Waiting for HER prince charming [Nathan]

Sora passait peu de temps dans la ville d’Hanover même. Elle y venait majoritairement pour fournir l’épicerie, accompagnée ou non de sa tante. Elle faisait toujours les mêmes voyages redondants dans le vieux pick-up familial et s’intéressait peu aux attractions qu’offrait une si grande ville. Seule la bibliothèque, le centre commercial et les restaurants étaient dignes d’intérêt lorsqu’elle faisait l’un de ses rares tours express dans cet amoncellement d’immeubles grisâtres. Elle avait besoin d’espace, de verdure, et de solitude. Tout ce qu’elle ne pouvait pas trouver ici. Et pourtant, Hanover avait quelque chose à lui offrir aujourd’hui. Quelque chose qui lui appartenait devrait-elle même dire, et dont l’appel lancinant et omniprésent ne l’avait pas lâché depuis plusieurs jours.

Depuis qu’elle l’avait rencontré à l’épicerie, la semaine précédente, Nathan Lancaster refusait de quitter ses pensées et de la laisser en paix ! Et ce n’est pourtant pas faute d’avoir lutter. Mais depuis qu’elle avait parlé à Enzo et mis au clair leur propre relation, sa culpabilité envers lui avait diminué, laissant d’autant plus de place à son… attirance pour Nathan. Et que c’était pénible ! La veille, elle s’était tellement laissée emporter par ses pensées à son propos qu’elle n’avait même pas remarqué quand Aquene lui avait parlé pour lui demander un service. Il avait fallu trois appels pour qu’elle sorte de cette ‘transe’ et sa tante l’avait regardé avec de grands yeux confus. C’était profondément humiliant.

C’est à ce moment là qu’elle avait décidé que cela ne pouvait plus durer. Il fallait qu’elle le voit. Elle savait bien qu’elle n’avait pas le choix de toute façon, reculer l’échéance ne faisait qu’aggraver son cas : tout ce qu’elle allait y gagner c’est être internée par sa tante en hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, elle avait donc laissé l’épicerie à sa tante – qui n’avait été que trop ravie que sa nièce lunatique faisant fuir les clients aille végéter ailleurs. Elle avait passé en tout une demi-heure à se préparer – ce qui était deux fois plus qu’en temps normal – et elle était monté dans son pick-up.

Elle avait commencé par s’occuper de toutes les corvées à son programme : passage par les livreurs, la banque, la poste… puis, voyant qu’il lui restait du temps et refusant de poireauter inutilement, elle avait fait un crochet par la bibliothèque, suivi du centre commercial où elle avait – pour une fois – fait plus que jeter un coup d’œil aux vitrines. Elle s’était même achetée une robe ! Sa tante pourrait marquer ce jour d’une croix sur le calendrier et se demander encore une fois ce qui se passait dans la tête de sa nièce en ce moment. Une fois ces emplettes entassée dans sa voiture, elle avait pris la direction du commissariat. A l’horloge de la ville, les aiguilles affichaient 11h42. Acceptable.

Elle monta les quelques marches menant à l’entrée du commissariat. Elle jeta un coup d’œil derrière les portes vitrées. C’était bien la première fois qu’elle venait ici. Ses problèmes, elle les réglait toujours toute seule. Etant en avance, elle prit le parti d’attendre calmement, comme la personne digne et patiente qu’elle était… même si son petit cœur faisait boum-boum comme une batterie de rock. Qu’il se la ferme celui-là. Elle s’assit donc sur le parapet, croisa les jambes, glissa les mains dans les poches de son manteau, et laissa son regard se promener sur les passants.

Alors qu’ils se pressaient sur les trottoirs, tenant les pans de leurs manteaux autour d’eux, resserrant leurs écharpes autour de leur cou, frottant leurs mains gantées pour se réchauffer, Sora sentait à peine le froid de l’hiver et la morsure du vent. Elle avait enfilé un jean noir moulant et de hautes bottes en cuir sombre, ainsi qu’une chemise blanche légère, une veste à manches courtes cintrée et un très long manteau noir peu épais – pour la frime et pour faire ‘semblant de’. Aucune écharpe, aucun bonnet, aucun gants. Distraitement, elle remarqua qu’elle n’était pas la seule, et un reniflement lui fit froncer le nez. Un regard rouge sang lui renvoya son regard dégoûté. Celui là, il avait bien de la chance qu’elle ait d’autres plans, où elle l’aurait suivi pour savoir où cette vermine se planquait, histoire de lui régler son compte plus tard.

