Insane Game | Sovan

Insane Game

feat. Irina Denali && Sovan Yevgeny

« Je crois que je vais encore un peu traîner par ici avant que le soleil se lève… »

« Je vous rejoins à la villa à l’aube, ne vous en faîtes pas pour moi, je sais me défendre ! »

Il faut dire que depuis que les Volturi avaient attaqué la famille Cullen, ces derniers s’interdisaient toutes promenades en solitaire dans les environs d’Hanover. Le traumatisme de cette bataille était encore bien présent dans leur esprit et cela pesait sur l’ambiance à la villa. Tanya n’avait aucune envie de rentrer et d’être assommée par les angoisses inavouées de ses alliés. C’est avec une certaine contrariété que ses deux hôtes regagnèrent leur demeure, et la laissèrent seule dans la forêt. L'autorité naturelle qui se dégageait des propos de la chef du clan des Denali n’était pas aisément contestable. Tanya attendit quelques secondes, puis décida de s’enfoncer dans les sous-bois de la réserve Winnipesaukee, qui avait été son terrain de chasse de la soirée.

La nuit était très claire pour un mois de février, et la lune donnait à l’épaisse couche de neige des reflets argentés. La vampire arpentait les sentiers déserts en savourant cet instant de solitude. Depuis qu’elle avait décidé de venir en aide à Carlisle et à sa famille, un mois auparavant, les occasions qu’elle avait eu de se retrouver seule se comptaient sur les doigts d’une seule main. A la villa son grand ami la sollicitait très souvent pour lui confier ses angoisses à propos des italiens ; régulièrement, Alice la faisait courir de boutiques en boutiques, si bien qu’elle commençait à connaître le centre commercial d’Hanover comme sa poche ; enfin, sa présence était énormément recherchée par Kate, et toutes deux s’inquiétaient beaucoup du comportement fuyard de leur jeune sœur Irina.
Oui, ce séjour à Hanover ne laissait pas beaucoup de possibilités à Tanya pour satisfaire ses envies de solitude. C’est pourquoi elle était bien décidée à tirer profit des deux heures qui la séparaient du lever du soleil.

Ses pas la conduisirent au devant d’une clairière qui empestait l’odeur lupine. Cela n’avait rien d’étonnant car la vampire foulait les terres des indiens Winnipesaukee, mais l’endroit lui était fort agréable et elle décida de s’y prélasser un moment. Une chance qu’elle n’ait pas besoin de respirer et que retenir son souffle n’ait aucune conséquences pour l’immortelle qu’elle était. C’était dans ce genre de moments qu’elle était fière d’être une vampire et qu’elle remerciait Sasha de l’avoir transformée. Elle était sur le point de ressasser ses vieux souvenirs quand un cri de frayeur perturba le calme de la nuit. Il était si soudain et si déchirant que Tanya ne put s’empêcher de sursauter avant de mettre ses sens vampiriques en éveil. Presque à contre-cœur elle huma l’air et reconnut la fragrance délicieuse du sang humain dont elle avait appris à se détourner, puis celle de l’un de ses congénères. Le vampire qui s’amusait à chasser l’humain sur le territoire des loups était soit suicidaire, soit inconscient de l’existence de l’espèce. Nul doute que les Winnipesaukee avaient du entendre les hurlements de la victime et étaient déjà en chemin, à l’instar de Tanya. Car cette dernière avait décidé de s’approcher de l’endroit où elle avait entendu le cri. Il ne lui fallut qu’une poignée de secondes pour parcourir les quelques centaines de mètres qui la séparaient du vampire et du malheureux humain qui avait croisé sa route. Dissimulée derrière un buisson, elle porta un regard blasé sur le sang qui s’était écoulait de la morsure que le mortel avait au cou, et elle se rendit compte qu’il s’agissait en fait d’une mortelle, aux longs cheveux bruns.
Son bourreau avait laissé son cadavre, complètement exsangue sur le sol neigeux. Il tournait le dos à Tanya, mais allait sans doute bien vite s’apercevoir de sa présence.

