I don't wanna be alone anymore [Rose] [CLOS]

I don't wanna be alone anymore [Rose] [CLOS] 9vdsag

(c) Longmorrow & Love Divin @ LJ
Silver Lehane & Rosalie H. Cullen

« Turn up the light and what are you left with ?
Just scratching around for something to believe in. »

14:38 ; Palisade Commercial Center.

De nombreuses voitures occupaient le parking de cet immense centre commercial. Sur les trottoirs, les gens marchaient vite ou couraient en direction des entrées. La neige tombait sans cesse depuis plusieurs semaines et le vent froid était devenu mordant. Si bien que personne ne traînait dehors. Ce ne serait pas très agréable d'être malade pendant les fêtes ! Ces dernières approchaient dangereusement, d'où le peu de places encore libres sur ce parking pourtant bien étendu. A croire que tout le monde s'était mis d'accord pour acheter ses cadeaux à la dernière minute !

Un klaxon retentit soudain. Une jeune femme, qui avait attendu dix minutes qu'un couple range ses courses pour récupérer leur emplacement, remarqua qu'un autre s'apprêtait à le lui voler. D'un coup d'accélérateur, elle avança afin d'en bloquer l'entrée et appuya sur le volant, faisant comprendre au conducteur qu'elle ne le laisserait pas faire. Un juron s'échappa de ses lèvres et elle attendit que l'autre s'éloigne avant de démarrer la manoeuvre qui la placerait entre les deux voitures d'à côté. Puis, tout en songeant que certains n'avaient vraiment aucune notion de savoir-vivre, elle verrouilla les portières et rejoignit le bâtiment.

Cette brunette au visage d'ange mais au fort caractère se prénommait Silver. Si autrefois son regard exprimait une grande joie de vivre et une gentillesse hors du commun, il n'en était plus rien aujourd'hui... ou presque. Détruite par de récents événements, elle avait perdu toute envie de s'amuser et de profiter de l'existence. Alors pourquoi se trouvait-elle dans un centre commercial en plein après-midi ? La réponse tenait en un seul mot : Nathan. Depuis qu'il était arrivé à Hanover, son ami la poussait à reprendre goût à cette vie qui ne signifiait plus rien pour elle. Il la forçait à reprendre contact avec ses amis et à voir de nouvelles personnes. Souvent, cela se traduisait par des actes plus ou moins insignifiants pour la plupart des êtres humains : faire les courses ou encore boire un verre au café du coin. C'était dans ces moments-là que l'on avait le plus de chances de faire des rencontres.

En cette journée d'hiver, Nate avait trouvé une sorte de nouveau défi pour sa meilleure amie. Ayant appris qu'elle n'avait plus mis les pieds au centre commercial depuis la mort de son frère, et qu'ils s'y étaient rendus ensemble la dernière fois, il voulait changer cela. De son point de vue, la jeune femme ne pouvait pas indéfiniment éviter les coins de Hanover qui lui rappelaient des souvenirs de Jackson. Si elle avait été capable de reprendre ses études, elle pouvait aussi retourner au Palisade. Ainsi, après une longue conversation tournant parfois à la dispute, Nate avait convaincu Silver.

Pour sa part, l'intéressée ne savait pas vraiment quoi en penser. Pour le moment, elle se sentait plutôt énervée contre Nathan parce qu'il ne la lâchait pas d'une semelle, et jouait plus un rôle de psy que d'ami. Mais dans le fond, elle était consciente qu'il faisait simplement de son mieux pour l'aider à remonter la pente. Certes il n'avait aucune idée de la difficulté que représentait ce « retour » au centre commercial, toutefois Silver savait que si elle ne surmontait pas cette obstacle, elle ne réussirait pas à s'en sortir. Et Jax n'aurait pas aimé cela.

Cet endroit était un peu le point de rassemblement des Lehane et de leurs amis. Dès qu'ils voulaient passer un moment ensemble, ils se donnaient rendez-vous au Starbucks du centre, et buvaient un café avant de faire les boutiques ou prendre la voiture pour se balader ailleurs. Ici, il y avait eu des éclats de rire et des regards complices. Des discussions sur leurs études et le futur qu'ils envisageaient. Jackson voulait devenir chirurgien. Sa petite soeur ne connaissait personne de plus altruiste que lui, et elle avait toujours cru qu'il finirait par sauver de nombreuses vies. Il aurait certainement réussi, si on ne lui avait pas ôté la sienne trois mois plus tôt.

Lorsqu'elle fut tout près du Starbucks, Silver jeta un oeil à l'intérieur. Emma et Grace occupaient une petite table près de la baie vitrée. Elle avait connu ces deux étudiantes lors de son arrivée à Dartmouth. Désormais, elles n'étaient plus que des amies qu'elle avait repoussées, refusant leur aide. Sil passa tout droit, sachant que malgré ses efforts, elle n'était pas encore prête à les retrouver. Peut-être plus tard, quand le temps aurait un peu plus apaisé ses blessures. Bientôt, elle bifurqua à gauche et tomba nez-à-nez avec son magasin de vêtements favori. Nate lui avait passé un chèque et demandé de s'acheter quelque chose en guise de cadeau de Noël. Sil n'avait pas envie de fêter Noël, et encore moins la nouvelle année. Mais accepter était le seul moyen pour que Nathan lui fiche un minimum la paix.

La jeune femme passa les portes et jeta un regard circulaire à l'intérieur de la boutique. Apparemment, la collection de cet hiver faisait sensation : il y avait beaucoup de monde. Surtout des filles de son âge, mais l'on trouvait quelques hommes aussi. Certains affichaient un air indécis, se demandant si ce qu'ils allaient prendre plairait à leur épouse, fille ou soeur. D'autres se laissaient guider par des vendeuses aux sourires engageants. N'ayant besoin de personne, Silver commença à flâner dans les rayons. Aujourd'hui, elle portait des bottes qui cachaient en partie un jean de grande marque. Elle avait retiré son manteau pour laisser apparaître une tunique avec des manches trois-quarts et un col bénitier. Une ceinture folk avait été ajoutée comme accessoire.

Silver avait toujours eu l'habitude de prendre soin de sa petite personne. Sa salle de bains était d'ailleurs remplie de produits en tous genres, pour ses cheveux, son visage ou Dieu seul savait quoi d'autre. Sa trousse à maquillage débordait littéralement, tout comme sa penderie. Plaire tout en se faisant plaisir, c'était son péché mignon. Presque aussi important que sa pause guitare journalière. Bien sûr, elle était devenue moins « coquette » ses derniers mois - comme le dirait sa mère - mais Nathan mettait un point d'honneur à ce qu'elle reprenne ses habitudes, et elle n'avait d'autre choix que de se laisser faire. Il ne cessait de lui répéter qu'un jour, elle le remercierait de s'être montré aussi insistant. Au plus profond d'elle-même, elle le faisait déjà. Sans lui, elle en serait toujours à sa routine debout/cours/devoirs/dodo.

Sil quitta le fil de ses pensées lorsqu'elle aperçut un magnifique pull en cachemire. L'hiver n'était pas encore terminé, alors à quoi bon chercher quelque chose de léger ? Si elle devait vraiment acheter un vêtement, autant en choisir un qu'elle pourrait porter tout de suite. En observant mieux le présentoir, la brunette s'aperçut qu'il n'en restait plus qu'un. La fashion victim se réveilla en elle et ses jambes la portèrent rapidement vers l'objet de ses attentions. Mais alors que Silver posait une main dessus, une seconde apparut dans son champ de vision.

C'est bien ma veine, maugréa-t-elle avant de lever les yeux vers sa concurrente.

« Les blondes portent mieux le bleu ! »

« Je vous suggère d’aller tenter votre chance dans les tons rosés de l’autre coté...»

Quelques mois plus tôt encore, Silver passait son temps libre à flâner dans les magasins de vêtements. Elle suivait beaucoup la mode et aimait se vêtir des derniers pulls ou jeans sortis. Tant pis si son compte en banque en prenait un coup, de toute façon elle était assez raisonnable pour savoir quand il fallait s'arrêter. Ainsi, on la complimentait toujours sur ses tenues et elle ne pouvait que rougir de plaisir face à l'envie qu'elle faisait naître dans les yeux de ses amies. Non, elle n'était pas peste et n'appréciait pas particulièrement être le centre de toutes les attentions... Mais le petit côté garce qui sommeillait en elle ressortait souvent à l'occasion des séances shopping. La preuve : durant les soldes d'été de l'année précédente, la brunette avait failli se battre avec une autre fille pour un top aux motifs originaux. Toutes deux avaient mis la main sur le tissu en même temps et aucune ne voulait lâcher l'affaire. Elles avaient fini par se tirer les cheveux en s'insultant copieusement. Deux minutes plus tard, elles s'étaient retrouvées devant les portes du magasin avec la ferme interdiction de revenir. Au final, ni l'une ni l'autre n'avait eu le haut qu'elles convoitaient tant. On ne dirait pas comme ça, mais Silver devenait carrément intenable lorsqu'un vêtement lui plaisait, quitte à utiliser ses poings pour l'acquérir.