Distraitement, elle réalisa qu’elle ne savait même pas si Nathan avait des horaires de travail normaux, et donc une pause déjeuner, et s’il passait sa pause à l’extérieur, et s’il passait par la porte d’entrée principale, et s’il bossait aujourd’hui, et… Et puis de toute façon, on s’en fout, elle l’attendrait jusqu’à demain matin s’il le fallait, elle était pas pressée… ou juste un peu… de le voir… La prochaine fois, elle lui demanderait son adresse et son numéro, ce sera plus simple. Elle aurait peut être dû demandé à Jacob celui de Silver ? Mouais, la bonne blague, elle qui détestait déjà le téléphone, c’est sûr qu’elle se verrait bien appelé Silver pour lui demander le numéro de son meilleur ami alors qu’elles se connaissaient à peine et Nathan encore moins. Pas besoin que la jeune femme la prenne pour une tarée avant de savoir qu’elle se transformait en louve à volonté hein.

Sinon y avait l’annuaire… Mouais… Mais ils venaient d’arriver en ville non ? Bof. Tant pis. Elle camperait devant le commissariat jusqu’à ce que Nathan la remarque. Elle avait son téléphone portable, quand Enzo ou Aquane commenceraient à se poser des questions, ils l’appelleraient. Elle pourrait les rassurer et leur dire qu’elle n’était pas encore assez folle pour l’enfermer… Enfin, c’est ce qu’elle pensait, mais sait-on qu’on est fou quand on a perdu la raison, mh ? Il était légitime qu’elle se pose la question vu l’avancement de l’infection qui rongeait ce pauvre petit cerveau soumis à la pression de l’impregnation. Et encore, peut être bien que ce serait le cœur qui lâcherait le premier finalement…

Elle en était là de ses réflexions lorsqu’une odeur particulièrement agréable vint chasser celle de l’exécrable sang-froid qui avait failli gâter sa bonne humeur. Elle se tourna alors automatiquement vers l’origine de ce charmant parfum et offrit un sourire à Nathan.

« Bonjour. »

La seule et unique chose que Nathan puisse détester autant que les buveurs de sang, c'est son téléphone mobile. Lorsque ce dernier se mettait à sonner intempestivement à une heure trop matinale à son goût. Et lorsque c'est sa collègue au bout du fil, qui lui annonce qu'elle ne pourra certainement pas se déplacer aujourd'hui, parce qu'une grippe tardive la cloue au lit. Pire, lorsqu'elle lui demande de la remplacer d'une voix étouffée, comme une faveur. Oui décidément, il y avait de quoi le mettre de très mauvaise humeur. S'il ne pouvait plus compter sur ses jours de repos, comment pourrait-il gérer les problèmes qui semblaient se presser au pas de sa porte ? Certaines choses étaient bien plus urgentes à ses yeux que l'éclat des sols du commissariat d'Hanover. Silver avait besoin d'être surveillée. Il s'inquiétait énormément à son sujet. Récemment, elle avait prouvé qu'elle était inapte à gérer une situation le mettant en danger. Si elle continuait ainsi, ils finiraient tuer tous les deux. Il n'avait pas de temps à accorder à quelque chose d'autre bon sang. Il finit cependant par accepter, à contre-coeur et mit fin à la communication, après avoir été remercié en un concerto de toussotement aux notes fausses. Le jeune chasseur s'étira dans ses draps et laissa lui échapper un énorme soupir. La nuit dernière, il était rentré tard. Ayant fait une mauvaise rencontre avec un vampire en centre-ville, il avait également fait la rencontre d'une femme singulière. Une chasseuse, répondant au nom de June Evans. Tout cela avait été très intéressant, mais aujourd'hui, il en payait le prix, avec quelques bleus et courbature, mais aussi avec un paquet d'heures de sommeil en moins.

Gêné par son plâtre, vestige de son entrevue avec la louve Koralyne qui avait juré vengeance, Nathan mit un peu plus de temps qu'habituellement à se vêtir. Sans faire un quelconque effort vestimentaire, le jeune homme de ménage enfila un jean sombre et un tee-shirt à manches courtes blanc, par-dessus duquel il enfila un polo qui lui tiendrait chaud par cette météo glaciale. N'abandonnant pas sa veste en cuir, il quitta l'appartement sans bruit, après avoir rapidement bu un café. À bord de sa voiture, il avait conduit prudemment de sa main valide, jusqu'au commissariat. Cette journée serait longue et ennuyeuse. Comme les autres. Soupirant, le jeune homme s'engagea dans l'établissement judiciaire.