« Seriez-vous suicidaire ou justement complètement fou ? Savez-vous que vous vous trouvez sur le territoire des chiens et qu’ils doivent sûrement être à votre recherche ? Je vous conseille de déguerpir sans plus tarder ! »

Elle espérait que son acolyte lui emboîterait le pas. Contrairement aux Cullen, Tanya et ses sœurs ne nourrissaient aucune hostilité à l’égard des vampires avides de sang humain, puisqu’elles s’en étaient elle-même nourries pendant de longs siècles.

Encore une nuit ordinaire parmi environ 202 940 autres. Avaient-elles encore un semblant de goût pour ce vampire à la moitié du millénaire ? La réponse était toute simple : oui. Parce que Sovan avait l'existence dont il avait à peine osé rêver étant humain. Une vie éternelle, libre de toute contrainte, et dotée d'une puissance qu'il était difficile d'égaler. Chaque jour, il appréciait sa nouvelle nature, plus si nouvelle que ça, d'ailleurs, puisque cela faisait un peu plus de 527 ans qu'il était un vampire.
Parcourant les forêts de ce nouveau lieu à explorer, Sovan était également à la recherche d'un petit met à se mettre sous la dent. Il ne s'était plus nourri depuis deux jours et pour lui, cela relevait de l'exploit. Généralement, il ne passait pas un jour sans tuer un humain pour le vider de son sang, ce liquide rouge et chaud bien trop agréable pour être évité plus d'un jour. Autant dire qu'il avait tué, dans son existence longue et paisible, de nombreuses personnes. Ce soir-là ne ferait pas exception, il était bien décidé à se choisir une victime de qualité à l'odeur lui faisant frémir les narines. Mais il n'avait pas encore trouvé. Aussi errait-il depuis plusieurs heures déjà à la recherche de la jeune femme parfaite. Oui, il voulait une femme. Il les préférait aux hommes, peut-être cela avait-il un côté sexuel, peu lui importait réellement, mais leur sang avait généralement plus de goût selon lui. Ce soir, il voulait une femme jeune et jolie, qu'il prendrait plaisir à tuer et dont le sang l'abreuverait d'une manière presque malsaine. Il n'avait plus bu depuis deux jours, cela méritait une victime de choix.

En fin de journée, il trouva la victime parfaite. La vingtaine, brune, mince, jolie et élancée, elle serait exactement ce dont il avait besoin. Usant de son pouvoir, il la vida de toute positivité, et eut ce qu'il attendait d'elle : qu'elle se réfugie seule, déprimée, dans les bois en pleine nuit. Il mit un certain temps cependant à y arriver. La veille, il avait usé et usé de son pouvoir, mais la belle ne se décidait pas à quitter sa maison, et il n'avait aucune envie d'y entrer. Il devait rester caché et ne voulait pas se faire remarquer. Il dut recourir à plusieurs ruses afin de l'amener à sortir : coups de téléphone répétitifs, manipulation... quand enfin, elle se décida, les nerfs à vifs, l'esprit complètement vide d'émotions positives. Elle allait être savoureuse, il le sentait.
Alors qu'il l'observait, là dehors, seule dans les bois, à se morfondre sur sa petite existence malheureuse – du moins le croyait-elle grâce à lui -, Sovan eut un flash tout droit venu de son passé. Tout à coup, au lieu de cette jolie jeune femme, il vit sa sœur. Celle-là même qu'il avait, elle aussi, vidée de son sang. Il se revit, les yeux révulsés, la peau pâle, son regard rouge et vide, courant vers il ne savait où, ne sachant plus qui il était, tout à coup. Il avait souffert le martyr pendant il ne savait combien de temps, et jamais personne n'était venu s'occuper de lui. De toute façon, il était bien trop tard.
Une odeur l'avait saisi alors, une odeur comme il n'avait jamais eu l'occasion d'en sentir, parfumée, sucrée et tendre, si attirante qu'il ne pouvait plus penser qu'à cela. Une odeur de sang, une odeur d'humain. Cette odeur l'avait envahi tout entier, jusque dans son esprit, et il avait été possédé par elle. Après toutes ces années, il en était venu à la conclusion que cette odeur l'avait particulièrement attiré parce que c'était une odeur qu'il connaissait déjà, ce qui avait fait le malheur de sa pauvre sœur. Il avait couru en sa direction, sachant parfaitement, grâce à son instinct, où elle était. Et lorsqu'il l'avait vue, sentie, il n'avait pas attendu. Il avait bondi et avait saisi sa gorge sans une ombre d'hésitation. Il n'aurait pas pu se retenir, il le savait fort bien, il n'était qu'un tout nouveau-né à l'époque, pourtant jamais il ne pourrait effacer cette vision d'horreur. Il l'avait sauvagement tuée, s'abreuvant de son sang de manière peu propre. Et il l'avait abandonnée là, comme un vulgaire animal, dans une ruelle, sur une petite place. Elle était morte seule, des mains de son propre frère.