Mais les choses avaient changé. Aujourd'hui, Silver ne ressentait plus la même frénésie quand elle se retrouvait dans un magasin de fringues. Au contraire, elle n'était là que parce que Nate le lui avait demandé. Elle n'avait qu'une hâte : trouver un truc qu'elle apprécierait assez pour qu'il ne dorme pas dans son placard une fois acheté, passer en caisse et quitter cet endroit. Le pull en cachemire de couleur bleue qu'elle venait d'apercevoir ferait son bonheur. Néanmoins, la chance ne semblait pas être avec elle en cet instant précis. Comme si l'histoire de l'an dernier refaisait surface, une autre main se posa sur le pull. Silver restait la première à le tenir, mais apparemment elle ne s'en sortirait pas aussi facilement. Levant les yeux, elle eut presque le souffle coupé en apercevant la magnifique blonde qui se tenait devant elle. L'air hautain et dédaigneux, la jeune femme qui ne devait pas être plus âgée que l'étudiante la dévisageait aussi. Ses cheveux blonds cascadaient sur ses épaules, entourant un visage absolument parfait. Sil resta quelques secondes subjuguée par sa beauté, à un tel point que lorsque la nouvelle venue tira sur le pull pour l'attraper, elle n'eut pas le réflexe de le retenir, et il lui échappa.

Les mots qu'elle venait de prononcer lui arrivèrent enfin aux oreilles - ou du moins, son cerveau finit par les analyser une fois le choc passé. L'inconnue venait d'utiliser un ton des plus arrogants pour dire à Silver que les blondes portaient mieux le bleu. Avant de l'envoyer vers la couleur rose... Blessée par sa méchanceté, Silver se contenta de la regarder sans rien dire, son expression laissant clairement entrevoir ce qu'elle ressentait. Pourquoi les gens devaient-ils se montrer aussi méchants ? Elle-même était comme ça quand il s'agissait des soldes, mais c'était avant. Avant de perdre son frère, avant de se rendre compte que l'achat de vêtements faisait partie des choses futiles, et qu'il ne servait à rien de se battre pour ça. Il y avait des événements beaucoup plus tragiques dans la vie que de ne pas réussir à acheter l'habit que l'on veut. Puis, quelques secondes plus tard et toujours dans le plus grand silence, Silver baissa les yeux, l'air embarrassé. Elle tritura ses mains un instant avant de poser à nouveau son regard sur sa concurrente, qui ne le serait bientôt plus, car elle avait choisi d'abandonner.

« Vous avez raison, » dit-elle si bas que l'on aurait pu prendre ça pour un murmure. Elle esquissa un tout petit sourire, presque confus, comme si elle avait commis un crime en ayant convoité le même pull que la jeune blonde. « Je suis sûre qu'il vous ira très bien. »

Elle se retourna, et fit quelques pas en direction du rayon opposé. Silver détestait le rose et n'avait pas l'intention d'écouter les pseudos-conseils de son interlocutrice, mais elle trouverait bien autre chose à porter. Quitte à ce que ça coûte plus cher parce que cela faisait partie de la nouvelle collection et non des articles soldés. Après tout, c'était Nathan qui l'avait obligée à se choisir quelque chose avant de rentrer, alors qu'il ne vienne pas lui reprocher le prix. Enfin, elle râlait inutilement, car elle savait pertinnemment qu'il ne lui dirait rien à ce propos. Nate était trop généreux pour cela, et elle-même n'allait pas non plus remplir un chèque de cent dollars pour un pauvre bout de tissu. Auparavant elle aurait pu, aujourd'hui elle n'en avait tout simplement plus l'envie. En fait, elle n'avait plus envie de rien. La simple idée de devoir passer encore dix bonnes minutes - ou plus - ici afin de trouver quelque chose l'ennuyait profondément. Alors elle eut une idée, et fit volte-face pour s'adresser à nouveau à la jeune blonde.

« Vous savez quoi ? Je me suis montrée gentille en vous laissant le pull sans rien dire, surtout que vous me l'avez arraché des mains avec une remarque blessante que je ne méritais pas. Alors la moindre des choses serait de me remercier, et je sais comment. Je n'ai absolument pas envie d'être ici mais je ne dois pas rentrer chez moi sans m'être acheté quelque chose. Comme vous semblez avoir de très bons goûts en matière de vêtements, je me disais que vous pourriez me choisir un article que, selon vous, je porterais bien. Evitez juste le rose. C'est un bon compromis, vous ne trouvez pas ? »

Silver était devenue timide, renfermée depuis la mort de son frère. Mais cela ne l'empêchait pas de rester franche et dire cash ce qu'elle pensait quand la situation le demandait. Le peu de mots qu'elle prononçait était toujours pensés ; après tout, Jax lui-même ne disait-il pas qu'elle était née sans aucun tact ? Normalement, elle n'aurait jamais demandé à une inconnue de l'aider dans sa quête du vêtement parfait, mais cet espèce de défi que lui avait imposé Nathan commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. Elle aurait pu retourner à son appart, lui dire qu'il l'emmerdait et lui redonner son chèque. Oui, elle aurait pu, si tout au fond d'elle-même, elle ne pensait pas que cet effort lui serait en réalité bénéfique, et que Nate avait entièrement raison de l'envoyer ici.
En surface, Silver faisait croire qu'elle n'avait pas besoin qu'on l'aide. Mais si on insistait un peu, on découvrait que finalement, cette brunette espérait que quelqu'un la sorte de son état dépressif et lui réapprenne à vivre. Elle ne savait tout simplement pas comment le demander.

Ce n’était pas la première fois que Rosalie se disputait avec une autre cliente pour acquérir un vêtement. Et si la vampire parvenait toujours à ses fins, rares étaient les fois où elle tombait sur une adversaire aussi docile. Elle fréquentait les boutiques les plus chères et les plus en vogue de la ville, le quartier général des les filles à papa et pseudos starlettes de l’université. A l’instar de Rosalie, ces adolescentes superficielles n’étaient pas du genre à se laisser faire. Elles s’imaginaient que tout leur était du, et se sentaient supérieures en dépensant sans compter de l’argent qu’elles n’avaient jamais transpiré. A plusieurs reprises, Rose avait été obligée d’user de tous ses talents pour rentrer chez elle avec le vêtement tant convoité. Mais en cet après-midi de veille de Noël, la vampire tomba sur une rivale singulière ; lorsqu’elle lui arracha le pull en cachemire des mains, Silver ne fit aucune tentative pour le récupérer et se résigna à lâcher l’affaire rapidement. Surprise de s’en sortir aussi facilement, la joli blonde posa ses yeux ambrés sur sa concurrente, qu’elle dévisagea longuement.

Elle était très loin du stéréotype de la fashion-victim, même si elle portait ses vêtements avec harmonie et élégance. Mais elle n’était pas pourvue de cette hystérie que les autres clientes du magasin laissaient éclater dans les rayons. Rosalie remarqua que sa rivale paraissait blessée par ses propos, en conséquence de quoi, elle s’attendait à recevoir une réplique cinglante en échange. Au lieu de cela, la brunette baissa les yeux d’un air embarrassé, et trahit quelques gestes de nervosité avant de donner raison à Rose dans un murmure couvert par le brouhaha environnant. Entre les chants de Noël que la boutique diffusait en boucle, et les disputes entre clientes quelques étals plus loin, Rosalie n’aurait rien entendu si elle n’avait été qu’une simple humaine. Mais son ouïe était surdéveloppée, et lui permis également de saisir les derniers mots de sa rivale. Cette dernière tourna les talons après avoir dit à la vampire que ce pull lui irait beaucoup qu’à elle, et se dirigea vers d’autres gammes de vêtements.

Rosalie était sous le choc. Jamais elle ne s’était sortie aussi facilement de ce genre de situation, lorsqu’une autre femme convoitait quelque chose dont elle avait elle-même envie. Surprise par l’attitude pacifiste et fuyarde de son interlocutrice, elle resta quelques secondes immobile, avant d’afficher un air dépité et de hausser les épaules. Ce qui plaisait beaucoup à la vampire lorsqu’elle allait faire du shopping c’était justement d’avoir à se battre pour obtenir ce qu’elle désirait. Pour elle c’était en quelque sorte un moyen de se défouler. Et depuis plusieurs semaines, elle avait emmagasiné énormément de colère et ressentait un besoin urgent de l’évacuer. Voilà pourquoi elle s’était rendue au centre commercial ce jour-là. Nous étions à moins de vingt quatre heures de Noël et Rosalie savait que la plupart des humains étaient stressés par cette échéance. En pénétrant dans l’immense hall du Palisade elle était certaine de trouver matière à se crêper le chignon avec quelqu’un. Mais elle avait croisé la route de Silver Lehane.

Elle lança un regard blasé au pull en cachemire ; en avoir fait l’acquisition n’avait plus du tout la même saveur désormais. Elle se dirigea d’un pas nonchalant vers les caisses, avant de se faire interpeller par sa concurrente. Cette dernière reprocha à Rosalie sa méchanceté, et estimait ne pas la mériter. Elle attendait des remerciements, et avait une idée de comment les obtenir. Elle intima à la vampire qu’elle ne pouvait pas rentrer chez elle sans avoir acheté quelque chose, et lui proposait de l’aider à trouver un vêtement qui la mettrait en valeur, en lui demandant toutefois d’éviter le rose.
Une fois encore, Rosalie dévisagea son interlocutrice. Décidément, cette jeune femme ne manquait pas de la surprendre. Elle n’avait rien de comparable avec la plupart des écervelées auxquelles la vampire avait déjà été confrontée. Et, contre toute attente :

« Je suis désolée d’avoir manqué de tact à votre égard… » finit-elle par lâcher, sur un ton sincère. « Je suis certaine que vous porterez ce pull aussi bien que moi, si ce n’est mieux. »

Rosalie se montrait très rarement conciliante avec les humains. Elle jalousait leur condition, ne supportant plus la sienne, et aurait donné n’importe quoi pour se retrouver à leur place. Mais cette hostilité s’était grandement atténuée depuis qu’elle s’entendait mieux avec Isabella et que Mathilda était devenue sa fille adoptive. Cependant, elle gardait tout de même son mauvais caractère. Mais elle n’avait plus envie d’être désagréable avec Silver, qu’elle jugeait indigne d’un tel traitement. Cette jeune femme était différente, et la vampire se sentait proche d’elle, même si elle ne pouvait se l’expliquer pour le moment.

