Paco. Celui qui lui avait malencontreusement transmis l’image du désastre. Sans plus lui accorder un regard, Lucas franchit la distance qui le séparait du corps de son père, en trois bonds puissants, qui ne pouvait guère rivaliser avec ceux de ses aînés, mais qui toutefois lui avait permis d’être rapide. Ce qu’il vit lui tira un haut-le-cœur qui se répercuta sur ses pensées. Il plongea son museau dans le tas difforme, sentant l’odeur boisée de son géniteur, qui l’avait si longtemps réconfortée qu’à présent, c’était comme un manque. Lui qui s’en était passé durant dix huit ans, qui si familiarisait trois mois et, qui désormais concevait mal l’idée de s’en passer. Une autre odeur s’y mélangea. Ecœurante. Elle lui brûla les narines tellement elle était forte. Le jeune louveteau, ne s’en sépara pas, au contraire, il inspira au plus profondément possible, cette odeur, particulière, l’enregistrant dans sa mémoire et il savait qu’il n’arriverait jamais à l’oublier. La rage se dressa de nouveau en lui, tandis qu’il hurlait quasiment ses questions dans son mental et celui du reste de la meute. Il sentit certains esprits disparaître, comme lorsque l’on quitte une salle, où se déroule une conversation bruyante. La haine fit bouillir son sang à des degrés impensables. Les brulures lui léchèrent de nouveau le dos et ce n’est plus un gémissement qui quitta sa gorge mais un grognement de fureur. À s’en arracher les cordes vocales. Soudainement, il se sentit basculer et un poids s’écrasa sur lui. Il se rendit compte, que la louve était passer de l’inaction, à l’action, sans qu’il n’en eut pris conscience. Il tenta de protester, de se mouvoir afin de prendre le dessus, ni parvenant pas, il tenta de refermer ses mâchoire sur l’épaule de la louve, toujours sans succès. Elle était bien plus expérimenté que lui dans les combats en corps à corps, d’autant plus sous cette forme. Ses crocs se refermèrent sur la peau du cou de Lucas, si doucement, et fermement à la fois, que Lucas, sentit qu’il était en infériorité et que ne pas le reconnaître, serait le comble de la stupidité. Il s’immobilisa et la louve le relâcha, après quelques minutes, le temps de s’assurer, qu’il ne laisserait pas de nouveau, libre cours à sa colère. Sa voix résonna dans son esprit, tout aussi claquante que sa poigne l’avait été : *Ca suffit ! Je répondrais à tes questions quand tu te seras calmé ! Tu ne mesures pas ce dont tu es capable Lucas, mais si tu ne te contrôles pas, tu peux faire autant de mal que ceux qui ont tué ton père ! C'est ce que tu veux ?! Tuer des humains innocents parce que tu n'as pas sû te contrôler ?!*

Le jeune homme se sentit soudainement très mal, vis-à-vis d’elle. Rien qu’aux sentiments qu’il perçu à travers le lien qui irrévocablement les unissaient, lui, elle et les autres, il sentit que le sujet ne prêterait pas à la discussion. Pas avec elle. Le jeune louveteau se calma presque aussitôt, étouffant sa haine, par le simple fait de la prise de conscience que venait de lui apporter la louve. Il pouvait blessé des personnes aux quelles il tenait ? Comment ? * Te pose pas de questions stupides * se réprimanda-t-il. Se contrôler. S’avait l’air difficile, rien que par ses propres actes. Il lui aurait bien dit qu’il était désolé, mais la voyant se détourner, pour se placer aux côtés de son frère de meute, il se ravisa. S’excuser ne servait à rien et il était surement inutile de gaspiller sa ‘ salive ‘. Le jeune loup se rapprocha du duo d’aînés et s’assit sur ses pattes arrières, pour écouter ce que lui révèlerait Paco. Ce dernier lui raconta la légende qui expliquait pourquoi les choses étaient ainsi et il s’ensuivit un court silence, que Sora brisa en formulant des préventions. Oui, elle avait raison naturellement. Il serait suicidaire de se lancer dans pareille entreprise, seul. Surtout qu’il ne connaissait pas grand-chose de ses créatures, si ce n’Est-ce que venait de lui apprendre Paco. Il comprenait à présent, pourquoi son père avait quitté sa mère. Ce n’était pas parce-que c’était un lâche, mais parce qu’il ne voulait pas la tenir proche de telle créature. Craignait-il que le gène s’active ? Dans tout les cas, cela n’aura servit à rien. Il était tout de même devenu un loup.