Le flash s'estompa et Sovan vit à nouveau la jeune femme brune se morfondre dans la forêt de Hanover, bien loin de là. Ses traits se durcirent. Si au fond de lui tous ces souvenirs le hantaient, il ne les laissait jamais venir. C'était sans doute pour cela qu'ils arrivaient subitement, sans qu'il ne puisse rien contrôler. Mais au lieu de s'apitoyer et souffrir de ce qu'il avait fait, il avait choisi de se battre et d'être fier, du moins essayait-il de s'en convaincre, d'avoir fait ce qu'il fallait en tant que vampire. Depuis plus de 500 ans maintenant, il se convainquait qu'il n'y avait pas d'autres issues possibles, que tuer sa sœur était dans sa nature et qu'il en était de même pour ses parents. Il ne voulait pas regretter, sans quoi il aurait l'éternité pour se morfondre, à l'instar de la jeune femme qu'il s'apprêtait à tuer. Au lieu de cela, il avait choisi une éternité de bien-être et de liberté. Pas de regrets. Pas de remords. Pas d'inquiétudes. Sovan avait fait les bons choix, et se foutait d'avoir tué une partie de sa famille. De toute façon, depuis le temps, ils étaient tous morts, quoi qu'il en soit. Un peu avant ou un peu après, ça ne changeait pas grand chose. Et eux au moins avaient su ce qu'il était devenu.

Satisfait d'avoir chassé ce flash plutôt rapidement, contrairement à d'autres fois, il se concentra à nouveau sur sa victime. Poussant un petit soupir aussi inaudible qu'inutile, il se décida enfin et bondit simplement sur la jeune femme, qui poussa un cri de terreur. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre. Il lui saisit la gorge et la lécha, tandis que la brunette tremblait dans ses bras. Il émit un petit rire en imaginant l'adrénaline qui parcourait ses veines, et enfonça doucement ses dents dans sa chair. Le venin parcourut son corps mais il ne le laissa pas vraiment faire, aspirant avec beaucoup d'avidité le sang qui disparaissait peu à peu de la demoiselle. Il se reput ainsi assez rapidement, après quoi il avait bien l'intention de se trouver une nouvelle petite victime, sans trop faire le difficile cette fois, mais il n'en eut guère l'occasion. A peine son repas terminé qu'une odeur lui parvint aux narines, parmi l'odeur de sang qui envahissait les lieux. Un vampire. Le corps sans vie de la jeune femme gisait à ses pieds, sans trop de classe, ce qu'elle ne méritait de toute façon pas.
La vampire, puisqu'il s'agissait d'une femme, ce qui ravit le prédateur d'ailleurs, s'adressa à lui, lui demandant s'il était suicidaire ou juste complètement fou. Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Sovan tandis que la jeune femme lui expliquait qu'il se trouvait sur le territoire d'une meute et qu'ils n'allaient pas tarder à le trouver. Elle lui conseilla de déguerpir et fila sans attendre de réponse. Elle semblait presque amusée, ce qui intrigua le vampire aux yeux rouges. Il avait à peine eu le temps de la voir, et n'avait donc pas remarqué ses yeux ambrés. Mais elle lui avait semblée jeune, du moins en apparence, son âge véritable ne pouvait se traduire en termes physiques.

Sovan se décida à la suivre après quelques secondes, plus intrigué que décidé à écouter ses conseils. Il la retrouva rapidement un peu plus loin, et s'arrêta à sa hauteur. Un joli brin de fille, qu'il ne tarderait sûrement pas à goûter de manière plus intime, il en était persuadé. Elle était à son goût et il parviendrait plus que certainement à la faire tomber sous son charme.
Il s'avança et constata alors ses yeux, non d'un rouge sombre comme les siens, mais d'un doré remarquable. Surpris, il ne put détacher son regard d'elle pendant quelques instants, et se sentant menacé par cette étrangeté, appliqua immédiatement son pouvoir, comme une manière de se défendre. Cela n'avait rien de très protecteur, mais au moins il avait en quelques sortes le dessus, puisque son adversaire n'avait plus aucun optimisme. Se renfermant, il siffla et resta à distance.