« Je me nomme Rosalie Hale, et je pense que nous pouvons peut-être nous tutoyer. Nous avons le même âge, à quelques années près… » - si on omettait le fait que Rose avait près d’un siècle d’existence – « Tu es brune, et tu as le teint mat. Tu n’aimes peut-être pas le rose, mais je t’assure que cette couleur mettra en valeur ta peau et te donnera bonne mine. Tu devrais au moins essayer ce pull, ça ne coûte rien. » déclara-t-elle en attrapant le même modèle que celui pour lesquels elles s’étaient disputés quelques minutes auparavant, mais de couleur rose.

Silver aurait du être comme tout autre personne ayant croisé la route de cette jeune blonde : impressionnée. Elle aurait du lui donner ce pull sans broncher et partir se trouver un autre vêtement. Mais depuis quelques temps ses réactions avaient changé. Sil tenait peu à la vie et de son point de vue, cette existence ne servait qu'à l'empêcher de retrouver son frère. Non, elle n'avait rien de suicidaire et même dans ses pires instants de déprime, ne songerait pas à une solution aussi extrême. Toutefois elle se disait que si la mort devait survenir, elle ne se battrait pas et l'accueillerait tout simplement. Si ses proches le savaient, s'ils se doutaient une seule seconde que Silver avait de telles pensées, nul doute qu'ils ne la lâcheraient pas d'une semelle. Sa mère l'obligerait à abandonner ses études pour un temps et retourner à Providence. Nathan la suivrait et serait à ses côtés vingt-quatre heures sur vingt-quatre - comme si ce n'était pas déjà le cas ! En fait, depuis le décès de son aîné, Silver n'avait plus aucun instinct de survie. C'était pour cette raison précise qu'elle osa répondre à la fashion-victim qui venait de lui piquer son vêtement sans ménagement. Et que croiser son regard ne lui inspira rien de plus qu'une réflexion intérieure sur le fait qu'elle était vraiment magnifique... là où d'autres auraient tremblé et détourné les talons avec l'étrange sentiment qu'ils devaient s'éloigner, sans réussir à comprendre pourquoi.

L'expression pleine de dureté de la jeune voleuse se radoucit un peu, et elle consentit à s'excuser, avouant qu'elle avait manqué de tact. La vie pouvait vraiment jouer de drôles de tour. Aujourd'hui Silver se voyait dans la peau de celle qui recevait des remarques non méritées. Il y a quelques temps, elle aurait tenu le rôle de son interlocutrice. On lui disait souvent qu'elle manquait de tact, à elle aussi. Avant. Elle pouvait se montrer cinglante quand il ne fallait pas, lâcher des réflexions blessantes et ne pas se rendre compte du mal qu'elles pouvaient faire. Oh, elle n'avait rien de méchant et était parfaitement consciente de ce gros défaut. Aussi savait-elle demander pardon le moment venu, généralement quand elle remarquait l'air vexé de la personne qui se trouvait en face. Depuis toute petite, Silver disait ce qui lui passait par la tête sans réfléchir. Contrairement à la plupart des gens, elle ne tournait pas sa langue cette fois dans sa bouche avant de parler. L'une de ses anciennes amies de lycée aimait la comparer à Anya, une démone dans une série télé qu'elle ne connaissait pas - un truc avec des vampires, donc rien de bien intéressant. Sil avait néanmoins regardé un épisode un jour pour voir qui était cette Anya, en compagnie de Jackson, un dimanche après-midi où ils n'avaient rien à faire. Ils avaient beaucoup ri, Jax trouvait que la ressemblance était frappante. Même si la franchise de Sil n'était pas aussi extrême, elle aussi voyait là un point commun avec ce personnage. Cela lui valut d'ailleurs le surnom d'Anya pour le restant de ses jours lycéens. On l'appelait par ce prénom dès lors qu'elle sortait quelque chose qu'elle aurait du garder pour elle... ce qui lui faisait immédiatement comprendre qu'elle était allée trop loin. Evidemment, son déménagement à Hanover et le début de la fac avaient fini par faire disparaître cette manie, surtout que Silver ne revoyait quasiment aucun de ses amis de Providence. Et encore moins depuis le mois d'octobre.

Sil se reconnaissait donc en cette jeune blonde, même si désormais elle ne fréquentait plus assez de monde pour avoir besoin qu'on la sermonne sur son attitude trop directe. Son interlocutrice lui fit également un compliment que la brunette jugea sincère, et pour tout remerciement, elle esquissa un sourire embarrassé. Elle n'avait pas voulu aller jusque-là, juste lui faire reconnaître sa méchanceté gratuite. Puis sa nouvelle connaissance se présenta : elle se prénommait Rosalie, un superbe prénom qu'elle portait très justement, du moins selon Silver. Bien évidemment, Sil hocha la tête lorsqu'elle lui proposa de se tutoyer ; certes elles semblaient avoir le même âge, du coup cela paraissait un peu étrange à l'étudiante de s'adresser à elle autrement. Elle n'étaient pas encore assez âgées pour que ce genre de choses soit considéré comme tout à fait normal. L'anthropologue en Silver se demanda ce que signifiait alors « normal » dans ce cas précis, mais la question se retrouva vite dans un coin éloigné de son cerveau - ce n'était pas le moment de se pencher dessus. Elle avait mieux à faire : elle devait se trouver un vêtement qui lui plaise et l'acheter pour que Nathan soit satisfait de ses efforts de la journée. Même si dans le fond, le shopping était plus une excuse qu'autre chose. Il voulait simplement qu'elle retourne au Palisade pour affronter le lieu où Jax, leurs amis communs et elle passaient le plus clair de leur temps libre ; à savoir le Starbucks Coffee.

« Silver Lehane, » ajouta-t-elle donc à son tour.

Rosalie proposa le pull rose à Silver malgré tout, argumentant qu'elle le porterait bien car elle était brune au teint mat. Lui donner bonne mine ? Cela finit par la convaincre, ce serait une excellente chose car elle en avait plutôt besoin en ce moment. Avec son humeur déjà pas au top, il était clair que le noir n'aiderait en rien. Bon, elle détestait le rose et alors ? Comme le disait la jeune femme qui l'accompagnait, essayer ne lui coûterait rien. Haussant les épaules, Silver esquissa un sourire en coin et prit un pull du même modèle, en rose, avant de se diriger vers les cabines qui se trouvaient un peu plus loin. En deux temps trois mouvements, elle l'avait passé et s'observait désormais dans le miroir. En fait, elle avait raison. Le rose lui donnait un air un peu moins tristounet, et puis finalement elle ne détestait pas tant que ça. Elle adorait la coupe et la matière, alors si elle ne pouvait pas avoir la couleur qu'elle souhaitait, autant en prendre une autre non ? Surtout que celle-ci lui plaisait plus que ce qu'elle aurait pensé de prime abord. Se disant que finalement, elle n'avait pas mis une éternité - comme elle l'avait imaginé à son arrivée - pour trouver ce qu'il lui fallait, Silver fut soulagée. Au moins, elle ne rentrerait pas bredouille ce soir et Nate serait content. Surtout si elle revenait avec un truc coloré, lui qui s'attendait sûrement à une couleur sombre pour aller avec son état d'esprit actuel. Adjugé, se dit-elle en retirant le pull pour remettre sa tunique et sa ceinture. Elle sortit de la cabine avec le vêtement rose dans une main et son manteau dans l'autre.

« Tu avais raison. Je vais le prendre, le rose ne me dérange pas tant que ça au final. Je pourrais rapidement m'y faire. » sourit-elle. « Tu devrais penser à faire carrière dans la mode ! »

Elle observa les alentours et soupira lorsqu'elle aperçut la queue qui partait des deux caisses ouvertes. Elle se voyait déjà attendre, à piétiner pendant un quart d'heure jusqu'à ce que son tour arrive. Si elle n'était pas obligée de revenir avec une fringue, elle aurait pu la reposer et quitter les lieux sans rien acheter. Elle détestait attendre, en grande impatiente qu'elle était. Puis elle reporta son attention sur Rosalie.

« Est-ce que tu avais autre chose en vue dans le magasin ? Je me disais qu'on pourrait passer en caisse et aller boire un café. Sans ton aide je crois que je serais encore loin d'avoir trouvé mon bonheur, je te dois bien ça. »

Son sourire s'élargit, sincère et surtout chaleureux. Comme quoi il ne fallait pas grand-chose pour que l'ancienne Silver revienne à la surface. Elle n'allait plus d'elle-même vers les gens mais quand des situations pareilles se présentaient et qu'elle faisait la connaissance de quelqu'un, elle ne pouvait s'empêcher de se montrer aussi douce et gentille qu'auparavant. Peut-être en avait-elle tout simplement marre d'être seule, et de repousser ceux qui avaient envie de discuter avec elle. Cela faisait plus de deux mois que Jackson avait quitté ce monde et que Sil vivait dans sa bulle, à l'écart de tout et de tous. Sa mère et Nathan avaient été les deux seules personnes stables depuis ce terrible moment, et dans le fond il semblait qu'elle ne le supportait plus. Sinon pourquoi attraper au vol cette occasion de parler un peu avec Rosalie ? Pourquoi ne pas la remercier pour son aide et partir ? La solitude était ce qui avait plongé Silver dans ce gouffre profond, et elle ne savait quel avait été le déclic, mais aujourd'hui elle était sûre d'une chose : elle ressentait le besoin viscéral d'en sortir avant qu'il ne la happe définitivement.