* Je comprends. Ça va être dur de ne pas…perdre le contrôle, comme tu dis. Et je promet de ne pas poursuivre ces … démons. J’imagine, que demain, je devrais aller au poste de police d’Hanover, pour signaler la disparition de mon père.* Il soupira * Il y a une méthode particulière pour revenir à …ma forme initiale ?* demanda-t-il

Rester dans ce corps canin, commençait à le déranger. Surtout que pour être maître de ses émotions, il était bien plus facile, de ressentir uniquement les siennes. Il ne savait pas vraiment ce qu’il allait devenir à présent. Devrait-il rejoindre la meute ? Étais-ce déjà le cas ? Il aurait voulu poser ses questions à Sora, mais il craignait qu’elle lui en veuille, à cause de ses réactions, précédentes.

C'est avec satisfaction que Sora constata le résultat de son avertissement. Le message semblait être passé auprès de Lucas, qui suivait ses exigences et semblait faire de son mieux pour se calmer. Une maîtrise de soi qui était loin d'être aisée pour les loups en général et les jeunes transformés en particulier, mais sur laquelle il était vital de travailler pour le bien de la meute comme de ceux qui les entouraient. Que la mauvaise expérience de Sora serve d'exemple ne la dérangeait plus : bien qu'elle regrettera toujours ce qu'elle avait failli faire ce soir là, elle avait elle-même accepté et pris conscience des risques, et le souvenir de cette nuit là la rappelait toujours à l'ordre plus efficacement qu'une douche froide. Que cela puisse servir de leçon aux nouveaux venus dans la meute afin d'éviter tout accident était une "bonne" chose. Elle avait entendu les anciens Quileutes mentionner ce qui était arrivé à l'imprégnation de leur Alpha. Ce n'était pas à prendre à la légère.

Balayant de mouvements distraits de sa queue le sol de la clairière, Sora prêta une attention toute relative au récit de Paco, le connaissant elle-même par coeur depuis le temps (mais Paco, lui, racontait bien mieux cette légende ancestrale). Son attention restait toute dédiée au nouveau membre de la meute. Ces nouvelles informations le faisaient cogiter et c'était l'objectif. Faisant abstraction du passage sur les révélations familiales qui ne regardait que lui, elle se concentra sur ses pensées les plus intéressantes pour l'intégration au sein de la meute. Elle ne chercha pas à cacher sa satisfaction lorsqu'il lui assura qu'il n'avait pas d'intentions téméraires. Mentir était vain sous cette forme. Elle se reconcentra sur les questions qu'il lui posait.

*Il faut simplement se concentrer sur l'idée de prendre forme humaine. C'est un processus naturel, ça viendra tout seul au fur et à mesure. Mais je me permets de t'avertir que les vêtements ne sont pas inclus dans la transformation, et qu'ils sont déchirés lorsque nous nous transformons avec en raison de notre taille.* expliqua-t-elle avec une pointe d'humour : la pudeur, elle et Paco n'en faisaient plus grand cas, mais Lucas n'aurait probablement pas apprécié la surprise. *Paco va-t-en trouver.* assura-t-elle néanmoins, ne tenant pas à le mettre mal à l'aise pour si peu.

Le dit Paco protesta. La scène aurait probablement été comique pour un observateur extérieure, car la louve tourna alors la tête à 45° vers son homologue et lui lança un regard bien humain, dans une mimique qui ne laissait aucun doute : regard noir de la mère de famille. Avec les quelques protestations qui s'imposent, Paco s'en retourna donc récupérer quelques vêtements de base dans les cachettes que les loups avaient dispatché un peu partout dans la forêt. Sora retourna alors son attention sur Lucas comme si de rien n'était.