Qui es-tu ? Pourquoi tes yeux sont-ils dorés ? Tu es une hybride de je ne sais quoi ? Et pourquoi tu es venue me prévenir ! Je croyais que les vampires n'aimaient pas les loups et vice-versa ! Pourquoi prendre un tel risque ? cracha-t-il avec hostilité.

Lorsqu’ils arriveraient sur les lieux et qu’ils découvriraient le cadavre de la jeune femme, les lycans se lanceraient à la recherche du vampire responsable de sa mort. S’attaquer à un être humain, et à fortiori sur le territoire des Winnipesaukee était un viol manifeste du traité qu’Enzo Greenwood avait établi avec Carlisle Cullen ; et Tanya n’avait aucune envie d’être associée, de près ou de loin, à cet homicide. Ce n’était pas tant qu’elle redoutait de finir déchiquetée sous des crocs lupins, ce qui l’inquiétait surtout était de briser l’entente fragile qui régnait entre ses alliés et les loups-garous. Carlisle avait déjà suffisamment d’ennuis à gérer avec les italiens – c’était d’ailleurs pour cela qu’il avait demandé de l’aide aux Denali – elle n’allait pas lui en rajouter davantage en détruisant l’alliance qui lui avait sauvé la mise lors de la bataille contre les Volturi.

Elle courait d’un pas véloce, tentant de se frayer un chemin parmi ces arbres, qui avec le concours de la nature, avaient poussé de façon totalement anarchique. Elle voulait mettre le plus de distance possible entre elle et le cadavre de la femme qui gisait sur la couverture neigeuse, à plusieurs kilomètres en arrière désormais. A aucun moment, la vampire ne s’était retournée pour vérifier si elle avait été suivie. Elle le savait ; son odeur l’avait accompagnée depuis qu’elle s’était enfuie de la scène du crime. La fragrance qui se dégageait de ce mâle avait une saveur forte et boisée, plutôt agréable à l’odorat. Tanya n’avait pas eu l’occasion de voir le visage de celui qu’elle avait mis en garde, elle était incapable de juger de son charme, mais elle se sentait comme attirée par son parfum.

Elle refoula cette attraction pour se concentrer sur sa course. Plus que quelques centaines de mètres, et elle atteindrait la lisère du bois. Elle serait techniquement immunisée du courroux des Winnipesaukee, qui éviteraient de se montrer sous leur forme animale dans un endroit fréquenté par des humains on ne peut plus ordinaires. Si proche du but, ses pas redoublèrent en intensité, mais un obstacle en plein milieu de son chemin la fit stopper net. Le vampire était parvenu à sa hauteur et posa ses yeux vermeils sur elle avec gravité. Instantanément, elle sentit vidée de toute pensée positive. C’était comme si son optimisme venait de la quitter pour toujours. Il avait laissé à la place un trou béant dans lequel des émotions tourmentées étaient en train d’affluer. Le vampire assomma ensuite Tanya d’une avalanche de questions. Elle ne lui répondit pas tout de suite, car tout ce qui avait retenu son attention était le ton brutal qu’il avait utilisé pour s’adresser à elle, et cela était loin de lui plaire.

Se sentant agressée elle riposta d’un comportement défensif. Son regard s’entacha de haine, ses lèvres se retroussèrent et dévoilèrent une rangée de dents aussi blanches que la neige, parfaitement alignées. Un grognement bestial remonta de sa gorge, et elle se rua sur le vampire, contre lequel elle se huerta violemment. L’écho du choc de leurs deux corps se répercuta dans les sous bois, et la violence de l’impact eu pour conséquences de projeter Tanya de plusieurs mètres en arrière, contre un tronc arbre. Elle s’effondra dans l’épaisse couche de poudreuse au sol en pestant contre son « agresseur ».