You don't know, you don't know
You don't know anything about me
What do I know, I know your name
You don't know, you don't know
You don't know anything about me anymore
I gave up dreaming for a while
Milow - You don’t know - 2008

Rosalie fut surprise, mais agréablement, lorsqu’elle vit son interlocutrice se diriger vers les cabines d’essayage avec le petit pull rose. La brunette semblait avoir un mauvais à priori sur cette couleur, pourtant la vampire était persuadée qu’en porter mettrait en valeur son teint halé. Elle la suivit du regard jusqu’à ce que la silhouette de l’humaine disparaisse derrière le rideau de soie de la cabine. Elle connaissait maintenant l’identité de la personne à qui elle avait à faire : Silver Lehane. Rosalie avait beau approcher du siècle d’existence, elle n’en était pas moins étonnée de constater que par moments, la vie réservait bien des surprises. Cette jeune femme lui rappelait beaucoup l’humaine qu’elle avait été autrefois ; elle avait retrouvé en Silver énormément de points communs, et elles auraient pu être de très bonnes amies si elles s’étaient rencontrées dans d’autres circonstances. Rosalie s’était toujours interdit le moindre rapprochement avec les humains. Elle ne pouvait se permettre de courir le risque que sa véritable nature soit découverte, et d’autant plus maintenant que les Volturi surveillaient sa famille de très près. Garder les autres à distance n’avait jamais été une contrainte pour la vampire, qui se rangeait volontiers dans la catégorie des asociaux. Mais dernièrement, elle s’était liée d’amitié avec Lio et Anna ce qui était complètement impensable quelques mois en arrière. Elle s’était aussi rapprochée d’Isabella alors que leur bonne entente semblait engagée dès le départ. Oui, depuis quelques temps la vampire s’était ouverte aux autres, et elle avait vraiment envie d’apprendre à connaître Silver.

Elle la vit sortir de la cabine, tenant dans une main son manteau, dans l’autre le pull qu’elle venait d’essayer avec un air satisfait sur le visage. Nouvelle surprise, Silver trouvait le vêtement à son goût. Elle déclara d’ailleurs avec un petit sourire que la vampire avait eu raison et qu’elle se ferait très vite à cette couleur. Elle ajouta que Rose devrait songer à faire carrière dans la mode. A ces mots, cette dernière s’esclaffa, en s’imaginant prendre la place des stylistes dans ces émissions de relooking qu’Alice suivait avec assiduité. Il y avait de très longues semaines que Rosalie avait perdu l’envie de rire, en ce sens Silver venait de réaliser un petit exploit. Toutes deux se tournèrent vers les deux caisses ouvertes, qui étaient littéralement prises d’assaut. Les clients formaient une foule compacte, si bien qu’il était impossible d’identifier les deux files d’attente. Si attendre leur tour ne dérangeait pas la vampire – car le temps n’avait aucune valeur à ces yeux d’immortelle – elle put lire de l’agacement et de l’impatience dans le regard de son interlocutrice.
Silver s’adressa à Rosalie et lui demanda si elle avait d’autres achats à effectuer dans le magasin. La vampire hocha la tête en signe de dénégation. L’humaine poursuivit en proposant d’aller boire un café après avoir réglé leurs vêtements en caisse. Elle avait envie de remercier celle qui l’avait aidée à trouver son bonheur. Rose n’était pas certaine que cela soit une bonne idée. Et pour cause, elle ne buvait jamais de café, ni quoi que ce soit d’autre à part du sang. Elle se demandait comment elle allait pouvoir gérer la situation sans éveiller les soupçons de Silver. Mais le sourire que cette dernière lui adressait était si sincère qu’elle se voyait mal lui refuser cette invitation. Elle se dit qu’elle improviserait une fois sur place.

« Pas de problèmes, ça nous permettra de parler un peu de mode. » répondit-elle en lui rendant son sourire. « Je peux voir ton pull ? J’ai l’impression qu’il a une tache sur le coté… » dit-elle en prenant le vêtement rose des mains de Silver. Bien entendu le pull en cachemire n’était pas tâché, c’était une simple excuse parce que Rose avait une idée derrière la tête. « Je reviens, ne bouges pas… »

La vampire connaissait très bien la responsable du magasin, et avait l’intention de profiter de cela pour ne pas faire la queue en caisse. Elle alla à la rencontre de la directrice, occupée à effectuer un réassort dans le rayon lingerie que la plupart des clients masculins avaient vidé dans l’après-midi. Elle échangèrent quelques mots, puis Rosalie sortit de son portefeuille une grosse coupure, bien supérieure au montant des deux articles qu’elle avait entre les mains, et la lui tendit. La responsable semblait embarrassée, mais finalement elle opina en voyant le visage de Benjamin Franklin sur l’avers du bout de papier. Elle savait que Rosalie était l'une de ses meilleures clientes, et n'avait pas envie qu'elle aille voir ce qui se vendait chez ses concurrents.

« Vous pouvez garder la monnaie, c’est Noël aujourd’hui ! » s’exclama Rosalie sur un ton satisfait. Même si elle avait changé à bien des niveaux, elle conservait toujours cette arrogance et cette vanité qui faisaient toute sa réputation de jeune femme imbuvable. La directrice la regarda s'éloigner d'un regard à la fois haineux et admiratif. C'était ce mélange de sentiment que Rosalie laissait à la plupart des humains qui croisaient sa route.

Elle rejoignit Silver, emprisonnée dans la foule compacte de clients. Elle le tendit le pull rose en souriant. « C’est payé. J'ai vu que tu n'avais pas envie de faire la queue. Maintenant on peut s’en aller. Tu veux aller au Starbucks? » lui demanda-t-elle sur un ton amical. Rose savait qu'une grande majorité d'étudiants de Dartmouth aimait se retrouver à cet endroit, elle supposait que c'était aussi le cas de Silver.

La brunette esquissa un sourire ravi et hocha la tête, contente que sa nouvelle connaissance accepte son invitation. Discuter des vêtements à la mode et des nouvelles collections suite à une séance shopping était son activité favorite passé un temps - en seconde position néanmoins, car de son point de vue, le summum de la détente consistait à gratter sa guitare acoustique et pousser la chansonnette. Combien de mois s'était-il écoulé depuis que ses amies et elle avaient dévalisé les magasins et échangé leurs opinions sur les tendances du moment ? Bien qu'en réalité ce nombre s'élève à trois, Sil avait l'impression que cela faisait une éternité. Elle eut soudain la sensation d'avoir remédié à un manque. Jusqu'à cet instant précis, la jeune femme ne réalisait pas à quel point les sorties de ce genre lui manquaient, mais réellement. Elle était restée dans sa bulle de solitude, coupée du monde entier, et il avait fallu que ce soit Nathan qui l'envoie acheter un pull pour que cela lui saute aux yeux. Silver ne voulait décidément plus être seule, ni passer ses journées en cours ou à la bibliothèque universitaire pour faire ses devoirs. Elle avait envie de sortir, de reprendre contact avec ses amis, de s'en faire de nouveaux et de profiter de ce que la vie avait à lui offrir. Car après tout, elle pouvait tout aussi bien mourir dans la semaine. Silver était l'une des personnes les mieux placées pour savoir que la mort pouvait vous tomber dessus à tout moment. Elle avait bien emmené Jackson, un homme de vingt-deux ans en pleine santé, rempli d'une joie de vivre communicative et qui, s'il en avait eu l'occasion, aurait exercé un métier qui lui aurait permis de sauver des gens. Il n'avait pas fallu grand-chose pour le rayer de la surface de la Terre : un fou furieux muni d'une arme quelconque dans une ruelle de Hanover, avec l'envie de tuer la première personne sur laquelle il tomberait. Il avait fallu que cette fameuse personne soit Jax, rentrant tranquillement d'une soirée entre amis.

Il ne voudrait pas la voir se morfondre, il ne voudrait pas qu'elle refuse tout bonheur juste parce qu'il n'était plus là pour le partager avec elle. Silver le savait au plus profond d'elle-même depuis le début, mais il lui avait fallu du temps pour pleinement le réaliser. Aujourd'hui, aidée par ce sentiment de joie juste parce qu'elle avait acheté un vêtement et rencontré quelqu'un, elle prenait conscience qu'il lui fallait se reprendre en main. Sil se jura alors d'en parler avec Nate dès son retour. Elle le remercierait d'abord d'être là et de lui avoir ouvert les yeux, puis elle lui ferait une promesse qu'elle comptait bien tenir : elle sortirait de sa bulle (comme Diam's -->), et reprendrait goût à la vie. Elle recommencerait à sourire, à aller au cinéma, à se poser contre un arbre du campus pour jouer de la guitare lorsque les beaux jours reviendraient. Et surtout, elle reprendrait contact avec ses amis et s'excuserait pour son comportement, espérant qu'ils lui pardonnent. C'était décidé : Silver allait remettre de l'ordre dans son existence, et ça commençait maintenant, en allant boire un café avec Rose pour apprendre à mieux la connaître.