*La prochaine fois, il est donc conseillé de prendre le temps de retirer ses vêtements si tu tiens au contenu de ta garde-robe.* conclut-elle sur un ton léger. *Si tu as d'autres questions - et tu en auras - tous les Winnipesaukee habitent à la réserve, tu nous retrouveras facilement. J'habite à l'épicerie que ma tante possède. Si je n'y suis pas je serais probablement en train de faire ma ronde. Demande alors Enzo Greenwood ou Jacob Black, ils sont Alpha et Bêta de la meute respectivement, ils sauront te répondre et t'aider.* expliqua-t-elle doctement afin de lui donner les clés qui lui permettront de ne pas être totalement lâché dans la nature sans repère. Elle n'avait pas manqué non plus de remarquer que Lucas gardait pour lui quelques interrogations et incertitudes, comme s'il n'osait pas déranger. Pas de ça au sein de la meute. *Nous sommes comme une famille, nous prenons soin des nôtres, et tu es désormais un membre de la meute.* conclut-elle afin d'enfoncer le clou.

Lucas se tenait de plus en plus tranquille. À vrai dire, la première vision du cadavre de son père passée, suivie des échanges mentaux avec Sora et Paco l’avaient apaisés. Il avait toujours le goût amer de l’injustice dans la bouche, bien entendu, on ne tourne pas une page aussi facilement, aussi légère soit elle. Il ne connaissait cet homme, son père, que depuis trois mois et même si ces derniers avaient sans doute été les plus libres et vivifiants de sa vie, il n’avait pas le droit d’user de ce prétexte pour céder à la stupidité et à la témérité. Il devait être patient envers lui-même. Un jour le vent tournerait et il aurait peut-être enfin le choix de saisir ou non une vengeance. Il ne chercherait pas les créatures responsables du meurtre de son géniteur. Mais il gardait précieusement en mémoire leurs empreintes olfactives, afin de les reconnaitre, dès qu’il les recroiserait. D’après Paco, les vampires, puisque c’était comme cela que ces créatures froides se nommaient, grouillaient en ville et chacun possédaient une odeur propre. Le jeune loup détourna la tête des restes de celui qui fut Rowtag Stevenson, évitant ainsi les difficultés à rester calme. Il essayait de faire taire cette petite voix, qui lui criait de laisser jaillir sa rage. Il avait promis. En captant les images transmises par la meute, les points sensibles que la perte de contrôle représentait pour Sora. Il n’avait pas saisi tout les paramètres de sa réaction, ou plutôt de son histoire à elle, mais il savait qu’elle en avait énormément souffert.

Paco lui conta l’histoire des Protecteurs et Lucas l’écouta sans sourciller, plein d’attention. Cette histoire résonnait comme un écho au fond de sa mémoire, sans qu’il ne parvienne à saisir le souvenir auquel il s’apparentait. Son père lui en avait-il déjà parler ? Assurément que non, il s’en souviendrait à coup sur. Chaque discussion était gravé comme dans du marbre, dans sa mémoire et il se savait incapable d’en perdre une miette, tellement il les avaient savourés. Non, ça provenait de quelqu’un d’autre. Il y songea quelques instants, avant de conclure, qu’il chercherait plus tard, inutile d’essayer de saisir ce qu’il ne pouvait pas attraper. Cela lui reviendrait prochainement surement. Le jeune loup capta des images dans les mémoires. Il découvrit l’apparence humaine de chacun des aînés présents et en fut réellement troublés. Leurs manières de penser étaient d’une maturité que seule l’expérience de la vie offrait. Pourtant, d’après ces brèves images, l’un comme l’autre ne semblaient pas plus âgés que vingt sept ans.