Comme prévu, la matinée avait été longue. En arrivant, il avait d'abord dû expliquer à son bouché de supérieur, les raisons de sa présence, et les raisons de l'absence de sa collègue. Compter bien un bon quart d'heure. Ensuite, lorsque tout avait été tiré au clair, son "patron" l'avait envoyé se changer. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi il devait porter cette chose. C'était comme une tenue de ski bleue marine, mais faite d'un tissu très épais. À vrai dire, ça ressemblait finalement plus à ce que portait les mécaniciens. Parfaitement inutile dans sa situation, mais exigée par son boss. À peine avait-il entamé son tour, accompagné de sa fidèle serpillère, il était déjà mort de chaleur. Il comprenait un peu mieux comment sa collègue avait bien pu attraper la mort. Hochant la tête avec désapprobation, Nathan avait continué son parcours. À dix heures, il avait abandonné son balais, afin de mener le chariot à travers les allées de bureaux, servant un café et une collation à chacun. Alors que la pause de midi arrivait à grands pas, le chasseur s'était attaqué aux tâches des vitres du rez-de-chaussé. Malgré les regards assassins de Ted, le patron de l'équipe ménagère, Nathan avait retiré le haut de la combinaison, et ce dernier pendant avec négligence à sa taille. Afin d'ignorer plus ostensiblement Ted, Nate se mit à siffler un air avec un air légèrement insolent, avant de poursuivre sa tâche. Il abaissa une nouvelle fois la raclette, il aperçu au dehors, quelque chose, ou plutôt quelqu'un ... qui le glaça d'effroi. Ou plutôt, le fit se tendre. Sur la gauche près du parking, alors que de nombreuses personnes circulaient, il remarqua l'immobilité d'un être à la peau de glace et aux yeux rouges sanguins qui fixait un point face à lui. Il n'eut guère le temps d'effectuer le moindre geste, le buveur de sang s'était déjà retiré.

« Je prends ma pause » annonça t'il sans prendre en compte l'avis de son supérieur.

Nathan sortit du bâtiment avec précipitation. Il était hors de question que cet assassin court les rues. Bien entendu, il ne pourrait pas le prendre en chasse, mais il désirait retenir ses traits. Peut-être pourrait-il le retrouver plus tard, ou au moins le reconnaître s'ils se recroisaient. Cependant, tout humain qu'il était, il fut surpris par une rafale de vent glaciale qui vînt agité son tee-shirt perlé de sueur; et lui fit rentrer la tête dans les épaules et claquer des dents. Une petite voix dans sa tête, raisonnable, lui dicta de retourner immédiatement à l'abri de l'hiver, dans l'établissement chauffé où il ne craindrait pas d'attraper un rhume. Cependant, ignorant cette voix à contre-cœur, il s'avança un peu plus, et son regard parcouru la foule, à la recherche de l'immortel. Cause perdue. Au bout d'un instant, il finit par abandonner. Il recula de quelques pas et :

« Bonjour. »

Il sursauta aussi violemment que si quelqu'un avait vicieusement glissé une boule de neige dans son dos. Il se retourna d'un bon quart de tour afin de déterminer l'identité de la personne qui s'adressait à lui, et soudainement, ce fut comme si une bulle s'était créée autour de lui, et le réchauffait de l'intérieur de son torse. Il découvrit alors, la charmante Sora Kimama, orfèvre à la Réserve des Winnipesaukee ... dont il était complètement ...transi depuis leur rencontre quelques temps plus tôt. Il était relativement étonné de la croiser ici. Peut-être étais-ce parce qu'il avait d'abord cru qu'elle restait comme les autres indiens, sur le territoire des Winnipesaukee. Ou tout simplement parce qu'il ne s'attendait pas à la recroiser en ville. Le hasard avait précipité une rencontre qu'il tentait de se résoudre à effectuer dans les jours à venir, sans parvenir à se décider. Comme quoi, le "destin" possédait un minimum de sens de l'humour.La même petite voix dans sa tête l'interrogea sur les raisons de la présence de la jeune femme à Hanover, mais il se sentait presque ... gaga. C'était pathétique de devenir aussi crétin lorsqu'elle se trouvait dans un rayon de cinq mètres ! Les rouages de son cerveau mirent un temps avant de se re-huiler et un sourire étira les lèvres du jeune homme :

« Sora ! Mais qu'est-ce que vous faites par ici ? Un problème judiciaire ? » demanda t'il, en indiquant l'enseigne du commissariat d'un mouvement de tête, alors que ses sourcils se fronçaient soudainement.

Cela aurait-il paru égocentrique d'espérer qu'elle ne fut présente ici, uniquement pour lui ? Très lentement, il s'enfonçait profondément dans le grotesque. Ce serait-il vu qu'il se serait fait à lui-même pitié. Elle brouillait tout simplement ses capacités à réagir normalement. Et à l'instar de leur première rencontre, il passait pour un parfait zigoto.

« Je suis désolé » déclara t'il avec une mine d'excuses « J'oublie un peu mes manières. Je peux vous inviter à boire un café ? Ou mieux, à déjeuner ? »