Cette résolution prise, Silver se sentit plus légère et s'apprêtait à se diriger vers les caisses lorsque Rosalie lui demanda soudain si elle pouvait voir son pull. Son expression changea lorsque son interlocutrice lui parla d'une tache : elle était déçue. Immédiatement elle se tourna vers l'endroit où Rose l'avait pris pour voir s'il en restait d'autres. Elle en vit plusieurs, mais l'un d'eux serait-il à sa taille ? Quand elle fit de nouveau volte-face, Rosalie lui dit de ne pas bouger avant de s'éloigner, ce qui la fit hausser un sourcil. S'il s'agissait d'une tache, pourquoi ne pas simplement le reposer et en choisir un autre ? A moins qu'elle ne fasse partie de ces rares personnes qui avaient la gentillesse de prévenir un vendeur quand quelque chose n'allait pas - pour qu'ils puissent remédier au problème. Rose fut quelques secondes hors de son champ de vision, puis elle revint auprès de l'étudiante et lui annonça que son pull était payé, car elle avait vu que Silver n'avait pas envie de faire la queue. La proposition du Starbucks ne retint pas son attention - pas en premier lieu. Elle se demanda comment Rosalie avait fait pour régler les vêtements sans attendre aux caisses. Toutefois elle ne se posa pas la question bien longtemps, l'embarras prenant tout de suite le dessus. Elle avait bien l'intention de rembourser Rosalie une fois qu'elles auraient quitté la masse de gens qui occupait le magasin. Elle s'en voulut surtout d'avoir pu se montrer un peu brusque avec elle lors de leur rencontre alors qu'en fait, la jeune blonde se montrait extrêmement sympathique.

« Merci, » dit-elle avec un sourire. « Je dois avouer ne pas être un modèle de patience, effectivement. Je ne suis pas spécialement agoraphobe non plus, mais moins je passe de temps prise dans une telle foule, mieux je me porte. Allons-y ! »

Ce fut alors que toutes deux se frayaient un chemin jusqu'à la sortie que le Starbucks lui revint en mémoire. Son coeur s'accéléra aussitôt et elle tenta de ne pas se laisser submerger par la panique. Ce n'était pas le seul endroit du centre commercial où l'on pouvait boire un café, et elle était certaine que Rosalie ne refuserait pas de changer de destination. Mais était-ce vraiment le meilleur choix ? Silver n'avait pas oublié sa résolution et si elle voulait remonter la pente, elle avait là l'occasion de faire son premier pas : retourner au Starbucks, là où son frère, leurs amis et elle passaient la plupart de leur temps libre. A discuter de tout et de rien, et surtout à rire à la moindre blague que sortait Jax. Oui, elle pouvait le faire. Elle ne pousserait pas le vice jusqu'à s'asseoir à la même table, celle qui semblait leur être réservée car ils ne changeaient jamais. Elle devait prendre son temps et y aller doucement. Se retrouver à l'intérieur du café serait déjà un bon point de gagné.
Rosalie et Silver poussèrent la porte vitrée et s'installèrent à une petite table, près de la grande baie. Emma et Grace se trouvaient non loin, et lancèrent des regards appuyés à la brunette. Elle esquissa un petit sourire à leur attention mais elles ne répondirent pas. Sil en fut blessée, toutefois elle devait s'attendre à ce que ce ne soit pas aussi facile. Elle s'était montrée vraiment méchante avec elles qui, pourtant, ne souhaitaient rien de plus que l'aider à s'en sortir.

« Je te préviens, c'est moi qui offre. Tu m'as sincèrement aidée, en fait je crois que tu n'imagines pas à quel point. Si je ne t'avais pas rencontrée dans ce magasin, je pense que j'en serais toujours à chercher le vêtement parfait. Sans compter que j'aurais du prendre mon mal en patience et faire la queue comme tout le monde aux caisses. D'ailleurs... » Tout en parlant, elle sortit son porte-monnaie et mit sur la table un billet de vingt dollars et un autre de dix. Elle avait évidemment repéré le prix du pull avant de l'acheter, elle ne pouvait pas se permettre d'y aller à l'aveuglette - surtout que ce n'était pas son argent, mais celui de Nate. Elle était partie avec un chèque car il ne connaissait pas à l'avance le montant de son achat, mais finalement elle avait assez en liquide sur elle pour rembourser Rose et payer les cafés. Poussant l'argent vers son interlocutrice, elle esquissa un sourire malicieux et lui demanda : « Je serais quand même curieuse de savoir comment tu as fait. »

Rosalie eut tout juste le temps de répondre qu'un jeune homme d'une trentaine d'années qu'elle connaissait bien arriva à leur table pour prendre leur commande. Ce que Silver appréciait au Starbucks du Palisade, c'était que contrairement aux autres Starbucks, elle n'avait pas besoin de se rendre au comptoir et de choisir, puis payer et enfin récupérer sa boisson avant d'aller s'asseoir. Ici, ça fonctionnait comme un établissement normal avec des barmen et des serveurs. Pour le plus grand plaisir des clients qui, du coup, venaient en masse. Sil comprenait ce choix : le centre commercial possédait plusieurs cafés et les gens pouvaient se dire qu'ils n'avaient pas envie de se servir eux-mêmes mais plutôt de se faire servir, alors du coup ils n'allaient pas au Starbucks - et tant pis si c'était pourtant là que l'on faisait les meilleures boissons caféinées. Là au moins, ils n'avaient aucune excuse pour se rendre ailleurs... et ça fonctionnait !
La voix du serveur sortit la brunette de ses pensées. Il s'adressa à elle d'un ton bienveillant, mais elle aurait franchement préféré qu'il ne dise rien. En fait, elle avait pensé que cela pouvait arriver, puis s'était dit que si elle croisait un employé qui avait l'habitude de la voir auparavant, il aurait le bon sens de ne rien dire. Dommage, elle s'était lourdement trompée.

« Bonjour, Silver. Ca fait un moment que je ne te vois plus par ici, je suis content de te voir de retour. Tu vas bien ? » Il se rapprocha un peu, son expression prenant soudain un air compatissant et ajouta : « Je n'ai pas eu l'occasion de te dire que j'étais désolé pour ton f... »
« Je sais, Jake. Merci, » le coupa-t-elle, soudain terriblement mal à l'aise car Rosalie pouvait - évidemment - tout entendre et se poserait forcément des questions.

Le fameux Jake comprit certainement tout seul qu'il aurait mieux fait de se taire, et lança un regard d'excuse à Sil. Puis, il prit une voix plus enjouée quand il demanda aux filles de passer commande. Lorsque Silver demanda un moka blanc, le serveur eut un sourire amusé - probablement car elle n'avait pas changé ses habitudes. Il se tourna ensuite vers Rosalie, alors que la brunette essayait encore d'effacer l'embarras que Jake venait d'installer entre elle et son interlocutrice. Sa jambe gigotait sous la table et elle se mordillait la lèvre inférieure, alors que son regard était tourné en direction des magasins que l'on apercevait depuis la baie vitrée.

« Je t’en prie. Oui, dépêchons nous de sortir, je commence à en avoir marre d’être prise en sandwich entre tous ces gens… »

« Tu n’étais pas obligée de me rembourser. Mais il existe un proverbe qui dit que les bons comptes font les bons amis. Je ne voudrais pas te mettre dans l’embarras. »

« Tu les connais ces deux-là ? Elles n’arrêtent pas de regarder vers nous depuis tout à l’heure… »

Silver ne ressentait aucune animosité envers le serveur du Starbucks. Il avait probablement cru que Rosalie connaissait assez bien la jeune femme pour savoir ce qui s'était passé dans son existence quelques mois plus tôt. Il n'avait pas pensé qu'il puisse s'agir d'une personne fraîchement rencontrée avec laquelle Sil voulait discuter un peu avant de retourner à son appartement - et de montrer son pull rose à Nathan, qui serait sans aucun doute ravi de cet effort. Parfois les gens pensaient bien faire et même s'ils se loupaient, ils n'avaient été guidés que par de bonnes intentions. Jake ne souhaitait pas mettre sa cliente dans l'embarras et son regard d'excuse avait été suffisant pour que Sil ne lui en tienne pas rigueur plus longtemps.
Mais que se passerait-il maintenant ? Il était reparti avec sa commande et ne reviendrait pas avant quelques minutes. En attendant, Sil se tenait là, le regard perdu à travers la baie vitrée du café, se demandant ce que Rosalie avait bien pu comprendre des mots du serveur. La brunette n'avait absolument pas planifié de raconter la moindre parcelle de son existence à la jeune blonde. Elle avait pensé que toutes deux pourraient discuter de leurs activités respectives, de leurs passe-temps et surtout des derniers vêtements à la mode. Rose aurait beaucoup de choses à apprendre à Sil, car cette dernière ne suivait plus les informations sur le sujet depuis... Enfin.
Se doutant que le silence ne servirait qu'à la rendre encore plus mal à l'aise, Sil tenta de se concentrer pour retrouver une certaine contenance. Elle attendit juste quelques secondes, se demandant si Rosalie allait l'interroger sur ce qu'avait voulu dire Jake. Au lieu de ça, elle se mit à observer une table bien précise et demanda à Silver si elle connaissait les deux filles qui s'y trouvaient, indiquant qu'elles ne cessaient de les regarder depuis leur arrivée. L'étudiante se doutait qu'il s'agissait d'Emma et de Grace, et au lieu de suivre la direction indiquée par Rosalie, elle baissa les yeux et haussa les épaules. Puis, elle se concentra de nouveau sur son interlocutrice.