Lucas finit par questionner Sora, sur les méthodes pour reprendre sa forme humaine. Il avait du mal à gérer ses propres émotion et ne désirait pas ressentir celles des autres membres de la meute, bien qu’elles fut bien moins bruyantes que les siennes. De plus, il lui semblait quasiment violer l’intimité des gens sous cette forme. Parcourir des souvenirs, des pensées, qu’il n’était pas sensé écouter, s’en était absolument gênant. Il comprenait que la vie privée n’avait pas lieu d’être au sein de cette meute, ni dans aucune autre s’il en existait plusieurs, ce dont il ne doutait pas vraiment. Ce mode d’existence était imposé et tout les membres s’y pliaient. De toute manière, personne n’aurait pu y résister non ? Sora lui expliqua le processus et eut un sourire canin, mimique bien étrange sur le visage d’un loup.

Jacob Black. Lucas eut un sursaut de surprise. Jacob Black vraiment ?! Lucas ne le connaissait pas vraiment, juste qu’ils se croisaient parfois au lycée de la Réserve et passait de rares moments en sa compagnie. Il n’aurait jamais deviné que lui, fut un loup. * Remarque, t’aurais pas deviné grand-chose * songea-t-il pour lui-même.

Du regard, il suivit Paco qui quittait l’endroit, afin de lui chercher des vêtements appropriés et Lucas musela les questions qui se posaient à lui. Il sentait naître en lui un profond respect pour Sora. Elle lui avait tendu la main - ou disons la patte - alors qu’elle aurait pu passer son chemin. Enfin, aurait-elle vraiment pu ? L’avait-elle fait par devoir, ou bien poussée par de vieux instincts maternels profondément enfouis ? Il préféra laisser cette dernière question filer, rougissant déjà à l’idée que la louve est pu la saisir.

*Nous sommes comme une famille, nous prenons soin des nôtres, et tu es désormais un membre de la meute.*

Il sentit une vague de bien-être, et d’apaisement déferler sur lui, l’envahissant complètement. Il ne doutait pas un instant de la vérité qu’elle énonçait. Ces mots respiraient la sincérité. Jusqu’à cet instant, depuis qu’il avait échappé aux buveurs de sangs, qu’il avait subit cette transformation, il s’était sentit un peu, décalé. Il avait désormais l’impression, d’avoir posé les pieds sur le bon chemin, la bonne voie. Le sentiment de ne pas être seul, mais soutenu, d’appartenir à quelque chose. C’était un soulagement que de savoir qu’il ne serait en faite, jamais seul. * Merci * dit-il, infiniment reconnaissant. Il savait que le mot même, était très faible par rapport à ce qu’il ressentait, mais il n’aurait pas trouver autre chose à dire pour exprimer son ressenti. De toute manière, le lien qui les unissaient le traduisais bien mieux que des mots. Paco finit par revenir, sous forme humaine, vêtu d’un simple jean. Il déposa sur le sol un vêtement semblable et d’autres, à l’intention de sa partenaire, au cas où elle aurait désirée achevé sa ronde du soir. Lucas posa les yeux dessus, tentant de trouver l’instinct naturel dont lui avait parler Sora. Il se sentait un peu ridicule à se concentrer pour effectuer quelque chose, qui devait finalement être si simple pour eux. Finalement, il parvint à muter lentement. Les flammes qui lui avaient léché l’échine quelques temps plus tôt étaient bien plus douces. Surement parce qu’il se sentait paisible. Il reprit forme humaine, se retrouvant nu comme un vers. Il sentit une légère rougeur lui monter aux joues, bien que prévenu, se retrouver si démuni était une expérience étrange. Cette rougeur disparue toutefois bien vite. Paco était un homme, et Sora ne lui accordait pas un regard en cet instant et il crut comprendre, sans en être certain puisque leurs esprits étaient désormais séparés, qu’elle lui laissait, pour cette première situation, un brin de pudeur, pudeur, qu’il ne possèderait plus avec le temps. Le jeune homme enfila le jean, un peu trop large, mais parfait pour le couvrir et remercia Paco d’un hochement de tête.