« Je ne suis pas une hybride pauvre abrutit ! J’ai juste une façon de me nourrir différente de la tienne ! » s’écria-t-elle en se relevant, et en s’ébrouant de la neige qui s’était emprisonnée dans sa longue chevelure vénitienne. « Je suis venue te prévenir pour t’éviter de finir déchiqueté sous les crocs clébards. Sauf que je suis certaine que maintenant ils n’auront plus aucun mal à retrouver notre trace et tout ça c’est de ta faute ! Et si nous arrivons à nous en sortir, ne t’avises plus jamais de t’adresser à moi sur ce ton ou bien c’est moi qui te déchiquetterait ! » elle lui adressa un regard meurtrier.

Elle devait tout de même reconnaître qu’il s’agissait d’un très bel homme, plus âgé qu’elle en apparence. Tanya avait toujours été une grande séductrice, même de son vivant. Avant de découvrir le régime végétarien, elle s’était délectée de vider de leur sang ses nombreux amants, un peu comme à la manière d’une mente religieuse. Depuis qu’elle ne se nourrissait que d’animaux, elle se complaisait à collectionner les aventures sans lendemain avec les autres vampires qui croisaient sa route. Celui-ci aurait très certainement pu faire partie de son tableau de chasse s’il l’avait traitée avec la déférence qu’elle méritait. Dommage pour lui, il venait de louper le coche en lui aspirant toutes ses émotions positives et en la provoquant par la suite.

Un traité entre loups et vampires ? Pour quoi faire ? N'étaient-ils pas censés être ennemis ? Pour peu que Sovan ait été au courant de ce traité, il n'en avait rien à faire. Peu lui importait de violer tel ou tel traité passé entre des ennemis naturels. Il était un vampire, il se nourrissait quand cela lui prenait, et sur qui il désirait. Comme s'il était le genre de vampire à faire des concessions ! Il vivait depuis plus de 500 ans – au sens littéraire du terme cependant – et n'allait certainement pas commencer à s'embarrasser de règles stupides et ennuyeuses.
De toute façon, il n'était pas au courant de toute cette histoire, ignorant même l'existence des vampires végétariens, ce qu'il n'allait toutefois pas tarder à apprendre. Mais les loups n'étaient pour lui que des ennemis de nature, et il n'avait jamais cherché à les combattre, pour la très bonne raison qu'il devait la vie – en tant que vampire – à l'un d'eux. Si ce loup ne l'avait pas arraché aux dents de son créateur, il serait mort, à l'heure qu'il est. Il était bien évidemment conscient que tout cela n'avait jamais été intentionnel de la part du loup, mais les choses étaient ainsi : il devait la vie éternelle à l'un de ses ennemis, et il ne comptait pas de battre contre eux. Il ne le ferait qu'en cas de nécessité.

Quoi qu'il en soit, il n'avait jamais eu la chance, jusque là, de rencontrer l'un de ces loups. Toujours d'une grande prudence, Sovan était un solitaire et chassait de manière discrète. De plus, il ne restait que rarement au même endroit et n'avait donc jamais eu à se tracasser d'être traqué. Certes, il avait prévu de rester ici plusieurs jours, voire plusieurs semaines, mais rien ne l'empêchait d'aller camper ailleurs si les ennuis s'amassaient. Alors pourquoi s'encombrerait-il de règles dont il n'avait que faire ? Balivernes ! Sovan n'avait plus fait de concession depuis plus de 500 ans, il n'allait pas recommencer ici pour les beaux yeux dorés d'une vampire étrange, aussi joli cela soit-il sur sa peau diaphane.
Qu'importe donc, traité ou pas, il n'en faisait pas partie, il était un vampire carnivore. Chasser sur ou en dehors du territoire des loups ne changeait rien : il serait traqué s'ils venaient à découvrir sa trace. Et ensuite... il verrait bien où cela le mènerait. Il n'allait tout de même pas s'arrêter de se nourrir par peur ou par respect !