« Je suppose qu'elles ne comprennent pas pourquoi je me fais de nouveaux amis alors que je n'ai pas voulu de leur aide... et que je n'ai même pas daigné m'excuser auprès d'elles non plus. » lâcha-t-elle finalement, avant de soupirer. « Et elles ont raison. »

Les mots de Sil avaient capté l'attention de Rosalie, du moins celle-ci la regardait-elle désormais avec une expression étonnée. Nul doute que de toutes les réponses possibles, elle n'aurait jamais imaginé entendre ce genre de choses. Silver réalisa alors qu'elle s'était vendue toute seule - à la limite si le serveur n'avait pas mis lui-même les pieds dans le plat ça n'aurait strictement rien changé. Qu'est-ce qui lui avait pris de raconter cette histoire à une quasi inconnue ? Certes Silver était franche et parlait sans réfléchir, disant toujours ce qu'elle pensait, mais la mort de son frère était un sujet bien à part. Assez délicat pour qu'elle sache retenir sa langue quand il était question de lui. Alors pourquoi ? Silver aurait beau réfléchir, elle avait la sensation qu'elle ne trouverait pas la raison. Et en cet instant précis, le pourquoi du comment n'était vraiment pas important. Rosalie avait toujours les yeux posés sur elle, et si la brunette n'élevait pas la voix, elle lui demanderait rapidement la signification de tout cela. Autant prendre les devants, non ? Maintenant que la moitié du chemin était faite... Comme à chaque fois qu'elle allait parler de Jackson, le coeur et la gorge de Silver se serrèrent, mais elle tint bon.

« J'ai perdu mon frère il y a un peu plus de deux mois. Grace et Emma, que tu vois à cette table, étaient de très bonnes amies à moi. Elles ont voulu m'offrir leur soutien et je les ai repoussées. En fait, j'ai éloigné tout le monde de moi à cet instant, et parfois assez violemment. Maintenant je comprends que je suis allée trop loin mais je n'ai pas encore trouvé le courage d'aller les voir pour leur dire que j'étais désolée. Alors oui, je suppose que leurs regards noirs en ma direction sont légitimes. Elles voient que je vais mieux et pourtant, je ne fais aucun geste envers elles. »

Maintenant que Silver savait ce que cela faisait de perdre un proche, elle ne pourrait plus se retrouver dans la position des deux étudiantes. Si l'une de ses seules amies restantes devait essuyer la même tragédie et se couper du monde, si elle insultait Silver en lui disant qu'elle n'avait pas besoin qu'on l'aide, la brunette ne lui en voudrait pas. Parce que justement, elle serait capable de comprendre avec exactitude ce qui se passait dans la tête de cette amie. Mais Emma et Grace ne savaient pas. Aucune des deux n'avait eu à survivre à la perte d'une personne chère à leurs yeux. Et pour cela, Sil ne pouvait pas les blâmer pour leur comportement. Elle ne pouvait pas leur en vouloir de se sentir trahies et mises de côté, ignorées en la voyant boire un café avec une nouvelle connaissance. En train de reprendre goût à la vie petit à petit, tout en continuant de les exclure. Sil se sentit soudain terriblement honteuse, encore plus que quand elle y pensait d'habitude. Etait-ce parce que les deux étudiantes se trouvaient à quelques pas seulement ? Elle avait bien l'intention de se racheter, mais pas maintenant. Elle se trouvait au Starbucks en compagnie de Rosalie et n'avait pas envie de la délaisser pour régler ses problèmes personnels. Pour le moment, elle voulait juste apprendre à connaître celle qui lui avait trouvé un vêtement rapidement et qui l'avait sauvée de vingt minutes de queue aux caisses.

« Je suis désolée, » ajouta-t-elle après quelques secondes de réflexion. « Je n'avais aucunement l'intention d'aborder un tel sujet, mais avec le serveur et elles deux... Je ne voulais pas que tu finisses par te demander sur qui tu avais bien pu tomber, pour que tout le monde réagisse bizarrement avec moi ! » se justifia-t-elle avec un petit sourire d'excuse.

Malgré une première impression négative qui n'était pas restée bien longtemps, Silver appréciait Rosalie et ne voulait pas gâcher leur rencontre avec la tristesse qui l'entourait en ce moment. Non seulement parce que Rose serait probablement ennuyée, mais aussi parce que cette conversation était un moyen pour Sil de s'évader un peu, de sortir de son monde en ruines. Et comment le quitter si elle faisait allusion à Jackson ? Rosalie semblait être une jeune femme tout à fait appréciable et partageant de nombreux points communs avec la brunette. Elles étaient toutes deux franches, mais aussi passionnées de mode. Et bien qu'elle ne lui ait pas dit, Sil avait vraiment apprécié que Rosalie accepte son remboursement sans broncher. Elle aussi, trouvait que les bons comptes faisaient les bons amis, et se serait sentie extrêmement embarrassée à l'idée de s'être fait offrir un vêtement par une personne fraîchement entrée dans sa vie. En somme, quelques petits trucs les rapprochaient et Silver ne doutait pas qu'au fil des minutes qui suivraient, elles se trouveraient d'autres centres d'intérêts similaires.

« Alors, est-ce que tu exploites ton talent en faisant des études de mode ou tu as choisi une tout autre branche ? »

Rosalie n'eut pas le temps de répondre que Jake revenait déjà avec les mokas et un petit bout de papier blanc qu'il déposa sur la table. Sil le remercia et lorsqu'il lui sourit, son malaise était toujours visible. Toutefois, afin de lui faire comprendre que tout allait bien, la brunette esquissa elle aussi un sourire, mais chaleureux et franc. Il s'éloigna probablement soulagé et laissa les deux jeunes femmes à leur conversation. Sans attendre, l'étudiante se jeta sur son moka blanc et en but une première gorgée. Elle ne pourrait jamais se passer de ce breuvage, un peu comme Abby et ses Caf-Pow, songea-t-elle en se souvenant de cette série sur les meurtres de marines, devant laquelle elle se posait de temps en temps le soir, en compagnie de Nathan.

« Je ne vais pas faire très original, mais je suis désolée pour ton frère. En entendant la manière dont tu en parles, j’imagine que vous deviez être très proches tous les deux… »

« Et pour le reste, je te comprends. Et si elles sont vraiment tes amies, elle le devraient elles aussi. Certaines personnes ont besoin d’être seules lorsqu’un drame les affectent, quand d’autres auront au contraire besoin de se sentir soutenues. Chacun d’entre nous a une façon différente de réagir dans ce genre de situations. Toi et moi, nous avons la même… »

« Je vais te faire une confidence… en réalité, j’ai une sainte horreur du café »

« Je me suis dit que je pourrais faire un effort, car je n’avais pas envie de t’être désagréable, mais rien que l’odeur me donne la nausée. »

« Mais vu que je vois que toi tu te régales, si tu veux, je peux te donner le mien. Ce serait dommage de faire du gaspillage. »

« Je suis étudiante en littérature à Dartmouth. La mode n’est qu’un passe-temps, mais j’adore faire les magasins avec ma sœur. Elle est encore plus talentueuse que moi. Et toi ? Tu étudies dans quoi ? »

Jackson et Silver. Deux prénoms indissociables quand on connaissait la famille Lehane. Ils étaient toujours ensemble, ne se séparant que durant les heures de cours - ils ne se trouvaient évidemment pas dans la même classe et le déploraient ouvertement. Ils disaient à leur famille et à leurs amis que s'ils avaient pu choisir, ils auraient été jumeaux. Et que d'ailleurs, il leur semblait posséder ce lien si étroit et inexplicable que l'on prêtait à deux frères ou deux soeurs nés à quelques minutes d'intervalle seulement. Ils avaient les mêmes amis ou presque, se rejoignaient toujours dans la cour de récréation quand ils étaient dans le même établissement et sortaient ensemble après les cours avec leur cercle privilégié. Ceux qui en faisaient partie savaient qu'ils risquaient gros si l'un d'eux osait s'en prendre à Jax ou Sil : l'autre le défendrait toujours avec véhémence. Ainsi, lorsqu'il y avait des prises de tête dignes des adolescents qu'ils étaient alors, les Lehane se mettaient forcément du même côté. Bien que leurs personnalités soient quelque peu différentes, ils avaient une façon similaire de voir les choses de la vie. Leur complicité était enviée de beaucoup de monde, ils se connaissaient par coeur et se soutenaient dans les moments difficiles. Combien de fois Jax était-il resté debout jusqu'à une heure du matin pour faire réviser Silver avant son exam ? Combien de fois cette dernière avait-elle laissé tomber une après-midi à la bibliothèque afin de prendre de l'avance sur ses devoirs, pour aider Jackson à retenir ses cours de médecine ? Oui, ils s'aimaient autant qu'un frère et une soeur peuvent s'aimer, à un tel point que Silver aurait tout sacrifié pour Jackson, jusqu'à sa propre vie. Si elle avait été dans la ruelle cette nuit-là, en face de l'assassin, elle n'aurait pas hésité une seule seconde à lui demander de la tuer elle plutôt que Jax. Mais les choses avait tourné autrement.

Lorsque Rosalie avoua que Silver et son frère devaient être proches, ce fut tout cela qui lui passa par la tête en l'espace d'une demi-minute tout au plus. Elle se souvint des éclats de rire, des coups de colère et des pleurs, de tout ce qu'ils avaient partagé. Avant que ce malade ne commette l'irréparable. Aujourd'hui, Sil ne se rendait pas souvent sur la tombe de Jackson. Elle se trouvait à Providence, et elle était ici, à Hanover. Et lorsque la brunette souhaitait se recueillir, elle n'allait pas au cimetière. Elle allait dans la forêt d'Edgecombe, là où elle avait dispersé les cendres de son frère. Elle ne s'y était rendue qu'une fois depuis son décès, en compagnie de sa mère : le jour-même où elle avait laissé cette poussière grise se déposer sur les arbres environnants. Maintenant que Nathan était revenu, ils en profiteraient pour retourner à Edgecombe lors de ses prochaînes vacances universitaires. Ainsi, elle pourrait également lui montrer ce petit village où les enfants Lehane avaient grandi, avant de rejoindre Providence. Quoi qu'il en soit, elle n'irait pas seule, car même après plusieurs mois pour remonter la pente, elle n'était pas sûre de pouvoir ressortir de la forêt. Elle n'avait aucune idée de l'état dans lequel cette visite la mettrait et elle n'avait pas envie de causer du souci à ce qui restait de sa famille - de sang ou de coeur. Ils avaient déjà bien assez souffert.