« Je te laisse t‘occuper du louveteau » dit Paco à l’adresse de Sora, « Je dois trouver Enzo pour l‘avertir de la présence de vampires sur les terres Winnipausaukee… ou au moins trouver quelqu‘un qui pourra lui transmettre l‘info. À plus tard, louv‘teau » ajouta-t-il à l’adresse de Lucas, avant de disparaitre à travers les arbres.

Lucas eut un demi sourire au qualificatif utiliser par Paco. Louveteau. Assurément qu’il devait en être un pour l’un comme pour l’autre. Et ça ne le dérangeait pas plus que cela. Après tout, avant de devenir un vrai loup, il fallait passer par la tanière non ? Lucas se retrouva seul avec Sora, l’un sous forme humaine, l’autre sous forme canine. Il s’approcha d’elle et s’arrêta à un pas de distance.

« J‘aurais bien une dernière question pour ce soir, Sora. Après, je te laisserai terminer ta ronde, je vais tout de même pas t‘obliger à me raccompagner chez moi » dit t’il, sur un ton de plaisanterie « Juste … ; repris t‘il plus sérieusement ; quel âge as-tu ? »

Sa question plana un instant dans l’air et il mit quelques secondes à comprendre que sous cette forme, elle ne pourrait pas lui répondre …

La plupart du temps, le partage des pensées au sein de la meute était un fardeau qui pourrissait l'humeur de tous les loups à partir du moment où l'un d'entre eux ne règnait pas en maître sur ses sentiments. Bien sûr, lors d'une chasse, c'était ce qui leur permettait d'être efficaces et redoutables, de ne faire qu'un contre leurs ennemis. En somme, cela pouvait tout autant assurer leur cohésion et leur amitié que de les diviser et de semer la zizanie. Mais il y avait également ces moments d'amusement et de complicité que créaient la mise en commun de pensées similaires et amicales. Ces moments étaient ceux qu'il fallait le plus chérir et vers lesquels il fallait tendre, aussi difficile que ce soit. Et les pensées actuelles de Lucas avaient précisément cet effet sur Sora, dont l'amusement et l'attendrissement étaient notables pour tous. Ce n'était pas la première fois qu'un jeune loup avait cette réaction d'étonnement en apprenant que l'une de ses connaissances était une créature sortie des légendes indiennes sans même qu'il s'en rende compte. Parfois cela passait plutôt mal, mais dans le cas contraire c'était toujours amusant. Et la propre conclusion de Lucas avait de quoi faire sourire.

Les pensées qui suivirent étaient un peu moins drôles, mais Sora n'eut pas le temps de les percevoir dans leur globalité, Lucas ayant chassé lui-même ces idées parasites (il se débrouillait bien le louveteau). La seule chose qu'elle avait capté, c'était quelques émotions étranges de respect et d'affection mêlés qui lui avaient été adressés, et c'était bien assez gênant en soit : elle ne chercherait pas à en savoir plus. Sora n'était pas du type à s'épancher et à avoir des réflexions approfondies sur son rôle un peu maternel au sein de la meute, alors recevoir ce genre de retour avait de quoi la mettre mal à l'aise. Elle faisait ce qu'elle faisait parce que cela devait être ainsi, parce que c'était la meilleure chose à faire. Nulle arrière pensée ne guidait jamais ses actes, seuls la logique, l'instinct et l'impulsion du moment décidaient de ses actions. Son caractère était simple à saisir quand on y pense, la seule chose qui la rendait imprévisible, c'était justement ces impulsions que personne, pas elle-même, ne sauraient prévoir.

Et c'était cette impulsion tout autant que son instinct qui lui avaient dicté ces mots visant à rappeler au louveteau que ces doutes qu'elle savait résider dans un coin de son esprit, n'avaient pas lieu d'être. D'une certaine façon, elle avait eu les mêmes à sa transformation, bien qu'ils aient été masqués par des préoccupations plus vives de vengeance et de désespoir, et rapidement balayés par l'assurance d'Enzo : les rôles étaient aujourd'hui inversés et Sora répétait sans vraiment s'en apercevoir les mêmes principes que son Alpha seize ans plus tôt. En suivant ces traces, elle avait la certitude de savoir à peu près où elle mettait les pattes.