La jeune femme n'avait pas l'air d'apprécier la présence de ce vampire sur son chemin. Pourtant, c'était bien elle qui était venue à lui, qui l'avait interrompu et lui avait conseillé de la suivre... pourquoi maintenant se sentait-elle offusquée qu'il ne soit guère content d'être coupé en plein repas ? Lèvres retroussées et grondements sourds sortant de sa gorge, elle n'avait pas l'air contente, c'était certain ! Elle ne tarda pas à foncer sur lui de toutes ses forces, grognant comme un animal. Leurs deux corps s'entrechoquèrent et le bruit que cela provoqua se répercuta dans la forêt. La vampire rebondit en arrière et alla se heurter contre un arbre, tandis que Sovan tombait en arrière, lui aussi, à plusieurs mètres de là.
Tandis qu'elle se relevait, elle lui cria qu'elle n'était pas une hybride, le traitant au passage d'abruti, et expliquant qu'elle se nourrissait simplement d'une façon différente. Décontenancé, Sovan n'eut rien à répondre sur le moment. Se nourrir différemment ? Comment cela ? Ça voulait dire quoi, exactement ? Un vampire n'avait pas trente-six mille solutions, après tout... Fronçant les sourcils, il se releva à son tour, chassant la neige qui était éparpillée sur lui, et revenant vers elle.

Continuant de pestiférer, elle lui dit qu'elle était venue dans le but de lui éviter de se faire déchiqueter. Sovan ne put empêcher le petit ricanement de surprise sortir de sa gorge. Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire, au juste ? Depuis quand les vampires se souciaient des autres ? Depuis quand se surveillaient-ils les arrières les uns les autres ? Il ne vivait pas en clan, il n'avait personne qui se souciait de lui, pourquoi elle était-elle venue s'en mêler ? Surtout pour s'en énerver après coup, c'était le comble !
Elle l'accusa d'être la cause de leurs futurs ennuis parce que les loups allaient les retrouver, et le menaça de le déchiqueter s'il lui parlait sur ce ton encore une fois. Cette fois, Sovan ricana pour de bon. Croisant les bras, il afficha une attitude du « Ça y est, t'as fini » qui en disait long.
Elle était plutôt jolie, quand elle était en colère. Son petit regard meurtrier était bien craquant, et tout et tout, n'empêche, elle avait un sale caractère ! Le genre de bonne femme qui ne devait pas être facile à vivre tous les jours ! Heureusement pour lui, Sovan ne s'encombrait jamais de ce genre de spécimen... Seul, toujours. La compagnie ? Pas plus de quelques heures, voire quelques jours.

S'avançant doucement, faisant craquer la neige sous ses pas, il pencha la tête légèrement de côté, l'air provocateur et mesquin.

Il semblerait que tu n'aies pas répondu à ma question... Je croyais que les loups et les vampires étaient ennemis. Depuis quand s'arrêtent-ils à un territoire pour chasser du sang froid ?

Affichant un petit sourire sournois, il se mit à tourner autour d'elle, tel un vautour autour d'une carcasse.

Et pour quelle raison aurais-je peur d'eux ? Ils ne m'ont tout de même pas eu pendant plus de 500 ans... ceux d'ici sont plus forts, c'est ça ? Ou bien ils ont un régime spécial, eux aussi ? se moqua-t-il. D'ailleurs dis-moi... c'est quoi ton régime ? Tu ne bois que le sang des hommes peut-être ?

Il se mit à rire de nouveau, un rire presque démoniaque, amusé mais sarcastique.

Au fait, me déchiqueter ? Oublie !

Sovan appuya son pouvoir et une nouvelle vague de désespoir s'abattit sur la vampire végétarienne. Une vague si forte que n'importe qui aurait eu envie de mourir plutôt que de ressentir ce vide. Sovan avait eu le temps de pratiquer et après 500 ans, il maîtrisait son don plutôt bien. Il pouvait aisément réguler l'intensité de ce désespoir et il venait de monter à une puissance terrible. Il perdit son sourire et fonça sur la vampire, la saisissant à la gorge – non pour lui faire mal ou l'empêcher de mourir, mais pour la pousser contre un arbre et la tenir en hauteur.

Ne t'avise pas de me menacer une fois de plus. Ou je peux te jurer que l'envie de mourir qui te prend en cet instant ne sera rien comparé à ce que je suis capable de faire. Supplie-moi donc de t'achever ! dit-il avant de la relâcher brutalement, s'éloignant doucement. Il s'attendait à des représailles, mais seulement quand il l'aurait décidé. Il diminua cependant l'intensité de son pouvoir, laissant à la jeune femme au moins la capacité de répliquer.

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