Sil hocha la tête, autant pour acquiescer quant au fait que Jax et elle étaient très complices, que pour remercier Rose d'avoir eu cette attention envers elle. Afin de faire quelque chose - n'importe quoi - pour éviter les larmes qui finissaient toujours par couler lorsque l'on évoquait Jackson, la jeune femme se mordit la langue. Juste assez pour se concentrer sur cette infime douleur, plutôt que de songer à nouveau à tous les souvenirs qui revenaient à la surface en cet instant précis. Rose lui expliqua ensuite que ses deux amies assises un peu plus loin auraient du comprendre son besoin de se couper du monde. Lorsqu'elle murmura une phrase que Silver ne comprit pas, celle-ci imagina qu'à demi-mots, elle venait probablement de dire qu'elle parlait en connaissance de cause. Rose avait-elle subi une terrible perte, elle aussi ? Sil ne le souhaitait à personne, mais égoïstement elle était contente d'avoir trouvé quelqu'un qui, apparemment, pouvait la comprendre à cent pour cent. Peut-être que lorsqu'elles se connaitraient mieux, Rosalie consentirait à lui en parler.

Lorsque Jake déposa les cafés sur la table, Silver se jeta dessus. D'abord pour se changer les idées, mais aussi parce qu'elle n'avait pas envie d'attendre une seconde de plus : le Starbucks lui avait véritablement manqué. Se trouver ici devrait lui être beaucoup plus difficile, il fallait croire que la présence de Rose à ses côtés l'aidait, même si toutes deux s'étaient rencontrées un quart d'heure plus tôt seulement. La jeune blonde prit un ton amusé pour avouer à Sil qu'elle détestait le café, et que l'odeur l'insupportait. Elle poussa ensuite son gobelet en carton vers Sil, puisqu'elle-même semblait adorer.

« Merci, » dit-elle avant d'ajouter avec un sourire en coin, « La prochaine fois, on traversera la rue pour aller au Seven Grand. »

Le Seven Grand était un grand bar réputé pour avoir les meilleures bières de tout Hanover. Ils proposaient aussi d'excellents cocktails et sa déco aussi magnifique qu'originale attirait tous les étudiants de Dartmouth. C'était un peu comme leur repaire, ils s'y plaisaient énormément. Bien qu'elle ne soit pas franchement portée sur l'alcool, Silver appréciait beaucoup cet endroit. Le patron était un homme sociable et généreux qui n'hésitait pas à offrir des tournées aux clients réguliers - et ils étaient nombreux ! Une fois encore, Sil songea qu'elle n'y avait pas mis les pieds depuis la mort de Jackson. D'un autre côté, c'était évident : elle ne faisait que suivre ses cours et rentrer à la maison... Mais aujourd'hui elle avait envie de changer les choses. Etait-ce la présence et l'aide de Nate ? Sa rencontre avec Rosalie ? Elle n'en savait rien et ce n'était pas important. Elle avait tout bonnement envie de se reconnecter au monde. Et elle allait commencer en invitant Rosalie au Seven Grand, pour la remercier réellement de cette séance shopping - aujourd'hui ne comptait pas puisqu'elle allait avoir les deux cafés pour elle toute seule !
Afin de mieux la connaître, Silver lui demanda quelles étaient ses études. Rose lui expliqua être dans la section littéraire à Datmouth. Comme pour la brunette, la mode n'était qu'un passe-temps, qu'elle pratiquait souvent avec sa soeur, très douée dans ce domaine selon ses dires. Sa question lui étant retournée, Sil donna à son tour quelques informations sur ses études.

« Je suis en anthropologie. Les différentes cultures me fascinent, j'aimerais beaucoup voyager par la suite. Mais si je n'avais pas eu le coup de foudre pour ça, je serais partie en littérature également. J'adore lire, ma bibliothèque est d'ailleurs ce qui prend le plus de place dans mon salon, » rit-elle. « Ca doit être passionnant, j'adorerais venir à un cours juste pour voir ce que ça donne. Si c'était que de moi, je ferais les deux filières, mais... je ne suis qu'humaine » conclut-elle, amusée, en haussant les épaules.

Si Rosalie faisait partie des étudiants pas plus motivés que ça, elle la prendrait probablement pour une folle. Pire encore, pour une intello de première, une fille qui avait du être la chouchoute des professeurs durant ses années collège et lycée. Et elle n'aurait pas tort : Sil avait toujours été comme ça. Adorant les études, adorant bosser et récolter de bonnes notes. Elle se donnait juste les moyens d'y arriver, c'était de cette façon que sa mère l'avait élevée, c'était de cette façon que Roxanne elle-même avait percé dans son domaine. Certes il ne fallait pas nier que Silver avait beaucoup de facilités, toutefois ça ne changeait rien à l'histoire : elle aimait en apprendre toujours plus, point à la ligne. Souvent, elle avait été jugée là-dessus par ses camarades de classe, mais ne s'était pas sentie rejetée pour autant. Les personnes qui ne faisaient pas l'effort de savoir qui elle était vraiment n'en valaient pas la peine.
Aujourd'hui elle était à l'université mais se rendait compte que les choses n'avaient pas vraiment changé : il y avait toujours ceux qui faisaient trop la fête et qui considéraient les autres comme de véritables coincés, uniquement capables de mettre le nez dans leurs bouquins. Il y avait ceux qui n'en faisaient ni trop ni pas assez, et ceux qui se donnaient à fond, que ça les empêche d'avoir une vie sociale ou pas. En révélant son amour pour les études, Sil avait tâté un terrain nouveau avec Rosalie. Elle espérait simplement que la jeune femme ne fasse pas partie de ces gens étroits d'esprits, qui méprisaient les étudiants bossant pour leur avenir. Elle tomberait alors de haut.
Probablement parce qu'elle se sentit soudain embarrassée, Silver choisit d'orienter la conversation sur la famille de Rosalie.

« Tu as toujours vécu à Hanover ou tu viens d'ailleurs ? Et cette fameuse soeur qui partage notre passion pour le shopping étudie aussi à Dartmouth ? » demanda-t-elle après une nouvelle gorgée de son moka.

Rose avait craint de décevoir Silver en refusant son café. Mais son interlocutrice ne semblait pas s’être offusquée de la chose, puisqu’elle proposa à la vampire de l’inviter au Seven Grand la prochaine fois. Cela sous-entendait donc qu’elle avait l’intention de revoir Rosalie et cette dernière en fut ravie. En près d’un siècle d’existence, elle ne s’était jamais fait aucun ami. Bien entendu elle entretenait de bons rapports avec les Denali, mais elle n’avait jamais eu l’occasion de se faire des connaissances par elle-même. Cependant, depuis que sa famille avait emménagé à Hanover, elle avait rencontré Lio et Anna, et maintenant Silver, autant dire qu’elle s’était bien rattrapée en un temps record. Jamais elle n’aurait imaginé se lier d’amitié avec une humaine un jour, et pourtant celle qui se trouvait en face d’elle en était bien une. Silver lui rappelait beaucoup la jeune fille qu’elle avait été autrefois ; effrontée et introvertie.

Le Seven Grand était un des bars les plus fréquentés du centre ville. Toujours plein à craquer les week-end il accueillait toute la population étudiante et fêtarde de Dartmouth, c’était donc un endroit que Rosalie évitait soigneusement. Elle avait une large préférence pour le Néon, situé dans la banlieue mal famée de Hanover, moins plébiscité et donc plus adéquat pour la vampire qu’elle était. Mais il était absolument hors de question qu’elle s’y rende avec sa nouvelle amie ; d’une part parce que cet établissement avait mauvaise réputation et que Silver aurait très certainement trouvé l’invitation louche, d’autre part parce que la banlieue était infestée de vampires carnivores et que cela pourrait s’avérer très dangereux pour l’humaine.

« Le Grand Seven ça pourrait être pas mal en effet, on m’en a dit beaucoup de bien… » déclara-t-elle.

Silver lui parla ensuite des cours qu’elle suivait à l’université. Elle l’informa qu’elle étudiait l’anthropologie car elle était fascinée par les différentes cultures, mais qu’elle aurait beaucoup aimé s’inscrire en littérature si elle en avait eu le temps. Elle ajouta que sa bibliothèque occupait la plus grosse partie de son salon et Rosalie sourit à ces mots. C’était un énième point commun qu’elle partageait avec la jeune humaine. La vampire adorait lire et possédait une collection de romans assez impressionnante. L’une des pièces de la villa ressemblait comme deux gouttes d’eau à une bibliothèque universitaire. Les quatre murs étaient tapissés de milliers d’ouvrages, et les Cullen avaient même du diviser la pièces en allées pour stocker le surplus de bouquins qu’ils avaient en leur possession. Une petite échelle leur permettait de coulisser entre chaque espace, mais elle avait surtout un rôle esthétique. Les vampires n’en avaient pas besoin pour attraper les livres situés le plus en hauteur. Un simple bond suffisait.
Silver poursuivit en intimant à Rose que si elle en avait eu l’occasion, elle aurait suivi deux filières, mais qu’elle n’était qu’humaine.