*Pas de démonstrations dégoulinant de sentiments, par pitié.* bougonna Sora dans un coin de son esprit lorsqu'une déferlante d'émotions de soulagement et de reconnaissance ressenties par Lucas la touchèrent. Ce marmonnement ne se voulait nullement méchant, bien au contraire. L'avantage de ce lien mental était qu'on ne pouvait se tromper sur les sentiments d'autrui. Ainsi, Lucas savait parfaitement que Sora était tout simplement gênée en cet instant, peu habituée à ce genre de choses et ne sachant comment y répondre.

Bien heureusement, Paco revint à cet instant et déposa des vêtements à leur attention, les distrayant de ce sujet embarassant. Sora glissa son museau dans la paume de son frère sous forme humaine, dans un geste affectueux qui voulait se faire excuser d'avoir obligé Paco à jouer le porteur. Il lui offrit un simple sourire en la grattouillant entre les oreilles. A cet instant, Sora sentit instinctivement l'esprit de Lucas s'éloigner du sien en un signe habituel qu'il retrouvait forme humaine. Elle évita donc, pour sa pudeur, de retourner son attention sur lui. Lorsque Paco s'excusa, elle devina que la transformation était terminée et reposa son attention sur la frêle forme du garçon. Il avait déjà meilleure mine que lorsqu'elle l'avait trouvé au début de sa transformation, mais la fatigue ne tarderait pas à reprendre ses droits.

Paco partie, elle se trouva seule avec Lucas, sans moyen de communication avec ce dernier. Elle agita distraitement la queue, attendant patiemment que Lucas lui dise ce qui lui passait par la tête ou prenne simplement congé maintenant qu'il savait comment la retrouver. Lorsqu'il prit la parole en mentionnant une dernière question, elle inclina donc la tête sur le côté pour indiquer qu'elle l'écoutait (quoi qu'elle aurait quelques difficultés pour lui répondre). Lorsque les mots sortirent de la bouche du jeune homme, elle mit quelques secondes de plus que nécessaire pour intégrer la question. Elle ne l'avait pas vraiment prévue celle-là. Sous forme humaine, elle aurait pronbablement pu éclater de rire. Sous forme animale, l'action était un peu plus dure, mais un spécialiste des loups aurait facilement reconnu les signes de son amusement.

Après un court instant de réflexion, elle se décida à prendre également forme humaine. Avec des années d'expérience derrière elle, le processus fut rapide et fluide, son corps sembla se compresser et l'instant d'après elle se dressait sur ses deux jambes, dans une parfaite nudité. Elle se baissa avec grâce pour récupérer la robe noire (tout autre couleur ne survivrait pas à ce traitement) que lui avait apporté Paco, et qu'elle passa par dessus sa tête et laissa glisser sur ses hanches. A la regarder, on aurait pu croire que l'été avait fait place à ce froid mordant. Elle releva alors les yeux sur Paco, et, avec un sourire amusé, répondit :

« Trente-huit ans. » Ne laissant pas le temps au jeune homme d'avaler l'information (difficile à croire quand on avait devant soit le corps d'une charmante jeune femme, certes), Sora se détourna, pivotant sur ses pieds nus, et s'enfonça dans la forêt sur ces derniers mots : « See ya ! »

L’astre lunaire commençais tout juste à arquer sa chute vers l’horizon, alors que le voile bleu d’encre du ciel, commençait à peine à s’éclaircir. L’aube était proche, mais suffisamment loin pour qu’il puisse encore se considérer en nuit. Ou au petit matin. Enfin bref, tout cela pour dire, que les loups se trouvaient toujours dans la clairière qui avait été lieu d’un carnage le soir précédent.

*Pas de démonstrations dégoulinant de sentiments, par pitié.*

Lucas l’avait contempler un moment, avant de détourner la tête sur le côté, un léger sourire canin retroussant ses lèvres. Il savait que ces mots n’étaient pas énoncés avec de mauvais sentiments, leurs liens mental lui traduisait cela. Il tenta de calmer son flot d’émotions, afin de souffler sur le mal aise que cela avait fait naître chez la louve.