Ces derniers mots résonnèrent dans l’esprit de Rosalie, qui dans un premier temps se demanda si son interlocutrice n’avait pas usé d’un sous-entendu. Elle ne put contenir sa stupeur, qui devait aisément se lire sur son visage. Est-ce que Silver connaissait l’existence des vampires, et avait fait le rapprochement entre les récents évènements qui secouaient la tranquillité d’Hanover et les buveurs de sang ? Et si tel était le cas, comment avait-elle appris tout ceci ? Rosalie déglutit avec difficultés et s’imaginant qu’elle se trouvait peut-être en présence d’une chasseuse de vampires, et que son attitude amicale était une mascarade. Silver tentait peut-être de l’amadouer dans le but de mieux la poignarder avec du sang de mort par la suite…
Et si la mort de Jackson était le fait d’un vampire?

Alors cela expliquait peut-être pourquoi la jeune humaine avait eu vent de tout ceci, et avait décidé de se venger. Elle s’était coupée du monde et avait fuit l’aide de ses amis… peut-être pour les préserver des dangers auxquels elle s’exposait elle-même en ayant dédié sa vie à la traque des sangs froids. Un silence assez gênant s’installa entre les deux jeunes femmes. Toujours autant troublée, Rosalie ne savait pas comment réagir face à la situation. Toutes les épreuves qu’elle et sa famille avaient traversées dernièrement n’avaient fait qu’accroître sa méfiance et sa paranoïa. Elle tentait de dissimuler ses émotions, mais Silver avait du ressentir son malaise puisqu’elle renoua le dialogue avec la vampire.

Elle questionna Rosalie à propos de sa famille. Elle voulait savoir si elle avait toujours vécu à Hanover ou s’ils s’y étaient installés dernièrement. Elle acheva son interrogatoire en lui parlant d’Alice. De toute évidence, l’humaine était en train de mener une enquête sur les Cullen. De plus en plus suspicieuse et n’aimant pas la tournure que prenait leur conversation, Rose n’avait qu’une envie : s’enfuir et se calfeutrer à la maison.
Mais elle ne voulait pas montrer ses angoisses à Silver. D’un air tout à fait naturel, elle jetta un bref coup d’œil à sa montre, et fit mine de s’affoler :

« Oh mon Dieu ! Déjà 18h ! Je suis désolée, je dois partir immédiatement. Je suis déjà très en retard ! » s’exclama-t-elle sur un ton tout à fait crédible. « Je suis désolée de devoir te faire faux-bond mais je n’ai pas le choix. J’espère vivement te croiser en ville prochainement… » poursuivit-elle en se levant et en rassemblant ses affaires. « Ravie de t’avoir connue Silver… »

Si Silver lui avait répondu quelque chose, la vampire ne l’entendit pas. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire elle avait déjà disparu dans la foule compacte qui s’entassait dans la galerie marchante. Elle se dirigea jusqu’au parking et prit place dans son cabriolet rouge.
Elle était complètement bouleversée par cette rencontre. Silver avait l’air d’être une personne tout à fait adorable, mais les mots qui étaient sortis de sa bouche avaient éveillé les doutes de la vampire. Et pourtant, ils avaient été prononcés de façon tout à fait anodine, mais ça, Rosalie l’ignorait. Une nouvelle fois encore son caractère avait complètement gâché l’occasion qu’elle avait eu de se faire une nouvelle amie.

La conversation entre les deux jeunes femmes avait pourtant bien commencé. Chacune avait échangé deux ou trois petites informations sur ses études et elles avaient même prévu de se revoir au Seven Grand. Rosalie en avait aussi entendu parler - le contraire aurait grandement étonné Silver - et avait acquiescé à son offre de « prochaine fois », où la jeune blonde pourrait vraiment boire quelque chose. Pourtant, quand Silver expliqua qu'elle aurait pu étudier plus si elle en avait eu la possibilité, Rose eut un air surpris et un malaise vint soudainement s'installer entre elles. Il se passa ce que la brunette avait craint : sa nouvelle amie la prenait pour une étudiante coincée qui ne sortait jamais le nez de ses bouquins de cours, et qui écrivait des dissertations pour le plaisir alors que pour les autres, les devoirs étaient de véritables tortures. Silver fut déçue, elle avait cru que Rosalie n'était pas comme les autres, du moins pas comme la plupart des gens qui ne savaient pas se débarrasser de leurs préjugés pour apprendre à connaître quelqu'un. Toutefois, elle ne put se résoudre à trouver une excuse pour partir et oublier la superficialité de Rose, qui lui avait pourtant paru sympathique. Sil se contenta alors de relancer la conversation en changeant de sujet, espérant que si elles s'éloignaient de l'université et de leurs filières, Rosalie verrait que la jeune étudiante n'était pas qu'une étudiante, justement. Qu'elle savait faire autre chose que rédiger des pages et des pages sur les peuples aborigènes d'Australie. Ainsi, la brunette demanda-t-elle des précisions sur la fameuse soeur qui était raide dingue du shopping.

Pour le coup, elle ne s'attendait pas à ce genre de réponse. Rose jeta un coup d'oeil à sa montre, et s'étonna qu'il soit déjà dix-huit heures. Elle avoua être en retard, s'excusa de devoir abandonner cette discussion ainsi que son interlocutrice, et espéra qu'elles se reverraient. Tout en rassemblant ses affaires, elle dit à Silver qu'elle avait été ravie de la rencontrer. Si ravie que ça ? Il semblait à la jeune femme que Rosalie parte bien vite, elles n'étaient pas au café depuis si longtemps. Se pouvait-il qu'elle n'ait vraiment pas fait attention à l'heure avant d'accepter son offre d'aller au Starbucks pour la remercier ? Ne se laissant pas envahir par toutes ces questions, Sil se concentra sur Rose qui était en train de récupérer son pull. Elle entrouvrit la bouche pour lui exprimer une nouvelle fois sa gratitude - elle l'avait sauvée d'un quart d'heure de queue en caisse, ne l'oublions pas - mais Rose se trouvait pratiquement hors de vue. Silver la vit quitter la pièce et à travers la baie vitrée, la regarda se dépêcher de rejoindre la sortie. Lorsque la jeune blonde eut disparu, l'étudiante baissa les yeux sur le second café - celui de Rosalie - qu'elle avait à peine eu le temps de commencer.

Ce n'était pas normal, pourquoi avait-elle quitté la table si précipitemment, sans même attendre une réponse de la part de Sil ? Etait-elle tellement en retard qu'elle ne pouvait pas se permettre de rester quelques secondes de plus ? La brunette tenta de mettre de côté ses doutes, mais elle avait bien vu son expression quand elle lui avait dit pour son double-cursus. C'était comme si elle lui avait fait peur en lui exprimant son ambition et son amour pour les études qu'elle faisait. Sil tenta de conserver un visage neutre, il ne serait pas bon d'afficher de la déception dans ce café, où plusieurs personnes la connaissaient et savaient ce qui venait de lui arriver. Nul doute que l'une d'elles viendrait la voir pour lui demander si elle allait bien, et elle n'en avait pas envie. Du moins, si discussion il devait y avoir, c'était elle qui devrait en être à l'origine. Sil songea d'ailleurs à la présence de Grace et Emma, tout près. Puisque Rose était partie, pouvait-elle aller à leur encontre et dire à quel point elle était désolée ? Pouvait-elle faire cet effort ? L'accueilleraient-elles à bras ouverts ou la repousseraient-elles ? Silver avait peur de leur réaction, cependant elle savait aussi qu'elle ne pouvait pas rester éternellement enfermée dans sa bulle, déconnectée du monde et des autres. Elle voulait renaître, elle voulait que Nathan soit fière de sa protégée. Soudain décidée, Silver se leva de sa chaise, prit son gobelet en main et se dirigea vers ses deux amies.

« Salut. Je voudrais... J'aimerais vous parler. Est-ce que je peux m'asseoir ? » demanda-t-elle timidement.

Un silence pesant s'installa alors que les deux étudiantes observaient Silver d'un air impassible. La jeune anthropologue sentit son estomac se nouer et elle avait l'impression que si elle ne partait pas tout de suite, elle rendrait son café. Cela lui coûtait beaucoup, et elle n'avait pas pensé à ce qu'elle ferait si Emma et Grace refuseraient de l'écouter. Elle n'avait pas pensé au fait que cela la détruirait encore un peu plus au lieu de la pousser dans la bonne direction. Toutefois, elle se fit peur pour rien. Grace afficha bientôt un sourire compatissant, plein de chaleur à son attention. Et Emma prit la parole, d'une voix débordante de gentillesse, tout en tirant une troisième chaise près de la table.

« Bien sûr. »

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Une petit heure plus tard, Silver se trouvait dans sa voiture et rentrait chez elle. Nathan, qui l'attendait en regardant une émission débile comme il y en avait souvent à la télévistion, avachi sur le canapé, l'accueillit en la serrant dans ses bras. Il ne tarda pas à lui demander si elle avait trouvé quelque chose au centre commercial, et elle lui expliqua sa rencontre avec Rosalie, lui rendant son chèque mais jurant avoir payé en liquide. De toute façon, il ne pouvait pas douter de ses propos puisqu'elle lui montra son pull rose, et l'essaya même devant lui pour qu'il lui donne son avis.
Après le dîner, elle révéla à son ange gardien sa conversation avec Grace et Emma, et la réconciliation qui avait suivi. Nathan ne cacha pas sa fierté, et lorsque Silver s'endormit ce soir-là, ce fut avec un sourire aux lèvres. Jackson aussi serait fier, elle le savait.
Aujourd'hui, elle avait fait un pas de plus. Un pas de plus vers le bonheur.

[TOPIC CLOS]

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