Après que Sora lui eut expliquer par de simples mots, comment reprendre forme humaine, Lucas s’appliqua à se concentrer, mettant en pratique les conseils de la louve. Le jeune loup tenta d’ignorer le fait que ses pensées étaient entendues d’un nombre considérable d’esprits - bien qu’une bonne partie d’entre eux aient disparus quelques minutes après sa mutation en loup. Le désagréable sentiment de se sentir ridicule s’insinua en lui et il sentit l’agacement le gagner, jusqu’à ce qui parvienne à l’exclure également de ses pensées. Progressivement, il saisit ce qu’avait voulu dire son aînée, par ‘ processus naturel ‘. C’était comme de réaliser que pour marcher, il fallait placer un pas devant l’autre. Le reste s’enchainait. Toutefois, son manque d’expérience en la matière fit qu’il mit bien plus de temps à repasser à sa stature humaine, que Paco n’en avait eu besoin. Il se retrouva accroupi, dans une position semblable au fœtale. Le jeune homme sentit une légère brise balayer son dos nu et il frissonna. Cela n’avait rien avoir avec une quelconque température, non. Bien qu’il aurait été naturel d’avoir froid alors qu’il faisait à peine plus de - 10 degrés à cette heure. Son corps, bouillonnant, le tenait désormais à l’abri de ce genre d’inconfort. Sa nudité quant à elle, était un tout autre problème. Il sentit une rougeur lui monter aux joues, alors qu’il se redressait. Cette gêne se dissipa néanmoins très rapidement, lorsqu’il réalisa qu’aucun des deux aînés n’y faisait attention, délicate attention. Lucas s’était alors saisis du vêtement que lui avait dégoté Paco et se couvrit. Plus à l’aise désormais, il remercia l’ancien bêta d’un hochement de tête.

Lucas, se décida à poser la question qui momentanément, lui avait traverser l’esprit, alors que sa forme humaine était reprise. Quel âge pouvait bien avoir Sora ? Il ne parvenait pas vraiment à jauger ce point-ci de la jeune femme. Il mit un certain temps à comprendre que sa question avait fait naître une certaine hilarité chez la louve, tout autant que chez son compagnon, dont les lèvres s’étaient étirés, de manière indulgentes. Lucas recula de quelques pas, lorsque la louve commença à muter. Bien plus rapidement que lui. Avec une fluidité remarquable. Et tout autant nue qu’il ne l’avait été quelques minutes plus tôt. Par réflexe, il baissa les yeux vers le sol terreux et ne vit que du coin de l’œil, les mains de Sora se saisir du vêtement que Paco lui avait amené, avant de disparaitre de son champ de vision. Il ne releva les yeux que lorsqu’il fut sur de ne pas faire face à la pudeur de la louve et ce qu’il découvrit le laissa penaud. Une magnifique jeune femme à l’aura exotique se tenait devant lui, les fossettes creusées par un sourire :

« Trente-huit ans. »

Avant qu’il n’ait pu esquisser le moindre geste, la jeune femme avait rejoint Paco, à l’orée du bois et lui adressait quelques derniers mots en guise de salut. Avant de disparaitre telle un mirage, à travers la barrière de tronc d’arbres. Lucas se retrouva seul au milieu de la clairière, à demi nu. Un sourire aux lèvres, bien que stupéfait. Comment pouvait-on avoir trente huit ans et posséder le corps d’une jeune adulte ? Il s’en fichait comme de l’an quarante, mais n’hésiterait pas a poser la question, dès que l’occasion se présenterait. Sans un regard accordé au corps de son père et encore moins à la camionnette, Lucas marcha à bonne allure sur ses pas, n’ayant aucun mal à retrouver son chemin. Ses sens canin étaient apparemment conservés sous forme humaine, utile.

Sourire toujours aux lèvres, il s’enferma chez lui, se laissa choir sur le sofa, ses jambes dépassant l’accoudoir. « See ya Sora » dit-il en fermant les yeux, paisible.

END TOPIC

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